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Moyen Orient et Monde - Reportage

Le « cauchemar » kosovar des enfants roms expulsés d’Allemagne

La moitié des 10 000 Roms forcés de rentrer au Kosovo sont des enfants dont la plupart sont nés et ont grandi en Allemagne.

La plupart des Roms expulsés vers le Kosovo ne savent parler que l’allemand, ce qui rend leur intégration encore plus difficile. Armend Nimani/AFP

« Je me sens comme si j'étais en prison. Je ne sors pas de la cour de la maison », raconte Bukurije Berisha, 13 ans, en parfait allemand, en montrant les hauts murs entourant sa maison délabrée. La vie de Bukurije et de sa sœur Lumturije, deux jeunes Roms, est devenue un cauchemar depuis qu'elles ont été forcées à quitter l'Allemagne, où elles ont passé toute leur vie, pour s'installer au Kosovo, pays de leurs parents qu'elles n'avaient jamais visité. « J'ai toujours l'espoir que je vais me réveiller et me rendre compte que ce n'était qu'un mauvais rêve », ajoute-t-elle.
Les sœurs Berisha sont arrivées en décembre au Kosovo, avec leurs parents et cinq autres frères et sœurs. La famille a trouvé refuge dans une rue étroite d'un bidonville rom dans la banlieue de Pec (Ouest). Leur maison qu'ils avaient quittée il y a dix-sept ans a été brûlée pendant le conflit au Kosovo (1998-1999), et le nouveau foyer, dépourvu d'eau courante, leur a été prêté par un cousin.
Les deux filles sont nées en Allemagne où leurs parents ont demandé l'asile en 1993, fuyant la répression des forces serbes de Slobodan Milosevic au Kosovo. Elles ne parlent pas albanais, la langue principale au Kosovo, et se servent à peine de la langue rom.
« Je me sens allemande », assure Lumturije Berisha, 14 ans, les larmes aux yeux. La famille Berisha fait partie d'un groupe de quelque 10 000 Roms qui ont dû retourner de l'Allemagne au Kosovo, ex-province serbe qui a proclamé son indépendance en 2008, malgré une farouche opposition de Belgrade.
Dans son rapport publié en juillet, l'Unicef indique que près de la moitié des Roms qui seront expulsés de l'Allemagne au Kosovo, en vertu d'un accord signé entre les deux pays, sont des enfants dont la majorité sont nés et ont grandi en Allemagne. « Les enfants sont les plus touchés par des retours forcés. (...) Au Kosovo, ils font face à une réalité toute nouvelle. Ils se sentent perdus et exclus », a affirmé à l'AFP le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, dans l'avant-propos de ce rapport. M. Hammarberg a appelé mardi les pays de l'Europe occidentale à cesser de renvoyer de force des Roms au Kosovo.
Par ailleurs, et bien que Pristina se soit mis d'accord avec Berlin pour accueillir ces réfugiés roms, le ministre kosovar des Affaires sociales, Nenad Ristic, a admis récemment que ce pays n'avait pas de ressources pour les accepter tous et pour gérer leur intégration. Près de la moitié des deux millions d'habitants du Kosovo, le pays le plus pauvre de l'Europe, sont au chômage ou sont pauvres, selon les chiffres officiels.
Des experts mettent également en garde contre l'incapacité des autorités locales de garantir les droits de l'homme fondamentaux à ses citoyens, tels que l'accès au logement adéquat, aux soins médicaux ou à l'éducation. Florim Mulolli, père d'une fille gravement malade et dont la famille a également été obligée de retourner au Kosovo, déplorent l'attitude des autorités allemandes, les accusant de ne pas faire d'exception. Sa fille Selina souffre d'une maladie congénitale provoquant des apnées du sommeil. Sa respiration doit être contrôlée par un équipement très cher qui avertit ses parents lorsqu'elle cesse de respirer. « Cet appareil marche à l'aide des diodes remplaçables qui coûtent très cher que nous ne pouvons pas payer et, en plus, on ne peut pas les trouver ici », se plaint M. Mulolli. « L'Allemagne a condamné Selina à mort, mais nous ne la laisserons pas mourir. Lorsque les diodes seront usées, ma femme et moi garderons Selina chacun à son tour », lâche ce père avec amertume, en serrant dans ses bras sa fille.
« Je me sens comme si j'étais en prison. Je ne sors pas de la cour de la maison », raconte Bukurije Berisha, 13 ans, en parfait allemand, en montrant les hauts murs entourant sa maison délabrée. La vie de Bukurije et de sa sœur Lumturije, deux jeunes Roms, est devenue un cauchemar depuis qu'elles ont été forcées...
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