Rechercher
Rechercher

Culture - Cimaises

La quête d’absolu d’Anna Abs

C'est un hommage posthume que rend la galerie Aïda Cherfan* à l'artiste en herbe Anna Abs, fauchée en pleine jeunesse en ce jour dramatique du 25 janvier 2010 sur les ailes de l'Ethiopian Airlines. Une exposition assez particulière qui témoigne de la créativité de cette artiste talentueuse trop tôt disparue et qui se poursuit jusqu'au 15 juillet.

Une scène banale de la vie quotidienne. (Michel Sayegh)

«C'est pour la faire revivre parmi nous et la présenter à tous ceux qui ne l'ont pas connue, que nous avons décidé d'organiser cet accrochage», explique le père d'Anna Abs, lors du vernissage qui s'est déroulé en présence de la famille et des amis venus nombreux célébrer la vie d'Anna. Car, plus qu'un hommage, l'exposition qui rassemble tous les croquis, dessins, peintures à l'huile, fusains et même œuvres inachevées est une célébration de la vie, de la générosité et de la créativité de cette jeune femme qui refusait encore d'exposer son travail, car «c'était encore trop tôt», disait-elle.
Dans le catalogue disponible à la galerie et concocté par ses parents et amis, Mona Trad Dabaji, dont elle fréquentait l'atelier, raconte sa première rencontre avec Anna et la décrit comme telle: «Une jeune fille venue d'ailleurs avec des idées plein la tête.» Mais elle évoque également son talent, ses recherches constantes pour un mieux, son cheminement et enfin comment, au bout d'un an d'apprentissage, elle avait trouvé sa technique, ses personnages: «Elle ne cherchait pas la sérénité des personnages, mais l'expression, ajoute-t-elle. En elle, l'Occident et l'Orient ont su trouver un mélange qui faisait de cette jeune fille quelqu'un de différent, prêt à assimiler plusieurs cultures.» Quant à la galeriste Aïda Cherfan, curatrice de l'exposition, elle avoue n'avoir jamais rencontré Anna Abs, mais que son travail a attiré son attention dans l'atelier de Mona Trad Dabaji. Elle avait même dit, ce jour-là: «J'aimerai voir comment va évoluer cette petite.»

Sur les traces d'Anna
Née à Moscou de père libanais et de mère russe, Anna avait 10 ans lorsque ses parents se sont installés au Liban. Un brillant parcours académique (maîtrise en relations publiques) et professionnel la confirme en 2008 dans le groupe Bintel Telecommunications, qui a tenu à sponsoriser la réalisation du catalogue. En 2009, Anna Abs crée le projet «Azur» (au nom tellement prémonitoire, puisque c'est dans le bleu azuré du ciel qu'elle a disparu). C'est pour lancer ce projet que la jeune femme se rendait au Gabon. Sa route fut douloureusement interceptée. Auparavant, elle n'aura de cesse, malgré son travail contraignant, de dessiner, de peindre et de s'investir dans cette vie artistique parallèle.
Aïda Cherfan a pris le soin, avec l'aide de ses parents, de feuilleter ses nombreux cahiers de dessin, de classer le nombre incalculable de croquis, de les assembler et de les accrocher dans une composition élaborée. De ses premières esquisses d'enfant à sa dernière œuvre inachevée, c'est tout le parcours d'une vie qui se déroule.
Les personnages d'Anna Abs? Des gueules cassées, des «laiderons», comme l'artiste aimait à les appeler et qui, tout en accomplissant des gestes quotidiens et intimes (au bain, fumant une cigarette...) ne révèlent rien de leur vie. Ce n'est pas fortuit, d'ailleurs, s'ils sont représentés de profil avec la face inclinée. Énigmatiques, aux nez busqués, aux faces émaciées, aux lèvres bien ourlées, dissimulant dans des drapés des corps fatigués, ces désœuvrés de la société, de la vie, évoluent dans un milieu familier, mais angoissant. Mi-Modigliani, mi-Enki Bilal, évoquant par ailleurs l'expressionnisme allemand d'Otto Dix, ces portraits témoignent de la recherche artistique assidue d'Anna Abs. Une recherche qu'on retrouve dans sa palette élaborée et originale, ainsi que dans le choix des cadrages aux lignes irrégulières.
Une recherche que cette artiste assoiffée de perfection et d'absolu a tenté de reproduire dans des œuvres au souffle
intemporel.

* Galerie Aïda Cherfan, place de l'Étoile. Du lundi au samedi, de 10h30 à 19h30. Tél. : 01/983111.

«C'est pour la faire revivre parmi nous et la présenter à tous ceux qui ne l'ont pas connue, que nous avons décidé d'organiser cet accrochage», explique le père d'Anna Abs, lors du vernissage qui s'est déroulé en présence de la famille et des amis venus nombreux célébrer la vie d'Anna. Car, plus qu'un hommage,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut