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Nos Lecteurs ont la Parole - À l’attention de M. Ziyad Baroud

Envers et contre toute évidence

Louis INGEA
Je sais qu'exposer des doléances en haut lieu au Liban n'a jamais servi à grand-chose. Le déchirement, quotidiennement vécu, de la part des bien-pensants en est la preuve la plus éloquente.
Il est entendu que les gens d'ici aient admis, depuis longtemps et en désespoir de cause, de subir les avatars de la politique autant régionale que locale. Ils ont admis, comme l'on admet à contrecœur une tare congénitale, tout le désordre public, toutes les magouilles, toutes les compromissions qui régissent, depuis belle lurette, les activités sociales et civiques d'une population qui se refuse, par ailleurs dans sa majorité, à toute notion de culture, de politesse, de régime policé.
Or si l'on ne se plaint plus ouvertement de la misère engendrée par une Constitution bafouée en permanence, par des retournements d'opinion irresponsables, par des trahisons déguisées et par une bêtise monumentale érigée en système de gestion, il reste qu'au niveau du quotidien, au niveau de la rue, au niveau du geste personnel qui tisse les moments d'une journée ordinaire, nous avons droit, en tant qu'êtres humains, à une attention minimale sans laquelle notre société se rabaisserait définitivement au rang du monde animal.
Il est donc urgent et impératif que soient prises, à tout le moins dans les administrations publiques, des décisions de bon sens et de simple netteté.
Pour l'illustrer, qu'il me soit permis de m'adresser directement au ministre de l'Intérieur, M. Ziyad Baroud, pour lequel, de l'avis unanime, les gens éprouvent une confiance assortie d'une tendresse largement justifiées.
Avant-hier, et je cite là le témoignage écœuré de ma propre fille, il fut nécessaire pour elle d'accompagner un brave travailleur jusqu'aux locaux de la « Mécanique », la «Néfaa », pour la bonne raison d'avoir à apposer sa signature sur un document, suite à la vente d'un tacot qu'elle venait de céder pour une modique somme au travailleur en question.
Arrivée sur les lieux, elle dut se faufiler au travers d'une faune indescriptible qui se pressait autour de branlants comptoirs, trépignant, hurlant, bousculant tous ceux qui ne possèdent ni bras ni culot pour se tailler une place... Et cela, en vue de l'obtention de documents devenus illisibles tant ils sont griffonnés, pour justifier un achat-vente de voiture, un enregistrement de numéro matricule, ou toute formalité ayant trait à un véhicule quelconque.
Deux heures durant, elle attendit que vint son tour. Et elle ne réussit à gribouiller sa malheureuse signature que sur intervention d'un « courtier », activiste d'un gang dont les membres sont plus nombreux, a-t-elle constaté, que les employés préposés par l'État en ce lieu...et au prix sonnant d'un irrévocable pourboire de 200 dollars américains, alors que la vente s'élevait en tout à 800 dollars.

Et ce fut fait, bien sûr !
Dégagée en jouant des coudes, piétinant une infinité de coupures de papiers déchirés, jetés par terre par une masse inconsciente, essayant de fermer les yeux et se bouchant les narines au vu des immondices jonchant le sol et des murs recouverts de saleté, elle fut heureusement secourue par son propre acheteur qui se proposa aimablement de la ramener chez elle illico presto, pour revenir par la suite recueillir la copie définitive pour laquelle tous deux avaient tant sué.
N'y a-t-il donc aucun remède, Monsieur le Ministre, qui puisse atténuer les stigmates de pareille décrépitude ?
La plus efficace des parades consisterait peut-être à doter chaque office gouvernemental d'une paire de gardiens en uniforme, spécialisés dans la surveillance de l'ordre et de la propreté, et susceptibles, par leur seule présence, de rétablir un semblant de calme et de respect public.
Pensons également, à cette occasion, au cas de nos routes. Pourquoi ne pas constituer au plus tôt un corps adéquat, rien que pour assurer le tracé sur l'asphalte des fameuses lignes blanches requises pour une circulation disciplinée. Toutes les routes, même les plus étroites, les plus retirées, devraient être concernées. Je suis certain que, malgré la dissipation générale, pareille tentative réduirait d'au moins 50 % le marasme et le chaos de la circulation automobile.
Que l'on confie donc, dans la foulée, aux municipalités l'entretien exclusif de la propreté ambiante, le ramassage des détritus et le réasphaltage des trous sur la chaussée, dans les limites de leur localité. Sans attendre le recours, toujours à la traîne, des services de Solidere ou des Travaux publics.
Si chaque coin s'occupait simplement de son propre confort, à l'exemple de ce qui est en train de se faire, paraît-il, à Dhour Choueir grâce à son nouveau maire, la vie de tous les jours deviendrait sans doute moins pénible.
Vivement un effort dans le domaine civique ! Avant de le demander aux citoyens eux-mêmes, que l'État s'exécute d'abord, en prenant les dispositions qui faciliteraient une certaine prise de conscience. Nous pouvons, certes,
faire confiance au côté « humain », encore planqué au fond de chaque individu.
Vous me direz que ce n'est pas grand-chose et que le
Libanais est incorrigible.
Je vous répondrai :
« Essayez, d'abord ! Et sévissez surtout ! » Nous verrons bien ensuite.
Avec tout le respect dû à nos édiles, et mon faible mais indomptable espoir...
Louis INGEA
Je sais qu'exposer des doléances en haut lieu au Liban n'a jamais servi à grand-chose. Le déchirement, quotidiennement vécu, de la part des bien-pensants en est la preuve la plus éloquente.Il est entendu que les gens d'ici aient admis, depuis longtemps et en désespoir de cause, de subir les avatars de la politique autant régionale que...

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