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Nos Lecteurs ont la Parole

Au pays où le xénophobe est roi

Sami AMMACHE
Narrateur

Les nerfs au bord de l'explosion et le sourire destructeur de Gino Corleone avaient, au fil du temps, acquis une certaine renommée au sein de sa famille et parmi ses amis. Il était connu pour son mental d'acier et son tempérament agressif. Gino n'avait pas peur de kebab (le kebab est une espèce qui, en cas de confrontation, appelle tout un panel de nourritures pesant lourd sur l'estomac, notamment le couscous). Néanmoins, un jour vint où Gino dut reconnaître sa défaite.
Au volant d'une Seat Ibiza noire, Gino se rendait chez lui, accompagné de la belle Tatiana Mindy. « Un avion de chasse », comme Gino aimait l'appeler. Ne vous demandez pas pourquoi les femmes reçoivent souvent des surnomsd'armes de guerre (missile, canon...), peut-être a cause de tout ce que les hommes seraient susceptibles d'accomplir pour capter leur attention. Quoi qu'il en soit, la douceur de cette après-midi de mai se brisa soudainement dans un vacarme de klaxons et d'appels de phare.
Gino, le regard alerte, perfora du regard son rétroviseur. Il vit derrière lui un couscous géant, habité par 4 kebabs de 25 ans. Il faut savoir que Gino n'a peur de rien. Enfin, presque rien. Tatiana étant une bombe intergalactique, il lui était facile de reconnaître que ces immigrés pourraient lui faire du mal. Gino enclencha son frein, pilant net. La Golf IV s'arrêta d'un coup, incroyablement surprise par cette résistance inattendue. Gino redémarra, fier de sa performance. Son sourire narquois ne tarda pas à s'éteindre lorsqu'il vit la Golf IV rouler à sa hauteur sur la voie de gauche, lâchant sur lui regards comminatoires et flots de salive. « Ma mère, c'est une chienne si je te plante pas. » Ces paroles résonnèrent comme une alarme dans la tête de Gino, ses pensées se portant maintenant sur la femme resplendissante assise à côté de lui, dont le sang venait de se glacer.

Gino
Ces mots traversèrent mon corps et mon esprit. Aurais-je dû m'imposer ? Beaucoup m'ont répété qu'un jour viendrait où ma fierté et ma confiance me perdraient. Le jour était-il venu pour moi de me faire massacrer ? Le 1er mai sonne comme une date jolimenjt choisie. Étant un paresseux de première classe, je dirai que je n'aurais pu mieux trouver que le jour de la Fête du Travail. Quoi qu'il en soit, mon instinct animalier refit surface, accompagné des battements de cœur dans ma poitrine. J'écrasais la pédale d'essence et débutait contre mon gré une veritable course-poursuite en pleine ville. Mes assailants me poursuivaient, voulant à tout prix tremper ma peau pour essuyer la sauce de leur couscous dans leurs assiettes.
Fixant mon rétroviseur, je pus voir ces sourcils noirs et ces yeux haineux. Je pus aussi remarquer qu'au moindre arrêt de circulation, le kebab assis à l'arrière de la Golf ouvrait la portière comme pour venir chercher la nouvelle tête qui ornerait son tableau de chasse. Je ne flanchis pas. Si tu veux te battre, je n'ai aucun problème, surtout si c'est toi, fils et petit fils de chienne. Pourtant, je ne saurais dire à quel point mon cœur me fit mal dans la poitrine quand j'arrivais au niveau du marché provençal, dont la circulation, à voie unique, était complètement bouchée et surtout bondée de monde.
Le singe qui ouvrait si souvent la portière trouva enfin son compte. Dans cette circulation bouchée, il allait pouvoir écraser le malheureux qui avait osé le défier. Je n'hésitais pas une seule seconde. D'un coup, je relevais le frein à main, prêt à affronter ma destinée.
Tandis que l'autre s'approchait de moi, je pus admirer tout le style et le goût du tee-shirt qu'il portait. « Je b... la France jusqu'à ce qu'elle m'accepte », était inscrit en lettres rouges sur ensemble noir, surplombant une carte de la France enveloppée du drapeau algérien. À ces mots, je trouvais que c'était assez clair. L'Arabe, plutôt petit mais fort musclé, n'irait pas par quatre chemins. Je me suis mis étrangement à rêver. Je me retrouvais dans un monde de silence. Un monde sourd aux bruits et au vacarme. Je ne voyais plus que cette silhouette s'approcher dangereusement de moi, ce personnage qui me voulait du mal.
Je me suis mis à me dire : pourquoi ? Je sentis en moi toute cette haine qui m'habite, cette force que je qualifierais de destructrice. Ce serait lui ou moi. Et ce fut moi. Comme transcendés, mes muscles se crispèrent avant de décharger un crochet droit ravageur. Un crochet tellement rapide et inattendu que je pus voir, à son effondrement, une mine surprise, voire choquée. Ce ne fut qu'un court instant, avant que mes jambes ne vacillent et que le sol ne se dérobe sous mes pieds.

L'autre
Nardinoumouk « j'l'ai marav ». Walalardine,la balayette que je lui ai mise, c'est la spéciale de la maison. Sur la tombe à ma grand-mère que j'en reviens pas de ce qu'il a fait. Momo, c'est un frère. Quand je l'ai vu tomber, ça a déglingué comme une evidence : la spéciale pour Mister Batman. Rien à perdre, je le planterai. Une promesse, c'est une promesse. Simon ma mère, c'est une chienne. Si ce fils de... avait un ange gardien, je l'appellerai Condé. Salope de gendarmerie nationale. Direct, ils nous ont séparés. En même temps fallait s'y attendre dans le marché provençal. Blindé de keufs. Mais ah ce mec, on l'aurait massacré. Il avait l'air blindé avec son tee-shirt kadercrombie et fitch. Et sa copine mama... Trop bonne. Avec ses yeux couleur Maroc. Inchallah on le retrouve on lui fait la peau. C'est qui, ce fou ! Il peut sourire à la vie, mais pas à nous. La France est à nous.

Problématique
Dans cette société clairement établies par des « nous » et « vous », comment s'étonner du vote des citoyens en faveur du Front national ? Comment peut-on blâmer le racisme
face à pareil décalage de mentalité ? Sommes-nous réellement des individus différents, pouvant former un seul et même groupe homogène ? Ne sommes-nous pas racistes par peur de l'autre ?

Sami AMMACHE
NarrateurLes nerfs au bord de l'explosion et le sourire destructeur de Gino Corleone avaient, au fil du temps, acquis une certaine renommée au sein de sa famille et parmi ses amis. Il était connu pour son mental d'acier et son tempérament agressif. Gino n'avait pas peur de kebab (le kebab est une espèce qui, en cas de confrontation, appelle tout un panel de...

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