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Nos Lecteurs ont la Parole

La garde du temps...

Par Carole DIB
Au cœur du centre-ville de Beyrouth, au centre de la place de l'Étoile, se dresse la tour de l'horloge dite « horloge al-Abed ». Imposante, haute, avec une verticalité qui transcende l'espace, on y arrive par plusieurs ruelles et l'on se trouve comme attirés par ce monument qui, avec de grandes aiguilles tout en haut, nous poursuit, indiquant l'heure des quatre côtés... Cette pyramide qui a oublié de s'affiner en s'élevant vers le ciel, faite avec de la pierre couleur terre, donne encore plus de beauté à ces avenues piétonnes. Et, s'intégrant dans un ensemble architectural exceptionnel des années trente, sa forme vient suivre sa fonction. Évidemment, comme le disait si bien le célèbre architecte Frank Lloyd Wright : « Forme et fonction doivent n'être qu'une. » Ainsi, ce plan carré qui s'élève majestueusement permet à tout le monde de voir l'heure qu'il est. Ici, sa forme vient même dépasser sa fonction : cette tour devient aussi un point de repère du centre-ville. « On se rencontre sous l'horloge ! » entend-on souvent de part et d'autre. Les gens y viennent alors en masse, tournant, parlant, chantant, courant, mangeant... un rythme comme observé par la grande garde du temps. Comme si elle était là pour rythmer la vie de tous les Beyrouthins... Et pourtant, quand ils sont là, tout autour, ils arrivent même jusqu'à en oublier l'existence. Trop proches, ils n'en voient pas la grandeur... D'ailleurs, étant dressée à côté du Parlement libanais, n'aurait-on pas tendance à vouloir dire avec prétention qu'elle ressemble au Big Ben situé à côté du Parlement britannique ? Oui, même si cette architecture reste relativement modeste en hauteur, le symbolisme de la vie y est quand même ; un peu comme un arbre en perpétuelle évolution...
Et pourtant, un jour, quelqu'un pourrait venir demander : en l'absence du vrai joyau architectural qu'est l'espace interne, a-t-on vraiment le droit de considérer cette horloge une architecture ? Effectivement, cet édifice ne peut pas être parcouru de l'intérieur ! Même en considérant que c'est ça l'essence même de l'architecture, on aurait tort à limiter ainsi l'expérience spatiale qui peut se révéler autrement, à travers les ruelles, les rues, les villes... C'est ainsi que l'espace urbain que forme cette horloge autour d'elle sans que nous le sentions vient enrichir notre vision de cette construction.
Enfin, ce qui est encore plus intéressant, c'est que cette horloge vient nous rappeler systématiquement la quatrième dimension architecturale : le temps ! Quelque part, elle participe à l'idée du transfert du temps sur l'espace. Effectivement, on irait à dire qu'elle ne mesure pas vraiment le temps, mais plutôt des espaces parcourus, des intervalles entre événements. Là, bien au centre, elle note les déplacements des passants, comme si elle se veut maîtresse des lieux, maîtresse de l'espace et du temps si fortement liés...
Et pourtant, assez ironiquement, lors de la guerre qui a duré quinze ans au Liban, cette horloge a été démontée et n'a été remise en place et restaurée que bien plus tard. Comme si elle refusait de compter les heures durant lesquelles le Liban, son Liban, se déchirait... Avec le retour de la paix, les minutes, les heures, les jours et les années pouvaient dorénavant passer... Maintenant, chaque jour, des centaines de personnes ayant différentes occupations, différents centres d'intérêts, différents problèmes, passent autour de cette horloge qui, elle, reste fixe mais compte... et compte... Et, sans même qu'ils puissent entendre les tic-tac des grandes aiguilles, l'horloge reste là, leur rappelant le déroulement d'une vie rapide qui ne les attend pas...
Au cœur du centre-ville de Beyrouth, au centre de la place de l'Étoile, se dresse la tour de l'horloge dite « horloge al-Abed ». Imposante, haute, avec une verticalité qui transcende l'espace, on y arrive par plusieurs ruelles et l'on se trouve comme attirés par ce monument qui, avec de grandes aiguilles tout en haut, nous poursuit,...

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