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Nos Lecteurs ont la Parole

Maison jaune

Georges TYAN
C'est en grande pompe que le projet de la maison jaune à Sodeco a été lancé en présence de l'ambassadeur de France, du maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, chez et sous le patronage du Premier ministre M. Saad Hariri qui, en toute générosité, a ouvert sur deux battants les portes du Grand Sérail pour abriter cet événement.
Pour la petite histoire, l'acquisition de ce bâtiment par la municipalité de Beyrouth en vue de le transformer en témoin silencieux, éternel, mais combien éloquent, des affres de la guerre des autres sur notre territoire avait été inspirée par M. Ghassan Tuéni auquel le président Rafic Hariri avait apporté son soutien.
Le président Saad Hariri, dans son adresse à ses hôtes d'un soir, a légitimement rendu un vibrant hommage à son père, qui, dans mon entendement, est le bâtisseur par excellence de notre capitale.
Il est étonnant toutefois que la formidable campagne lancée par le Nahar de Ghassan Tuéni pour empêcher la destruction de cet immeuble - les anciens propriétaires avaient obtenu l'autorisation officielle de le démolir - fut passée sous silence par ceux qui ont soi-disant créé et présenté cet événement.
Je corrige cette omission, fortuite soit-elle ou pas, et assure ici même M. Ghassan Tuéni de ma gratitude et de celle des authentiques Beyrouthins.
En outre, je tiens à préciser que ce projet est le fruit du travail de tout le Conseil municipal de Beyrouth et non d'une équipe restreinte, comme d'aucuns l'auraient pensé. Encore faut-il veiller à l'entamer rapidement.
Continuons, modernisme oblige. Beaucoup, par ingratitude peut-être, ont tendance à oublier l'histoire et ceux qui l'ont faite, même en lui dédiant un monument tel que cette maison jaune qu'on a baptisée un peu à la va-vite « Beit Beirut », anglicisme incongru et malvenu dans la capitale de la francophonie. Dans toutes ses interventions, M. Delanoë, lui,  a parlé uniquement de « Maison jaune », évitant soigneusement toute autre appellation.
J'ai moi-même commis certainement un impair en attirant l'attention de l'ambassadeur de France sur le fait que ce bâtiment ne s'appelait nullement « Beit Beirut ». Je m'en suis excusé, mais il est des précédents qu'il faut immédiatement rattraper avant qu'ils ne tombent dans le domaine public.
Situé à l'intersection de ce qui fut les lignes de démarcation, ce bâtiment est dédié à la mémoire de Beyrouth et des Libanais, pour les appeler à rejeter la haine, rester unis en toute circonstance, même dans les heures les plus sombres qui pourraient advenir.
Ce bâtiment est censé être le rappel d'un passé horrible et le garde-fou de l'avenir.
Certaines chambres garderont leurs meurtrières, les sacs de sable et les graffitis, le visiteur pourra en fermant juste les yeux imaginer les invectives, les insultes, les coups de feu, les bombardements dont furent témoins les murs, les escaliers, les fenêtres et les portes de cet immeuble qui, avant le 13 avril 1975, était tout à fait anonyme, habité par de paisibles familles.
Il aurait fallu à tout prix éviter de tomber dans la facilité et surtout le plagiat, « Beit al-Wasat » est une adresse politique, que ce soit en arabe, français ou anglais, son sens est compris de tous, c'est un message qui évoque la place qu'occupe son propriétaire sur l'échiquier du pays, celle de rassembleur.
Mais affubler un monument historique beyrouthin, dont l'étude est réalisée sous l'égide et avec l'appui sans faille du maire et de la mairie de Paris, par un nom anglicisé, qui en plus ne comporte pas intrinsèquement une indication ou un sens fort, est une ineptie du plus haut ridicule.
Jusqu'à présent, ce bâtiment était connu sous le nom de Maison jaune et de « Zakirat Beyrouth » - Mémoire de Beyrouth - pourquoi ne pas les garder, ou à défaut en imaginer un autre plus évocateur peut-être, à condition qu'il ait un sens.
Finalement, c'est au Conseil municipal de Beyrouth de trancher, espérons qu'il aura le discernement requis.

Georges TYAN
Membre du conseil municipal de Beyrouth
C'est en grande pompe que le projet de la maison jaune à Sodeco a été lancé en présence de l'ambassadeur de France, du maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, chez et sous le patronage du Premier ministre M. Saad Hariri qui, en toute générosité, a ouvert sur deux battants les portes du Grand Sérail pour abriter cet...

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