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Lifestyle - Hotte d’or

Truffes

C'est un peu terrifiant et très exaltant à la fois une ville française de province, je me sens une héroïne de Claude Chabrol, Bernadette Laffont tiens, prête à glisser quelques larmes d'arsenic dans le porto de l'épouse plutôt laide de mon amant notable du coin. Le seul problème est que je mange en un an ce que le maestro engloutit avec amour en un repas, voilà pourquoi j'ai décidé, pour mon premier déjeuner à Périgueux, première étape de mon tour d'Europe, de commander, au Rocher de l'Arsault, un agréable petit restaurant où l'on m'a reçu dans un salon particulier nouvellement décoré, dix plats. Mais madame, ce n'est pas un restaurant de mezzés, me dit, très offusqué, le maître d'hôtel qui ressemble à Hercule Poirot. Nonobstant, il fait ce que je lui demande, J'ai du sang libanais, monsieur ! et me voilà en train de picorer par-ci par-là, une fourchetée de tartare, une autre d'œuf cocotte à la truffe, un chouïa de salade périgourdine, des ravioles aux truffes, bref, j'ai dû facilement prendre quelque 300 grammes que j'ai vite dissous dans de bienveillants litres de Veuve Clicquot. Igor, le chauffeur que j'ai pris pour la semaine, me conduit ensuite au musée galloromain Vesunna, construit par le délicieux Jean Nouvel, que j'ai toujours plaisir à appeler mon Jeannot Lapin - je lui envoie d'ailleurs vite fait et bien fait une carte postale avec juste l'empreinte de mon rouge à lèvres G de Guerlain dessiné par Lorenz Baümer. Le musée Vesunna est une splendeur. Je passe acheter une biographie d'un somptueux mathématicien-astronome, Jean-Frédéric Fernet, un vrai Périgourdin (on dit aussi très élégamment Pétrocorien) qui a écrit monts et merveilles sur la théorie des courbes dans l'espace en géométrie différentielle - je suis sûre que je passerai d'agréables nuits à découvrir ce monsieur JFF. Igor me ramène à mon hôtel, Le Vieux Logis, au cœur de Trémolat, à 36 km de Périgueux, où Henry Miller, venu pour une semaine, y a passé tout un mois tellement cette chartreuse du XVIIe siècle l'a envoûté. Je suis sûre qu'il y a écrit La crucifixion en rose, je le sens encore, je pense qu'il a logé dans la même chambre que moi, bref, j'adore cet hôtel qui, visiblement, est fou de moi lui aussi : mon champagne arrive accompagné de Julien, sublime dans son uniforme de groom. Je lui fais la conversation pendant qu'il officie : il prend son temps pour ouvrir la bouteille, verser délicatement quelques bulles dans ma flûte Bruno Evrard, disposer mes quartiers de brugnons et mon cake à la vanille sur la table de la terrasse, j'apprends qu'il est en deuxième année d'école hôtelière, je lui avoue que j'irai bien à la chasse aux truffes, et c'est ainsi, avec Julien, que j'ai découvert le Périgord noir et les nuits de Périgueux au cours desquelles nous avons bu et nous nous sommes aimés comme Napoléon pensait ses guerres, moi Anaïs Nin et lui légionnaire, yeux verts, cheveux noirs, je lui ai proposé de prendre un peu de vacances, de m'accompagner à Porto pour la deuxième étape de ma rédemption, il a dit peut-être, miam miam.

margueritek@live.com

C'est un peu terrifiant et très exaltant à la fois une ville française de province, je me sens une héroïne de Claude Chabrol, Bernadette Laffont tiens, prête à glisser quelques larmes d'arsenic dans le porto de l'épouse plutôt laide de mon amant notable du coin. Le seul problème est que je mange en un an ce que le maestro engloutit...
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