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Lifestyle - Hotte d’or

Tripeira

Je quitte Périgueux assez difficilement. J'étais Madame de Rénal, mon Julien aurait pu s'appeler Sorel, il portait des jeans et un marcel noirs quand il m'a accompagnée à la gare, j'étais naturellement épanouie dans une robe rouge, überrouge, Viktor & Rolf, le sourire Bagheera, mon tour d'Europe commençait superbement, mon vieux chauffeur de taxi - s'appelle-t-il seulement Joe ? - qui m'emmène de la gare d'Austerlitz à l'aéroport d'Orly me demande s'il peut mettre Édith Piaf à tue-tête et nous chantons ensemble Padam Padam, la vie est belle et le vol Paris-Porto passe en un clin d'œil, comme ceux, vraiment pas discrets, que me faisait un steward téméraire mais sympathique. Mes bagages déposés à l'Infante de Sagres, je déjeune après une petite douche sur le pouce : quelques coupettes de Veuve Clicquot et trois abricots, puis je pars, petit Christophe Colomb juchée sur mes sandales Giambattista Valli, à la conquête des rues de Porto. Je ris, aussi : le mythe est réalité, mes sœurs portugaises sont belles, mais poilues, il y a du Linda de Suza et de la Lio partout, c'est drôle, quant aux hommes, aux jeunes hommes notamment, on dirait des clones de Houssam en plus cool, on appelle les habitants de Porto des tripeiros, des mangeurs de tripes, j'aime, c'est macho, j'ai l'impression qu'on a transplanté Tarik Jdidé à Porto. Il y a quelque chose d'intensément arabo-andalou dans Porto, j'ai lu je ne sais plus où que la ville a justement été envahie par les Espagnols et les Arabes ; j'aime ce panachage extrêmement fécond et, étonnamment, moi née dans les Carpates, je me sens un peu chez moi ici. Je vais à pied à la cathédrale de Sé, je pourrais vivre dans son cloître, les réminiscences de mon séjour chez les carmélites de Vannes sont encore puissantes, je touche, ravie, les azulejos sublimes, puis je décide que trop de spiritualité et de beauté tue la spiritualité et la beauté : je vais entamer une exploration de liqueurs de portos dans le quartier de Ribeira. Qui a dit que Porto travaille pendant que Lisbonne s'amuse n'a rien compris. Une vieille mendiante chante du fado, c'est beau à en pleurer, je lui donne beaucoup d'euros, elle marmonne quelque chose qui ressemble à une bénédiction. Le troisième pub où j'entre s'appelle le Bazaar, c'est très bruyant, très étudiant, je m'installe au bar et, un peu écœurée par la douceur du vin de porto, je commande mon champagne préféré, le barman me fait un sourire tellement gentil que j'ai l'impression d'avoir trois chromosomes qui se promènent sur mon front, il m'explique qu'ici, il ne servent pas de bulles et me propose de me faire goûter un cocktail de son invention à base de gin en me promettant qu'après-demain, c'est sa soirée de libre, si je le veux bien, il m'emmènera à Amarante, que ce nom est charmant, à une heure de Porto, pour un parcours-dégustation de champagnes et de vins de la vallée du Douro. Eusebio, c'est son prénom, a un accent français rocailleux et musqué tellement affolant que j'ai l'impression que mes ovaires vont danser la lambada. Je lui dis gracias, il me dit que c'est de l'espagnol et qu'il m'apprendra le portugais et me ressert de sa mixture au gin dans laquelle je reconnais une vague saveur de fraises sauvages, je ne partirai pas de ce bazar sans lui, je suis folle de Porto, je suis fille de Porto et Cagliari est loin, dans une semaine, miam-miam.

 

margueritek@live.com

Je quitte Périgueux assez difficilement. J'étais Madame de Rénal, mon Julien aurait pu s'appeler Sorel, il portait des jeans et un marcel noirs quand il m'a accompagnée à la gare, j'étais naturellement épanouie dans une robe rouge, überrouge, Viktor & Rolf, le sourire Bagheera, mon tour d'Europe commençait superbement, mon vieux...
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