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Lifestyle - Hotte d’or

Cette garce !

Depuis qu'Eve a tendu le fruit rouge (peut-être était-elle verte finalement, cette pomme...) à Adam, les êtres humains donneraient un rein pour connaître leur avenir, le très proche comme le trop lointain. Eh bien moi j'en donne deux : mes deux reins à qui me prédira mes lendemains par n'importe quel moyen : par les pierres, les entrailles de sanglier, les nuages du ciel, l'alphabet runique, les rêves, les tarots, le feu, les dés à jouer, le marc de café, la boule de cristal, les antennes d'escargot, je m'en moque, mais que l'on me dise ce qui m'attend. Ou qui j'attends. Ou ce que j'attends. J'avais entendu parler d'une certaine Zénia, qui se dit descendante de Marie-Anne Adélaïde Lenormand, décédée en 1843 et qui était la cartomancienne attitrée de Napoléon. Cette délicieuse jeune femme a même conçu un jeu divinatoire de 54 cartes qui porte son nom et comme son aïeule, la Zénia, dit-on, utilise le même, divisé en Bâtons (les actuels Carreaux qui correspondent au feu et au printemps), en Coupes (les Cœurs, associés à l'eau et à l'été), en Épées (les Piques, correspondant à l'air et à l'automne) et en Deniers (qui se réfèrent aux Trèfles, associés à la terre et à l'hiver). J'ai manigancé une recherche sur cette Zénia. Elle habite à Budapest, rue Erzsébet Körút, dans le quartier de Pest. J'y allais. Elle m'a bizarrement donné rendez-vous à peine 36 heures après mon téléphone : Votre voix m'inspire, m'a-t-elle chuchoté avec un accent turkmène très James Bond girl. Je m'attendais à voir une espèce de caricature, une professeur Trelawney totalement folle sortie tout droit du Poudlard d'Harry Potter, une gorgone pestilentielle, alcoolique et édentée croulant sous les châles et autres pendentifs ésotériques et abscons. Pas du tout : Zénia est le clone d'Isabelle Adjani. En blonde. Avec d'interminables cheveux qui lui arrivent à mi-cuisses. Et en beaucoup plus âgée. Beaucoup. Je n'ai pas de Veuve Clicquot à vous offrir, madame K., peut-être vous contenteriez-vous d'une infusion à la violette. J'ai sursauté. Violemment. Littéralement : comment a-t-elle deviné ce que je bois du lever du soleil à son coucher ? J'ai eu très peur - même si cela était un signe que j'en aurai pour mes argents. À moins que je ne sois à ce point célébrissime... Allongez-vous, madame K., m'ordonna-t-elle doucement en désignant une espèce de divan insensé qu'elle a dû voler à Sigmund lui-même. J'ai obéi. Vous êtes une loque de l'intérieur et vous crânez, c'est piteux, dit-elle en me présentant un plateau en argent sur lequel les 54 cartes s'étaient avachies et en me demandant d'en choisir sept. Pendant vingt bonnes minutes, elle a cessé de respirer. La Zénia était en apnée. Je commençais à me sentir extrêmement mal. Taisez-vous, madame K. Mais je n'ai rien dit. Vous parlez de dedans. Ah. Vous n'allez pas trouver le prince charmant cette année - ni l'année prochaine d'ailleurs ; vous allez devoir augmenter votre consommation de toxine botulique ; vous resterez toujours cette vieille poupée futile et totalement inutile aux yeux de beaucoup de vos contempteurs qui refuseront encore et toujours de dépasser vos apparences ; vous ne serez pas heureuse. En revanche, vous ne souffrirez d'aucune maladie grave et votre compte en banque gonflera encore et encore, tirez une huitième carte et faites un vœu. Je ne savais pas si je devais obtempérer ou la gifler. Cette salope. J'ai tiré la huitième carte. Le (jeune) Valet de Coupes. De Cœur. Cette salope de Zénia : elle a blêmi et ri jaunâtre. Je l'ai eue. Na. Et miam-miam.

 

margueritek@live.com

Depuis qu'Eve a tendu le fruit rouge (peut-être était-elle verte finalement, cette pomme...) à Adam, les êtres humains donneraient un rein pour connaître leur avenir, le très proche comme le trop lointain. Eh bien moi j'en donne deux : mes deux reins à qui me prédira mes lendemains par n'importe quel moyen : par les pierres, les...
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