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Lifestyle - Hotte d’or

Mon lion superbe et généreux

Idiot. Quadruple idiot. Tu m'avais dit que tu allais me rejoindre quand j'y ai débarqué, à Frederikshavn. Que même si c'était un port danois et pas africain, tu n'allais pas rater l'occasion de renifler ces odeurs dans lesquelles tu es né - La Rochelle te pleure, des larmes d'écume, les larmes d'Aphrodite... Ni de renifler ces essences de Guerlain en me serrant contre toi. Tu n'es pas venu à Frederikshavn. J'ai mal, ma Margotte, j'ai mal, cette saloperie de nénuphar est en train de grossir en moi, je ne suis plus qu'un nénuphar géant qu'on ne peut même plus arroser, me disais-tu en éclatant de rire, capitaine Haddock mon amour. Idiot. Mon quadruple idiot. J'ai appris ta mort ce dimanche à l'aéroport de Reykjavik, en attendant mon vol pour Paris, j'ai fondu dans ma robe blanche Chloé, j'ai rapetissé, j'étais naine, d'un coup je n'existais plus. J'étais en blanc, mon Bernard, en blanc, tu me disais que cette couleur a été créée pour moi, et moi je te répondais que dans le bleu de tes yeux, nageaient mille requins, mille anémones, mille hippocampes, mille galions noyés par mille pirates. Il y avait mille méduses. L'Année des méduses, tu t'en souviens, mon capitaine ? Pas un de tes grands films, mais tu étais tellement beau, tellement irréellement beau que toutes les filles et beaucoup de garçons n'avaient qu'une envie : égorger Valérie Kaprisky et prendre sa place. Quadruple idiot. Tu t'en es allé rejoindre Maroun, sans doute jouez-vous au tric-trac à cette heure avec un carafon d'arak - il t'avait filmé comme personne dans L'Homme voilé, notre Bagdadi, comme personne... Sauf Nicole Garcia. Dans Le Fils préféré. Tu étais un monstre : tu étais un fils, Jean-Marc Barr et Gérard Lanvin à tes côtés, qu'est-ce qu'il doit être en colère, en rage, en mal, Gérard, il est sans doute sur le point de casser un mur, de tabasser les dieux, d'assassiner ta maladie. Mon idiot. Mon quadruple idiot. Qu'est-ce que tu fais, milord, pendant que je pleure en souriant ? Tu as déjeuné ? Tu veux faire une sieste ? Tu as fait la connaissance de Marlene Dietrich et de Jean Gabin? Dis-moi ce que tu fais. Rassure-moi. Parle-moi. Un peu. Juste un peu. Tu racontes les voiliers aux anges ; je suis sûre que tu es en train de leur dessiner, les yeux grands fermés, le storyboard des Caprices d'un fleuve, je suis sûre que tu es déjà en train de renaviguer. Mon quadruple idiot. Quand tu étais à Beyrouth en 2004, tu as déserté la chambre de cet hôtel qu'on t'avait retenu pour venir à la maison, tu disais qu'un frère doit régulièrement se réveiller près de sa sœur, tu te moquais de mes centaines de pots de crème, tu ouvrais une après une nos bouteilles de Veuve Clicquot, tu refusais que l'on revoie Gouttes d'eau sur pierre brûlante, j'adore quand tu danses avec Malik Zidi, Ludivine Sagnier et Anna Thomson, tes petites fesses miraculeuses moulées dans un pantalon patte d'èph moulant marron, tu exigeais que l'on s'enfile des Hitchcock première période, Bernard, mon Bernard, quadruple idiot, reviens, s'il te plaît, reviens me dire que je suis belle, reviens me dire miam miam.

margueritek@live.com
Idiot. Quadruple idiot. Tu m'avais dit que tu allais me rejoindre quand j'y ai débarqué, à Frederikshavn. Que même si c'était un port danois et pas africain, tu n'allais pas rater l'occasion de renifler ces odeurs dans lesquelles tu es né - La Rochelle te pleure, des larmes d'écume, les larmes d'Aphrodite... Ni de renifler ces essences de Guerlain...
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