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Jeunes méditerranéens - Méditerranée

Offre Joie

Amour, respect, pardon. Des principes qui sonnent comme trois nécessités absolues pour un pays ravagé comme l’a été et l’est encore le Liban. Des principes appliqués par l’association Offre Joie, qui oeuvre pour «rassembler la famille libanaise».

Pour s’en faire une idée plus que vivace, il suffit d’écouter Melhem Khalaf, vice-président et cofondateur de la première heure, raconter les débuts d’une aventure proprement extraordinaire dans le triste ordinaire de l’horreur banalisée de la guerre. «Je suis issu d’une génération de dix ans de conflits dont on a volé, en 1985, l’enfance, commence-t-il d’une voix posée et souriante.

 

À cette époque, pour faire 100 kms, il vous fallait une journée entière. Et comme les années suivantes l’ont largement prouvé, on ne voyait pas d’issue. Et pourtant, nous n’avions qu’un but: comment dire non à la guerre et rassembler les Libanais quand on est adolescent? La seule chose qui nous était accessible, c’était d’organiser des colonies de vacances d’abord, et de prendre la symbolique de tout Beyrouth ensuite.» 117 enfants de toutes confessions répondent à l’appel. «Nous avions réuni les tentes, les matelas et les cars pour les déplacements et nous étions 33 jeunes à nous creuser la tête pour résoudre la question cruciale de la nourriture. Après avoir vidé nos poches et nos têtes, nous n’étions plus que trois autour de la table. L’un d’entre nous a suggéré de demander à nos mères d’assurer chacune un repas par jour sur les 15 prévus… Et c’est là que nous avons vu ce que la solidarité pouvait faire: nous avons assuré pas moins de cinq repas par jour et il nous restait encore de quoi manger!»

C’est là qu’Offre Joie a commencé à donner son message: un Liban uni, pluriel, libre et juste. Dans ses frontières mais aussi ailleurs, dans les pays d’accueil des Libanais exilés, comme la France, où Melhem Karam va continuer ses études, en 1987. «Je voyais que mes concitoyens transportaient le plus souvent leur parti politique ou leur confession, et pas l’idée d’un pays. À Montpellier où j’étais installé, j’ai encouragé les gens à envoyer des dons sans discernement de religion ou de région. C’est à ce moment-là que l’association a rencontré le père Jean Rouquette. Je lui ai raconté l’organisation rocambolesque et tout aussi réussie de notre colonie de vacances. Il m’a alors dit: «Si ce que tu dis est vrai, alors j’ai une dette de bonheur envers le Liban, où je me suis rendu en 1962. Le religieux s’est engagé et tout en venant au Liban nous retrouver chaque année, il a su rassembler de l’argent en France, grâce auquel l’association a été matériellement fondée dans les deux pays». Les buts et les principes clairement établis, la première préoccupation de Melhem Khalaf et de ses amis a été de concrétiser ces mêmes principes par une attitude. Celle-ci est apparemment restée dans les mémoires éblouies de nombreux participants. «En 1990, nous avons organisé un camp itinérant de 17 jours. 1200 enfants y ont participé, entourés de quelque 350 moniteurs, se souvient avec une émotion palpable notre interlocuteur. Offre Joie était devenue une attente espérée par les gens, pour s’exprimer, pour s’oxygéner».
1991: fin de la guerre au Liban et deuxième étape fondatrice pour l’association: les chantiers. «Les enfants qui étaient présents aux colonies avaient grandi et voulaient faire quelque chose. C’est eux qui nous ont poussé à l’action». Ces jeunes se sont engagés auprès de l’espace public, propriété de tous, avec une opération de nettoyage d’un des lacs du pays. «De cette première expérience, nous avons appris à surmonter nos erreurs et à insister, par la suite, sur le fait essentiel que les jeunes répondaient par un engagement complet à un loisir orienté vers un aboutissement à visée publique». Une fois que ces engagés de la première heure ont réalisé que pas moins de 35 entreprises les soutenaient par des dons financiers et matériels, ils se sont retroussé les manches pour ce que Melhem Khalaf appelle avec une admiration profonde «le chantier-pépinière d’Offre Joie»: une école abandonnée dans le village de Kfifane, datant de 1837 et accordée à l’association pour un bail de 43 ans. «C’est un centre fait par les jeunes pour les jeunes, et notre centre de colonies de vacances».
1999: en collaboration avec l’UPEL (Union pour la protection des enfants libanais), Offre Joie organise la première colonie de vacances pour mineurs délinquants hors les murs. «Un nouveau sillon, celui du travail auprès des prisons, a alors été creusé», se réjouit Melhem Khalaf. L’opération du Pull du prisonnier permet chaque année de distribuer, à partir de dons d’écoliers, 3 à 4000 pulls dans 18 centres d’incarcération du territoire libanais.
Troisième pierre fondatrice d’Offre Joie: la réhabilitation, en 2002, du quartier de Baal Darawich, un quartier des plus défavorisés de Tripoli. «Nous avons découvert cette misère noire alors que nous cherchions à remplacer des pièces d’électroménager de Kfifane, et pour lesquelles on nous avait recommandé une adresse dans le quartier, raconte le vice-président. Nous étions ébahis devant tant d’insalubrité, quand nous avons été accostés par un cri joyeux: «Je vous reconnais, vous êtes de Farah el Ata’ (Offre joie) !». C’était Hammoudi, qui avait participé à l’une des colonies de vacances. En une minute, nous étions entourés d’une foule de gens à qui notre ami voulait absolument nous présenter. Sans même nous consulter, nous savions ce que nous allions faire. Offre Joie s’est engagée à repeindre le bas des immeubles. Et la municipalité de Tripoli, éberluée par la présence de ces jeunes que les habitants aidaient activement, a décidé d’agir. «Notre petite équipe de 80 personnes est passée, avec le personnel municipal, à 200 travailleurs, soutenus par les ingénieurs bénévoles de l’association et les tracteurs prêtés par l’office publique de la ville du Nord. Finalement, ce sont 80 immeubles qui ont été entièrement repeints, sans compter la rénovation du système d’égout, la restructuration de l’électricité, la réinstallation de l’eau à tous les étages, ainsi que la création d’un terrain de jeux et d’un jardin public». Le tout en quelques semaines.

Et des histoires comme celles-là, Melhem Khalaf en a des dizaines à raconter. Les panneaux de signalisation réinstallés dans le Sud dès le retrait de l’armée d’occupation, en 2000, la mobilisation à Beyrouth, lors de la guerre de 2006, ou la prise en charge des enfants de Nahr el Bared, en 2008. Toujours en 2008, 31 initiatives de paix, dont une chaîne de la paix de 1000 personnes au centre-ville, puis le 22 novembre, dernier jour du mandat d’Emile Lahoud, Offre Joie a été la seule association présente pour ouvrir la chicane du cœur de Beyrouth, acte hautement symbolique s’il en est. «Le Liban qui vit ensemble existe, affirme Melhem Khalaf. Nous sommes engagés dans notre société dans la simplicité, l’authenticité et la gratuité, sans aucune discrimination». L’espérance d’un Liban citoyen n’a pas dit son dernier mot.

 

Pour s’en faire une idée plus que vivace, il suffit d’écouter Melhem Khalaf, vice-président et cofondateur de la première heure, raconter les débuts d’une aventure proprement extraordinaire dans le triste ordinaire de l’horreur banalisée de la guerre. «Je suis issu d’une génération de dix ans de ...