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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand Albert Khayath faisait sa crèche

Samy KHAYATH

Il a bien souffert le beau tapis dans notre maison paternelle de la rue Saïd Akl à Beyrouth. Des centaines de petits pieds aux godasses boueuses l'ont joyeusement piétiné. Ces enfants venaient, avec leurs éducateurs, prier devant la crèche que mon père Albert réalisait chaque année sur tout un pan de notre salon. D'année en année, la crèche prenait des dimensions démesurées pour ma pauvre mère qui ne pouvait plus gérer convenablement le flot des visiteurs. Nous sommes en 1952, et mon père décide alors de transporter sa crèche dans un lieu plus grand et plus adéquat pour la circonstance. Il choisit l'école de Saint-Vincent-de-Paul à la rue de la Mère Gelas où il conçoit et réalise, de ses propres mains et de ses propres deniers, une gigantesque crèche animée. Étant le secrétaire général des conférences de cette merveilleuse création de Fréderic Ozanam, il décide de produire un véritable spectacle dont les revenus seront entièrement versés aux indigents.
1952. Durant un quart d'heure, toutes les dix minutes et tout au long du congé de Noël et du Nouvel An, des milliers de Libanais, grands et petits, venaient rêver devant un spectacle qui retrace la nativité de Jésus. Dès l'ouverture des rideaux, la pluie tombe sur scène, de plus en plus fort. Des torrents d'eau dévalent du haut du théâtre et se déversent sur le plateau (étant aussi directeur général de l'Office des eaux de Beyrouth, mon père n'avait aucune difficulté à manier l'eau dans tous ses états). Éclairs et tonnerre font trembler les murs de la salle. Joseph et Marie décident de s'abriter dans une étable pour se protéger du déchaînement de la nature. Jésus voit le jour. Le tableau change de ton. Éclairage et cantiques chantent la naissance du Christ. Dans le ciel, apparaît l'étoile du berger. Les Rois mages, les pâtres, les moutons, les bonnes gens se dirigent vers l'étable sur des rails spécialement conçus pour provoquer le mouvement synchronisé des fidèles. Jésus bénit les foules. Joie et allégresse envahissent le monde entier.
De 1952 à 1961, la crèche présente chaque année des nouveautés techniques qui, à l'époque, provoquaient l'admiration des ingénieurs et des hydrotechniciens. Dans les coulisses de la crèche, mon père faisait en personne fonctionner cette curieuse mécanique qui alliait les effets spectaculaires aux jeux du son et de la lumière. Et dire que l'on me demande parfois où j'ai appris la scénographie. Où ? Mais à l'école de la crèche de mon père...
Le 21 septembre 1961. Le cœur d'Albert Khayath cesse de battre. Sa crèche était par contre déjà prête, avec des nouveautés au niveau de la technique qu'il avait voulues encore plus impressionnantes. La crèche sera quand même au rendez-vous des fidèles à la Noël de la même année : les membres de Saint-Vincent-de-Paul ne voulaient pas arrêter l'œuvre d'Albert Khayath. Aujourd'hui, avec Solidere et Patrimonium, la Société vincentienne espère reconstituer la crèche à l'ancienne et rebâtir l'église en ruine.

 

Samy KHAYATH

Il a bien souffert le beau tapis dans notre maison paternelle de la rue Saïd Akl à Beyrouth. Des centaines de petits pieds aux godasses boueuses l'ont joyeusement piétiné. Ces enfants venaient, avec leurs éducateurs, prier devant la crèche que mon père Albert réalisait chaque année sur tout un pan de notre salon....

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