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Lifestyle - Hotte d’or

Musc et ambre

Mes deux mois passés dans ces huit villes européennes grâce auxquelles je me suis guérie des mes maladies d'amour et lavée à grandes eaux me manquaient singulièrement. Mes quatre dernières soirées consacrées à pleurer mon Bernard en regardant en boucle L'Année des méduses m'avaient épuisée, vidée. Et puis, seule dans ce loft déhoussamisé que Danielle Ingea avait agencé en pensant que je n'y habiterai jamais seule mais toujours à deux, je me sentais justement, horriblement et salement seule. Alors j'ai fait une bêtise, une sottise qui ne me ressemble pas : j'ai réservé une chambre à l'hôtel de Faraya. Pour quarante-huit heures que j'entendais passer en communion avec moi-même et avec la nature - l'air frais des cimes de Kfardébian me sera extrêmement bénéfique, j'appelle cela ma thalassothérapie de l'âme. Dans ma malle Vuitton, j'ai agencé quatre bikinis (deux Dior, un Armani et un miss Bikini), huit paréos et autres robes de piscine Christian Lacroix Plage (des pièces de musée désormais), huit tee-shirts blanc Petit Bateau (âge 14 ans), une paire de sandales Stella McCartney, une paire de Havaïanas dorées et une paire de cuissardes Sergio Rossi - je n'aime pourtant rien plus que de me promener pieds nus dans les hôtels et exhiber mon vernis pourpre Divinora de Guerlain. J'y ai aussi jeté trois livres : le Dedalus de James Joyce, les Nourritures terrestres d'André Gide et les Homélies sur l'incompréhensibilité de Dieu de saint Jean Chrysostome. Chaussée de mes immenses lunettes de soleil Zara aux premières heures de mon séjour montagnard, feignant de ne reconnaître personne, plongée dans une salade de radis noir au gingembre avec son coulis de petits pois spécialement commandée par avance au chef de l'hôtel et embuée dans mes flûtes de Veuve Clicquot aussi rosé que mes lèvres languides, je regardais, entomologiste avertie, la faune et la flore s'agiter autour de la piscine. C'était inouï : le nombre de touristes arabes dépassait tous les calculs possibles et je me sentais, non j'étais Samantha de Sex and The City tout juste débarquant à Abou Dhabi (j'avais très naturellement éparpillé, comme à chacun de mes déplacements, quelques Durex dans mon Birkin d'Hermès). Ravie de voir autant de dollars dépensés dans mon très hospitalier pays, je me demandais pourtant où étaient mes compatriotes et s'il n'aurait pas mieux valu que j'aille passer mes deux jours d'ermitage au Danieli, à Venise. Impérialement étendue sur mon transat, j'ai doucement levé un sourcil savamment dessiné par Marie (mon esthéticienne belge) lorsqu'une famille de sept personnes s'est installée à la table face à moi pour déjeuner, maman et les trois filles habillées de la tête aux pieds en Chanel (je m'interrogeais si la maison fondée par mademoiselle Gabrielle n'avait pas aussi conçu puis cousu leurs hijabs) et papa et les deux fils en déchdéché blanche, avec l'igal en sus pour le premier. J'ai abandonné quelques secondes les pensées de Saint Jean, j'ai dévisagé chacun des membres de cette famille pour laquelle je souffrais silencieusement (il faisait une chaleur bestiale et ils avaient visiblement un problème fondamental avec ne serait-ce que le concept de maillot de bain), jusqu'à ce que mes rétines ne tombent sur le plus jeune des deux fils, une espèce d'éphèbe d'à peine 21 ans, beau comme un soleil noir et dont les yeux, deux émeraudes younkounkounesques, brillaient comme mille étoiles filantes. J'ai hoqueté pendant que mes doigts refermaient gentiment le livre que je ne voulais plus lire, j'ai mis de l'ordre à mes cheveux (mes yeux n'avaient pas besoin d'un peu plus de noir) et je me suis levée, Bagheera plus que jamais, lentement, très lentement, comme au ralenti, ma coupe de champagne à la main et, en me dirigeant vers la piscine pour y tremper mes pieds, j'ai frôlé l'Apollon du désert qui m'a regardée comme on respire lorsque l'on se noie : goulûment, fiévreusement, fanatiquement. Une fois mes orteils rafraîchis, j'ai retrouvé tout aussi lentement mon transat, méditant sur les correspondances entre les déchdéchés de nos frères du Golfe et les blouses blanches des infirmières puis j'ai sorti une de mes cartes de visite sur laquelle j'ai griffonné Sont-ce des Atlantides englouties, jeune homme, que je trouverai sous votre habit ?, avant que de héler un serveur afin qu'il remette discrètement cette brève missive à l'Apollon d'Arabie qui, très vraisemblablement, ne lit pas le français mais qui, j'en suis persuadée, saura, à partir de son i-Phone rouge sang et dès l'après-déjeuner, appeler mon numéro. Miam-miam.

margueritek@live.com
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