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Lifestyle - Hotte d’or

On ne ment pas la bouche pleine

Recroquevillée sous ma couette. Dimanche 12 septembre, 15h00, heure de Beyrouth. Une bouteille de Veuve Clicquot rosé à peine entamée et quelques huîtres de la Seudre me tiennent compagnie. Jacques chante. Bien sûr, nous eûmes des orages / Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol... Toi et moi, mon Claude, mon Chabrol, ça a duré vingt mois, moi dans la fleur de ma vingtaine et toi une vingtaine de plus... Mille fois tu pris ton bagage / Mille fois je pris mon envol... Jean-Claude Brialy nous a tellement cachés et c'est moi, avant mes tire-d'aile, qui t'ai présenté Stéphane Audran, tu l'appelais ma somptueuse, c'est vrai qu'elle l'était, et depuis toi je n'ai jamais supporté un amant de plus de 25 ans... Et chaque meuble se souvient / Dans cette chambre sans berceau... Tu m'as proposé d'être la marraine de Thomas, j'ai dit non, je n'ai jamais eu la fibre très maternelle. Des éclats des vieilles tempêtes / Plus rien ne ressemblait à rien... Jusqu'à ce que tu craches sur les écrans blancs de tous nos désirs ce Boucher avec notre Stéphane et un Jean Yanne bigger than life qui, souvent, te faisait sourire de plaisir de filmer. Tu avais perdu le goût de l'eau / Et moi celui de la conquête... Tu disais mon Claude qu'il était impossible d'être gourmand ou gourmet, qu'il fallait obligatoirement revendiquer les deux et tu as passé des années à me l'expliquer sans que, naturellement, je comprenne quoi que ce soit. Moi, je sais tous tes sortilèges / Tu sais tous mes envoûtements / Tu m'as gardée de pièges en pièges / Je t'ai perdu de temps en temps... Jamais bien longtemps : notre amitié a défié le temps, les règles, la gravité, tellement que tu n'hésitais pas à dire, toi qui vénérais la bêtise illimitée à l'intelligence toujours très parcimonieuse que tu t'inspirais souvent de moi, ta ravissante idiote, pour peindre tes héroïnes, tu disais à Isabelle : regarde-la et imbibe-toi de ses apparences, ses transparences sont bien trop orageuses et moi je ne savais pas comment prendre tout cela à part en riant et en te mettant un horrible tabac dans ta pipe après avoir hurlé que l'on ne peut s'attendre à rien d'un homme qui a quadruplé sa première année de pharmacie. Bien sûr tu pris quelques amantes / Il fallait bien passer le temps / Il faut bien que le corps exulte... Des amantes, des amantes, rien du tout : Aurore t'a tout donné et tu as tout pris d'Aurore, vous étiez beaux comme un couple originel, elle seule savait dompter tes rugissements que personne n'entendait, tes turbulences dont toujours tu te moquais en avalant dix têtes de veau par-ci, des centaines de moules par-là, une oie entière souvent. Finalement, finalement / Il nous fallut bien du talent / Pour être vieux sans être adultes... Ce que le cinéma a perdu avec toi est inestimable, mais mon amour / Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour / De l'aube claire jusqu'à la fin du jour / Je t'aime encore, tu sais, je t'aime, et avec moi, des centaines et des centaines et des centaines de gens qui, à chaque fois qu'ils (re)verront un de tes films, même Jours tranquilles à Clichy, même Marie-Chantal contre docteur Kha, souriront eux aussi comme des enfants et, sur leurs lèvres, mêlé au merci, cet intarissable miam miam.

 

margueritek@live.com

Recroquevillée sous ma couette. Dimanche 12 septembre, 15h00, heure de Beyrouth. Une bouteille de Veuve Clicquot rosé à peine entamée et quelques huîtres de la Seudre me tiennent compagnie. Jacques chante. Bien sûr, nous eûmes des orages / Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol... Toi et moi, mon Claude, mon Chabrol, ça a duré...

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