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Moyen Orient et Monde

Les droits de l’homme et la conférence de Londres sur l’Afghanistan

Par Navi PILLAY, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme
Lorsque le président afghan Hamid Karzaï et d'autres dirigeants se retrouveront à Londres aujourd'hui (28 janvier) afin de rallier des appuis internationaux en faveur de l'Afghanistan, ils feraient bien de discuter aussi de la façon de rendre un minimum de justice et de compenser les victimes de violations de droits de l'homme passées et présentes dans ce pays.
L'impunité est l'un des principaux ingrédients des cycles de violence sans fin qui ont brisé tant de vies en Afghanistan. Elle fait partie intégrante de ces maux que sont la concussion et la corruption, et des échecs de la gouvernance et de l'État de droit auxquels la conférence de Londres est censée remédier.
Le pouvoir et l'avidité des seigneurs de guerre, des profiteurs de guerre et des criminels de guerre ne connaissant aucun frein, les institutions nationales restant bien trop faibles, même les modestes progrès obtenus au cours des huit dernières années en matière de droits de l'homme sont menacés. Les élections de l'an passé, qui avaient suscité tant d'espoir, ont été marquées non seulement par les actes de violence des insurgés et la fraude, mais aussi par des intimidations accrues visant la liberté d'expression ou la participation politique et par un rejet particulièrement violent des droits de la femme.
Aujourd'hui, la plupart des Afghans se considèrent comme les victimes non seulement d'un conflit, mais aussi d'un état de non-droit, d'un climat d'impunité généralisée où l'on ferme les yeux sur les violations routinières, « de basse intensité », des droits de l'homme comme sur les abus les plus graves.
L'injustice et les violations des droits de l'homme ne sont ni des accidents du destin ni des événements contre lesquels on ne peut rien. C'est le résultat d'une violence flagrante et sans entraves, de la façon dont on structure les rôles, dont on alloue et utilise les ressources et dont on se répartit le pouvoir en Afghanistan. Si les décideurs et les puissants qui commettent des abus sont au-dessus de la loi, l'exploitation, les privations, la marginalisation et la discrimination ne feront que se pérenniser.
La justice, notamment économique et sociale, ne pourra exister tant qu'on ne tentera pas d'endiguer les abus, la discrimination et l'inégalité sous toutes leurs formes.
Dans un tel contexte, il ne faut pas s'étonner si le processus de « démocratisation » a entraîné des désillusions qui vont s'accentuant. On constate une méfiance accrue vis-à-vis de modèles de gouvernance qui sont perçus comme étrangers aux aspirations sociétales et individuelles des Afghans. Les structures gouvernementales sont largement considérées comme non démocratiques, injustes et incapables de fournir les services les plus élémentaires ou la protection la plus fondamentale.
Les talibans et autres groupes d'opposition armés ont tiré profit de cette situation et ont pu à la fois intensifier leurs activités militaires et organiser des systèmes de gouvernance parallèles, poussant ainsi des communautés désespérées et désillusionnées à rejoindre leur camp, de gré ou de force.
Il faut prendre des mesures pour renverser la vapeur. Pour commencer, si l'on veut bâtir un Afghanistan juste et stable, il faut reconnaître et s'appuyer sur les nombreux aspects positifs de la société afghane, sur sa volonté de survivre et sur le désir des citoyens ordinaires de vivre dans la sécurité et la dignité.
On n'y arrivera qu'en mobilisant la volonté politique et l'appui international pour promouvoir et protéger les droits de l'homme. L'État de droit doit s'exprimer à travers des instances gouvernementales crédibles qui reflètent un contrat réel entre le peuple afghan et ceux qui détiennent le pouvoir.
Mais la réconciliation nationale, à travers des réformes institutionnelles et une stabilité durable, devra passer par des mécanismes qui permettront d'établir la vérité sur les abus, de combattre l'impunité, de rendre justice aux victimes et de les compenser pour leurs souffrances. Des mécanismes de reddition de comptes et de réconciliation doivent être mis en place selon les normes internationales. Ils doivent refléter les aspirations du peuple afghan. Il faut s'en servir pour extirper la corruption et la violence et se débarrasser des auteurs de graves violations des droits de l'homme qui font de l'Afghanistan un otage de son passé.
Cela fait trop longtemps que les voix des victimes afghanes et que le point de vue des femmes et des minorités sont étouffés ou ignorés. Ce dont nous avons besoin, en ce moment critique, c'est revoir le cadre de coopération, pour qu'il inclue de façon très large et très représentative les diverses communautés afghanes, dont les femmes, les minorités et les victimes de violations des droits de l'homme. Un forum participatif de ce type doit permettre à tous ceux qui y contribuent de s'exprimer librement et d'énoncer leurs préoccupations et recommandations sans crainte de représailles. Il faut en faire une manifestation de longue durée plutôt qu'un événement unique qu'on oubliera, sitôt les feux des projecteurs éteints.
Nous exhortons les dirigeants afghans et leurs partenaires internationaux à créer un climat où les questions de responsabilité, de transparence et de réelle participation restent des points prioritaires de l'agenda de paix et de réconciliation, aujourd'hui comme à l'avenir.
Lorsque le président afghan Hamid Karzaï et d'autres dirigeants se retrouveront à Londres aujourd'hui (28 janvier) afin de rallier des appuis internationaux en faveur de l'Afghanistan, ils feraient bien de discuter aussi de la façon de rendre un minimum de justice et de compenser les victimes de violations de droits de l'homme passées et présentes dans ce...

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