« La stratégie de contre-offensive militaire est trop ambitieuse », a ainsi estimé le directeur de l'IISS John Chipman au cours de la conférence de presse de présentation du bilan stratégique 2010 de l'institut. L'institut souligne que « de nombreux observateurs s'inquiètent du fait que la lourde présence des troupes étrangères est ce qui maintient et alimente les talibans ». Les troupes occidentales doivent mener des négociations avec les talibans, se focaliser sur les extrémistes d'el-Qaëda qui représentent une menace globale, et aider à construire un pays plus fédéraliste qui reconnaisse les divisions ethniques, a-t-il ajouté. « L'avenir est manifestement du côté de négociations avec ou entre les participants au conflit », note l'IISS. Les efforts de la coalition de l'OTAN pour bâtir un État en Afghanistan et combattre les insurgés « ont atteint leurs limites d'un point de vue militaire et politique » alors que ce conflit approche sa dixième année, souligne le centre de recherche londonien.
Cette nécessité d'une nouvelle approche en Afghanistan est aussi à replacer dans le contexte d'un monde qui subit les conséquences de la crise financière et qui connaît un rééquilibrage des pouvoirs, ajoute l'IISS. « Pour les pays occidentaux, être dans une impasse militairement et psychologiquement (en Afghanistan) ne servira pas, plus largement, leurs intérêts politiques et sécuritaires », a ajouté M. Chipman.
Le président américain Barack Obama a récemment semblé prendre de la distance avec sa promesse de commencer à retirer des troupes d'Afghanistan en juillet 2011. Washington a cette année déployé environ 30 000 soldats supplémentaires dans le cadre d'une nouvelle stratégie de contre-insurrection.
Mais l'IISS estime qu'il est « de plus en plus douteux » que des objectifs tels qu'une victoire sur les talibans, le renforcement de l'État afghan ou des forces de sécurité afghanes et l'élimination de la corruption puissent jamais être atteints.
Par ailleurs, le nombre croissant de soldats alliés tués en Aghanistan - près de 500 jusqu'ici pour la seule année 2010 - alimente les doutes dans la plupart des pays qui fournissent des troupes à la coalition. Retirer trop tôt les quelque 150 000 soldats déployés pourrait causer une « implosion en Afghanistan », souligne l'IISS, mais poursuivre la mission actuelle « risque de mener à une catastrophe prolongée en raison de conceptions désuètes ».
L'institut souligne en outre que les Occidentaux doivent élaborer une nouvelle stratégie pour le Pakistan « qui a résisté fermement » aux pressions pour agir contre les insurgés présents sur son territoire, responsables de violences en Afghanistan.
Parallèlement un nouvel ordre mondial émerge des décombres de la crise financière mondiale de 2008 dans lequel les États-Unis risquent de céder à une « lassitude stratégique » dans leur rôle de gendarme du monde, alors que d'autres nouveaux pouvoirs luttent pour exercer leur influence, relève l'IISS. Le centre de recherche identifie un groupe de « nouvelles puissances moyennes en pleine croissance », comme la Turquie, le Brésil, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis. Il cite en exemple les efforts de la Turquie et du Brésil pour s'impliquer dans le conflit entre l'Iran et les puissances occidentales sur son programme nucléaire. L'Australie, l'Indonésie et la Corée du Sud sont aussi de plus en plus intéressées par des consultations multilatérales et « pourraient à terme devenir des forces diplomatiques à prendre en compte » face à l'expansion « inexorable » du pouvoir chinois. Enfin, la Chine et l'Inde continuent à gagner en assurance et défendent leurs intérêts, même si leur émergence en tant que pouvoirs globaux est ralentie par une certaine « retenue » quant à leur influence sur les affaires internationales, note l'IISS.