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Lifestyle - Hotte d’or

Sissi, si !

Je ne sais pas ce qui m'avait pris, en planifiant l'itinéraire de la petite fille gâtée que je suis, d'enchaîner pour mon tour d'Europe Cagliari en Sardaigne avec Innsbruck en Autriche. Il était cependant bien tard pour changer, mon voyagiste parisien aurait envoyé des tueurs à gages à mes trousses, et c'est un tantinet en colère que j'ai fait Cagliari-Rome puis Rome-Innsbruck où je suis directement allée m'enfermer pour ruminer dans ma suite insupportablement Walkyrie de l'Alpenkönig Tirol. Je suis une crétine finie, j'aurais pu m'offrir une transition plus douce, quelqu'un m'avait dit que j'adorerais la slovène et altière Ljubljana ; mais ne voilà-t-il pas que je suis embastillée pour six jours dans le vert infini et étouffant du pays d'Herbert von Karajan, de Wolfgang Amadeus Mozart (je dé-tes-te ce monsieur, la précocité m'indispose grandement...), de ce clown de Sigmund Freud et de je ne sais combien de députés nazillons. Je suis grandement énervée, le champagne dans l'avion était carrément éventé, le chauffeur de taxi qui m'a conduite à l'hôtel avait certainement dû oublier de se laver depuis trois jours, mon ascétisme onirique sarde avait littéralement affamé mes muqueuses, une fine pluie désagréable jouait à la marelle dans mes tympans, il est indispensable que je me calme. Je glapis au téléphone à l'adresse du bégayant préposé au room service qu'il me faut sur-le-champ quinze bouteilles d'Evian et un jéroboam de Veuve Clicquot Grande Dame cuvée 1984. Nue sous ma salopette strass Marithé et François Girbaud, j'ordonne au garçon d'étage de verser les bouteilles d'eau minérale dans la baignoire en faisant exprès de ne pas remarquer son regard mi-terrifié mi-moqueur. Je le regarde. Il est fortement joli : cheveux noirs, yeux verts, bouche carmine et peau blanche, on dirait Blanche Neige - un peu vieux, certes, il doit approcher les 30 ans... Je l'interroge sur le pourquoi du nombre démesuré d'orchidées blanches dans mon espace. C'est la suite Romy Schneider, madame, à chacune de ses visites, elle ne prenait qu'elle, et elle adorait les orchidées blanches ; puis-je me permettre de dire à madame qu'elle ressemble beaucoup à Madame Schneider ? Romy Schneider. Romy Schneider !!! Mais oui. Mais mille fois oui. Je lui demande s'il me drague. C'est comme madame voudra ; puis-je encore faire quelque chose pour vous ? Décidément, je n'étais plus du tout, mais alors du tout en colère. Comment vous appelez-vous ? Bryan, madame. Ma réponse a fusé, net : Eh bien oubliez donc ce prénom vulgairement yankee, mon jeune ami, vous vous appellerez Franz pendant toute la durée de mon séjour, et voyez-vous, mon beau Franz, je suis une idiote. Je suis en convalescence d'amour, je prends des avions pour éviter de faire de grandes bêtises et j'ai juste oublié de m'amuser. Je voudrais m'amuser avec vous, Franz. Je voudrais que nous allions vous et moi acheter les costumes de Sissi impératrice, je serai naturellement Sissi et vous, vous serez Franz, mon beau Franz, à moins que votre esprit ne recèle quelque délicieuse perversion que j'ignore encore, nous achèterons ces costumes, nous louerons une calèche et nous irons dîner en ville, on m'a parlé d'un restaurant très étoilé absolument divin, puis vous me ramènerez dans la suite de Romy et vous me ferez l'amour comme si vous alliez mourir demain, qu'en pensez-vous, mon bon Franz ? Son sourire aurait fait fondre d'amour la plus revêche des gardiennes de prison. Je suis in, nous essayerons de faire tout cela ces deux jours, mais en attendant, je termine mon service à 18h00, je passe vous prendre à 19h30, je vous emmène goûter les meilleurs hot-dogs et bières du Tyrol, puis nous irons danser, Timo Maas mixe ce soir, et ensuite, ensuite, je vous raccompagne chez Romy. Je ne sais pas du tout qui est ce monsieur Maas, j'ai la bière en horreur, mais c'est avec un souffle légèrement haletant, après avoir passé mon index sur ses lèvres et après avoir décidé d'exiger dès demain la nationalité autrichienne, que je lui réponds miam-miam.

margueritek@live.com
Je ne sais pas ce qui m'avait pris, en planifiant l'itinéraire de la petite fille gâtée que je suis, d'enchaîner pour mon tour d'Europe Cagliari en Sardaigne avec Innsbruck en Autriche. Il était cependant bien tard pour changer, mon voyagiste parisien aurait envoyé des tueurs à gages à mes trousses, et c'est un tantinet en...

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