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Lifestyle - Hotte d'or

J’ai tout mangé le chocolat

Le taxi me dépose au 35 rue Jean Gougaud à Vannes. En Bretagne. Je n'ai pour tout bagage qu'un fourre-tout Marc Jacobs dans lequel j'avais jeté cinq tee-shirts blancs col V Petit Bateau, une dizaine de culottes blanches Petit Bateau, un vieux jeans un peu difforme Versace, ma trousse de toilette ridiculement légère où s'éparpillaient ma brosse à dents Miradent Interbrush, un gel Buccotherm, trois savons de Marseille au lait d'amande, ma crème de nuit Kanebo et douze tablettes de chocolat Lindt noir à la fleur de sel. C'est tout : ni ordinateur portable, ni téléphone mobile, ni i-Pod, ni i-pad, rien, rien de rien, juste Le Dialogue des carmélites de Georges Bernanos et une biographie de sainte Thérèse d'Avila. Je suis au Carmel de l'Annonciation. Je sonne et je demande sœur Mireille. C'est à elle que j'avais parlé pour ma retraite. Elle m'accueille avec un gentil sourire et m'accompagne à la chambre qui me servira d'univers pendant cinq jours. Un lit tout simple en bois, un matelas assez mince, un seul oreiller, une grosse couverture en laine, des draps blancs qui sentent la lavande, un crucifix, une petite tablette sur laquelle m'attend une Bible, pas de lampe de chevet, un minilavabo, trois bougies blanches et une petite commode avec quelques petits tiroirs. C'est tout. Je ne comptais évidemment pas à être reçue par une bouteille de Veuve Clicquot langoureuse dans son seau, ni par un bouquet de camélias, mais je panique légèrement. Je me ressaisis vite pourtant : je suis là pour me vider, me laver de dedans, me purifier, ressusciter et il est normal que j'en paye le prix. Pendant cinq jours. Cinq jours sans Houssam ; sans mondanités ; sans Houssam ; sans ballades en moto ou en voilier ;
sans Houssam ; sans shopping ; sans nuits de folies avec alcool, sexe et décibels ; sans Houssam ; sans télévision ; sans Houssam ; sans restaurants ; sans Houssam ; sans entraînement de football à regarder ; sans Houssam ; sans Louisa qui me fait couler mon bain à la violette et au camphre ; sans Houssam, sans Houssam, sans Houssam puisque, voilà, Houssam m'a plaquée. Sœur Mireille m'explique que je suis assignée pendant mon séjour aux travaux de céramique, à la préparation du déjeuner et à l'entretien du jardin. Elle me précise que ma présence aux laudes à 7h30, à l'eucharistie à 8h00 et aux vêpres à 18h00 n'est pas obligatoire, mais souhaitée et me demande de ne parler qu'en cas de besoin pressant. Nous nous sourions et elle me laisse. Je m'assois sur le lit. Je feuillette le livre saint, je tombe sur ces mots : Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie. Je vais au jardin. Trois carmélites et une retraitante étaient à l'œuvre, spontanément je commence un Bonjour tout le monde, qu'est-ce que je peux faire pour vous aider ?, mais je ravale ma phrase et commence à arracher quelques mauvaises herbes. Cette communion bucolique est tellement saine que je n'ai même pas mal au dos. Nous nous quittons pour aller faire un brin de toilette avant les vêpres, toujours en silence, naturellement, il ne me pèse pas, c'est étrange, c'est très étrange, je le savoure même, en croquant quelques carrés de Lindt, miam miam.

 margueritek@live.com
Le taxi me dépose au 35 rue Jean Gougaud à Vannes. En Bretagne. Je n'ai pour tout bagage qu'un fourre-tout Marc Jacobs dans lequel j'avais jeté cinq tee-shirts blancs col V Petit Bateau, une dizaine de culottes blanches Petit Bateau, un vieux jeans un peu difforme Versace, ma trousse de toilette ridiculement légère où s'éparpillaient ma brosse...
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