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Lifestyle - Hotte d’or

Mario, Pénélope et moi

Je ne sais pas pour quelles raisons et je ne veux rien savoir : j'ai décidé en cet an de disgrâces 2010 (ma rupture d'avec Houssam, mes pérégrinations en Europe, ma lassitude métaphysique et existentielle tendance Kierkegaard on ecstasy), j'ai décidé de m'en aller du 14 au 16 août effectuer un pèlerinage rédempteur dans La Réunion aux pieds de la Vierge noire de la Rivière des Pluies. Pénélope, une de mes anciennes nounous qui avait débarqué là où j'ai grandi, c'est-à-dire à Vienne, en Autriche, par hasard et pas rasée (elle était très noire, très barbue et je l'aimais plus que tout), était originaire de Sainte-Marie, une commune très populaire de l'île, et une nuit, j'avais 6 ans, où je méditais avec beaucoup de colère, et de bruit, et de fureur sur l'ingratitude humaine en général et l'inconscience totale de ma mère qui a dû m'embrasser une fois en 40 ans en particulier, elle m'a raconté, pour me faire sourire, une histoire très jolie. Une merveilleuse légende. Celle de Mario, un esclave de 18 ans qui appartenait à un riche propriétaire de Sainte-Marie. Mario était très souvent battu. Alors il a décidé de s'enfuir, d'être enfin libre. Le propriétaire est devenu fou et a promis des récompenses gargantuesques aux chasseurs du Chaudron qui découvriraient sa cachette, sauf que trois années ont passé et Mario restait introuvable. Un soir pourtant, des hommes ont remarqué de la fumée qui caressait le ciel. C'était derrière un amoncellement de roches. Ils se sont approchés et ont vu Mario accroupi devant un feu. Mario a entendu des bruits et a réussi à s'évanouir dans la nature, mais les chasseurs ont prévenu le maître et une battue a été organisée. Après quelques jours d'angoisse, Mario s'est rassuré, persuadé qu'on l'avait oublié. Mario était très pieux. Il était convaincu que ses prières ont été entendues. Il avait disposé une petite Sainte Vierge en ébène, noire comme lui, dans l'excavation d'un rocher qui dominait son bunker ; c'était un très gentil Blanc qui l'avait baptisé et lui avais appris à prier qui la lui a donnée. Un soir, très absorbé par le poisson qu'il pêchait, il ne s'est pas rendu compte, en un clin d'œil, qu'il était cerné par ces horribles chasseurs qui voulaient sa peau. Là j'ai arrêté Pénélope parce que mon biberon était vide. Elle y a versé la demi-bouteille de Veuve Clicquot qui restait en s'offrant une longue rasade. Et puis elle a continué son histoire. Tremblant de peur, Mario s'est tourné vers sa petite Vierge et s'est mis à prier : Ô Mère des pauvres noirs, secourez-moi, protégez-moi !!! Mais les chasseurs se rapprochaient et n'arrêtaient pas de se rapprocher. Soudain (Pénélope adorait dire le mot soudain), les branches d'une bougainvillée à bouquets pourpres et violacés se sont élancées, glissées jusqu'au tout bas et ont recouvert en quelques secondes toutes les parois du rocher. Les branches épineuses de la liane ont ainsi formé un tel fouillis que ni les haches des chasseurs ni leurs sabres enragés n'ont pu en venir à bout. Parce que (Pénélope me caressait les cheveux et moi je biberonnais mon champagne), plus ils coupaient, plus les fleurs éclataient en gerbes colorées. Mario, caché là-dessous, riait et pleurait, pleurait et riait, bénissant sa petite Vierge qui l'avait sauvé. Des décennies ont passé, et un jour, sous les pierres, on a découvert le squelette de Mario et, au-dessus, la petite Vierge d'ébène. La caverne a été déblayée et restaurée pieusement. Personne, naturellement, n'a touché aux bougainvillées miraculeuses qui, depuis, ne cessent de fleurir. Quant à la petite statue, elle a été remplacée par celle que connaissent désormais tous les pèlerins, celle devant laquelle j'ai prié pendant huit heures d'affilée dimanche dernier, béate, heureuse, apaisée, sereine et, finalement, la vie redevenait drôlement miam miam.

margueritek@live.com
Je ne sais pas pour quelles raisons et je ne veux rien savoir : j'ai décidé en cet an de disgrâces 2010 (ma rupture d'avec Houssam, mes pérégrinations en Europe, ma lassitude métaphysique et existentielle tendance Kierkegaard on ecstasy), j'ai décidé de m'en aller du 14 au 16 août effectuer un pèlerinage rédempteur...
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