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Liban - Éclairage

Le dossier des faux témoins soulève des interrogations de taille

Comme on pouvait s'y attendre, la séance du Conseil des ministres aura juste réussi à contourner la crise suscitée par le dossier des faux témoins.
La décision de charger le ministre de la Justice d'effectuer un suivi de ce dossier avec les autorités judiciaires concernées constitue certes une issue qui ne fait que refléter la volonté de préserver l'entente, illustrant ainsi le mot d'ordre donné au lendemain du récent sommet syro-saoudo-libanais. Des sources informées croient d'ailleurs savoir que la réunion prolongée entre Saad Hariri et l'adjoint du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil, devait notamment aboutir à un consensus autour de la question du TSL et des faux témoins, à savoir qu'en dépit des divergences des points de vue sur ce dossier, la priorité reste à l'accalmie et aux efforts qui doivent être déployés en vue de trouver des règlements à l'amiable. C'est probablement ainsi que l'on peut comprendre la décision de confier à Ibrahim Najjar l'affaire des faux témoins, qui survient au lendemain d'un autre compromis réalisé autour des indices avancés par Hassan Nasrallah lors de sa conférence de presse et remis mardi au procureur de la République, « à la demande du Premier ministre » et à la demande de Saïd Mirza lui-même, une nuance à laquelle le parti chiite accorde une importance toute particulière.
Quoi qu'il en soit, l'essentiel du débat qui s'est tenu hier à Beiteddine au sujet des faux témoins peut se résumer comme suit : pour le camp du 14 Mars, l'affaire des faux témoins n'est autre qu'une question « juridique », laquelle ne saurait être discutée en Conseil des ministres. Pour le 8 Mars, c'est au contraire une affaire politique par excellence, qui doit être débattue et réglée par la sphère politique avant qu'elle ne puisse prendre son cours sur le plan judiciaire, puisque l'opposition continue de réclamer une enquête judiciaire locale sur cette affaire. Deux avis a priori inconciliables qui ne sauraient cependant écarter les vraies problématiques que suscite ce dossier.
En effet, le problème des faux témoins soulève plusieurs interrogations de taille auxquelles les autorités libanaises n'ont pu à ce jour apporter des réponses claires.
Première question, celle de savoir qui a réellement mandat pour se saisir de affaire, la justice libanaise ou la justice internationale, en l'occurrence le TSL ? Si l'on s'en tient aux propos du procureur du TSL, celui-ci avait clairement signifié, à plusieurs reprises, que l'instance judiciaire internationale « n'est pas compétente » en la matière, précisant que son mandat « est d'aller de l'avant et de trouver de nouveaux témoins pour éclaircir l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri ».
Du côté libanais, et notamment au sein du camp du 14 Mars, on jette la balle dans le camp du TSL, en affirmant que la justice locale n'a pas mandat sur ce dossier, puisqu'elle s'est déjà dessaisie de « l'ensemble du dossier » en faveur du TSL. Cette première polémique soulève ainsi une autre interrogation majeure, à savoir : le dossier des faux témoins fait-il partie oui ou non de l'ensemble du dossier Hariri, ou bien représente-t-il un intermède dans l'enquête internationale dont les mandataires affirment qu'ils ne sont plus intéressés ni concernés par cette question, leur seul objectif étant de faire la lumière sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre et non de retourner en arrière en relançant l'investigation sur les faux témoins ?
Deuxième problème soulevé, la question de savoir si l'on peut véritablement parler de faux témoignage, ce que certaines voix au sein du 14 Mars, notamment le leader des FL, Samir Geagea, continue de nier. Selon lui, aucune instance judiciaire n'a encore évoqué l'existence de « faux témoins », par conséquent, et avant que l'enquête ne soit complètement achevée, et la réalité dévoilée, il est quasi impossible de savoir si des personnes comme Houssam Houssam, Mohammad Siddik, Ahmad Chakib Mrad et les autres ont oui ou non donné de faux témoignages. Certes, rétorquent les partisans du 8 Mars et à leur tête le général Jamil Sayyed, si le TSL n'a pas prononcé le terme de faux témoignage, il n'en a pas moins signifié officiellement que les informations données par, notamment, Houssam Houssam et Mohammad Siddik étaient « non crédibles », ce qui revient au même. D'ailleurs, ajoute l'officier, « le seul fait que nous ayons été relâchés est une preuve par mille que les témoignages de ces personnes n'ont pas été pris en compte ».
Dernière pierre d'achoppement, et quand bien même la justice libanaise venait à reconnaître sa compétence en la matière, la question est de savoir si celle-ci détient oui ou non les documents relatifs aux faux témoins présumés, désormais entre les mains du TSL depuis que le Liban s'est désisté devant l'instance internationale.
La justice libanaise a-t-elle envoyé l'original du dossier en gardant une copie dans ses tiroirs ou bien s'est-elle contentée d'envoyer une copie conforme ? Si l'on en croit les paroles de Darell Mendes, l'avocat qui a défendu, en juillet dernier, la position du procureur du TSL face à Jamil Sayyed qui réclamait copie du dossier, la majorité des documents qu'il avait consultés « étaient des copies ».
Une source judiciaire libanaise citée par notre confrère Omar Nashabeh avait pourtant affirmé que la justice libanaise avait envoyé et l'original et la copie, signifiant par là que le Liban n'a plus accès à ce dossier.
Reste enfin à élucider la question de savoir que sont devenus les cinq faux témoins, de nationalité syrienne, contre lesquels le général Jamil Sayyed a intenté un recours devant la justice syrienne. À part Houssam Houssam, qui se trouve en Syrie et qui est le seul à avoir été entendu par le juge d'instruction de Damas qui l'a ensuite relâché sous caution d'élection de domicile, et Akram Chakib Mrad, emprisonné à Roumieh, que sont donc devenus Michel Ibrahim Jarjoura, Nohad el-Ghadiri, dont on dit qu'ils se trouvent au Liban, et enfin, le fameux Mohammad Siddik ?
Ce dernier, qui se trouvait en résidence surveillée en France, a fui en direction des Émirats, lesquels refusent à ce jour de répondre à la demande de son extradition, formulée il y a deux mois par la justice syrienne. Des sources du 8 Mars s'interrogent d'ailleurs sur le fait de savoir comment Mohammad Siddik a pu fuir la France et se réfugier aux Émirats et pourquoi ces derniers tiennent à garder un mutisme absolu à son sujet ?
Autant de questions techniques, juridiques et politiques auxquelles aucune des parties concernées n'a encore pu apporter d'éclaircissement, d'où le caractère complexe de ce dossier qui restera longtemps encore un sujet de polémique tant que des réponses concrètes n'auront pas été avancées de part et d'autre. Ce sera probablement la difficile tâche à laquelle devra s'atteler le ministre de la Justice dans les prochains jours.
Comme on pouvait s'y attendre, la séance du Conseil des ministres aura juste réussi à contourner la crise suscitée par le dossier des faux témoins.La décision de charger le ministre de la Justice d'effectuer un suivi de ce dossier avec les autorités judiciaires concernées constitue certes une issue qui ne fait que refléter...

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