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Santé

La repousse des dents, entre mythe et réalité

Par les Drs Mounir DOUMIT et Élie MAALOUF*
La dentisterie a été considérée depuis des millénaires comme une branche de la médecine. Plus encore, les médecins qui avaient des aptitudes spéciales et un talent exceptionnel étaient considérés comme des médecins ou des spécialistes des dents. Mais cette situation n'a pas toujours été avantageuse pour les dentistes qui étaient considérés au Moyen Âge comme des « arracheurs de dents ». C'est ainsi que toutes les médecines dites « archaïques » ont fait appel à la magie, à la prière et à la divination, la maladie étant considérée comme une sanction naturelle infligée à l'individu par une puissance divine ou démoniaque. La pathologie était en somme un aspect de la mythologie. Pendant des millénaires, la médecine s'est efforcée de répondre aux besoins et aux angoisses de l'homme malade. Elle s'est appuyée longtemps sur des pratiques magiques avant de trouver dans le rationalisme scientifique son expansion et sa maturité.
En 2003, Poul Erik Petersen, directeur de la santé orale à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a publié un rapport concernant la santé buccale et son influence sur la santé générale et sur la qualité de vie des citoyens du monde. Il a conclu que les maladies buccales non ou mal traitées pouvaient mener à la détérioration de la santé générale et même à la mort. L'OMS a dressé une liste non exhaustive des maladies générales en relation directe avec les infections orales, à savoir les méningites, la septicémie, les maladies cardio-vasculaires et les atteintes cérébrales. Le Washington Post, dans son édition du 28 février 2007, relate l'histoire malheureuse d'un adolescent de 12 ans qui serait mort à cause d'un abcès dentaire suite à la dissémination des bactéries d'une dent infectée et non traitée au cerveau.
L'art dentaire est devenu avec le temps la médecine dentaire, ou mieux encore l'art de la médecine dentaire, qui a évolué durant les dernières décennies à pas de géant. Les médias et la télévision surtout ont joué un rôle important dans l'éducation et la sensibilisation du public. La conservation de bonnes dents et un beau sourire sont devenus des facteurs de réussite sociale. Les soins de canaux, les prothèses, la dentisterie esthétique, le blanchiment et les implants ont largement répondu aux demandes et aux exigences de nos patients.
Le Pr Michel Goldberg, de l'Université de Paris, et Anne Poliard ont développé récemment l'autoréparation des lésions « carieuses » chez les rats au laboratoire en l'espace de 90 jours, en réveillant les cellules souches « dormantes » que contient la pulpe dentaire ou le « nerf ». C'est une première dans le domaine encore balbutiant de la médecine régénérative. Cette technique consiste à déposer des microbilles enduites du peptide A-4 dans la cavité carieuse, molécule comparable aux molécules humaines, capable de déclencher le processus d'autoréparation, d'où l'idée de provoquer artificiellement la remise en route de ces cellules progénitrices « dormantes » dans la pulpe dentaire, mais incapables en temps normal de régénérer un tissu atteint. Depuis 2000, on a découvert que le cerveau, les muscles et la plupart des organes humains contiendraient ces cellules souches régénératives. Le Pr Goldberg affirme sans ambages que les « techniques actuelles utilisées en médecine dentaire vont sembler totalement artisanales en comparaison avec celles qui vont émerger des recherches sur les cellules souches ». Donc, plus besoin de dévitaliser les dents, de poser des bridges ou même des implants, il suffira d'après Anne Poliard de faire « repousser » la dent de l'intérieur. Testée avec succès sur le rat, cette méthode pourrait être appliquée à l'homme d'ici à cinq ans, d'après l'équipe des chercheurs français.
Dans le domaine de la recherche, les résultats obtenus au laboratoire sur les animaux ne peuvent en aucun cas être transposés chez l'homme. Il est certain que la « repousse des dents » est une évolution ou plutôt une révolution, mais nous pensons de même que la médecine dentaire a encore de beaux jours devant elle, et que les dentistes sont loin de passer au chômage. Notre souci majeur en tant que chercheurs, enseignants et pratiquants restera l'évolution de notre profession et la sauvegarde de la santé orale et générale de nos patients en leur assurant des soins de qualité.

* Le Dr Mounir Doumit est doyen de la faculté de médecine dentaire à l'Université libanaise.
Le Dr Élie Maalouf est le directeur du programme des études postuniversitaires à la faculté de médecine dentaire de l'Université Saint-Joseph.
La dentisterie a été considérée depuis des millénaires comme une branche de la médecine. Plus encore, les médecins qui avaient des aptitudes spéciales et un talent exceptionnel étaient considérés comme des médecins ou des spécialistes des dents. Mais cette situation n'a pas toujours...

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