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Culture - Rencontre

La deuxième vie de Catherine Millet

Si son sulfureux essai biographique « La Vie sexuelle de Catherine M. » avait causé un séisme lors de sa parution en 2001, sa traduction en arabe aux éditions al-Jasad risque, elle, de causer un tsunami littéraire. Sauf s'il passe discrètement inaperçu derrière sa couverture couleur rose « shocking ».

Catherine Millet, femme de tête, libre de son corps.

Critique d'art, commissaire d'exposition et écrivain française, fondatrice de la revue Art Press (en 1972) et directrice de la rédaction de ce magazine faisant référence dans le monde de l'art contemporain, Catherine Millet a aujourd'hui la soixantaine. Tailleur strict, chemise à fleurs, pendentif en forme de croix, cheveux coupés au carré, la femme qui sirote doucement son café dans le lobby de l'hôtel Phoenicia Inter-Continental semble être à des années-lumière de l'auteure que les médias (et elle-même parfois) appelaient « Madame Sexe ». Oui, en effet, et à moins d'avoir vécu les dix dernières années sur la planète Mars, il est de notoriété publique, comme le dit d'ailleurs le titre sans équivoque de l'ouvrage, que Catherine M. a écrit son histoire sexuelle. Elle a narré, dans les moindres détails, avec une précision chirurgicale, l'usage qu'elle a pu faire de son corps depuis l'âge de 18 ans. « J'ai partouzé pour la première fois dans les semaines qui ont suivi ma défloration », écrit-elle d'entrée de jeu. Elle raconte sur un ton laconique comment elle est devenue « une fille qui couche avec plein de monde». Loin du récit très cru de ses ébats, de clubs échangistes en aires d'autoroute, nous lui avons proposé un abécédaire, histoire de changer un peu des  sempiternelles questions. Elle répond avec la franchise audacieuse et la lucidité dérangeante qui lui ont valu un succès international.

Anecdote
« Lors de la présentation de la traduction allemande à Berlin et alors que j'étais penchée sur la signature de mon ouvrage, j'entendais la voix d'un homme me susurrer à l'oreille : "Bonjour, je suis le jeune homme de la page 80." Et j'ai en effet reconnu un ancien amant, devenu
diplomate... »

Aveux
« Je n'ai pas commis de crime pour passer aux aveux. Je me confesse, tout simplement. Sans pudeur ni vantardise. Je ne suis pas pour autant, confie-t-elle, une "collectionneuse" ni une "séductrice".»

Dali
Dali et moi. Un ouvrage où elle dévoile, sans tabous, la sexualité de Salvador Dali et ses rapports au corps et au désir.

Jalousie
« Je répondrais par Jour de souffrance, le titre de mon deuxième roman autobiographique. J'y évoque la jalousie que j'ai ressentie au regard des infidélités de mon mari. Mais les liaisons secrètes de Jacques (NDRL Henric) ont enflammé mon imagination, m'ont fait souffrir malgré moi, bousculant les stéréotypes sur la libération sexuelle. »

Métier
« J'ai toujours pensé que si j'avais écrit le même livre, mais en menant une carrière d'actrice pornographique ou en étant une ancienne prostituée, il n'aurait pas été regardé de la même façon. Ma profession a étonné les gens, mais elle a aussi donné une sorte de crédit de respectabilité à ces écrits. »

Provocation
« Je me suis promenée un peu partout dans le monde pour assurer la promotion de cet ouvrage. Je n'ai jamais été agressée ni insultée en public. En tout cas, je ne suis pas une personne provocatrice. Je ne dis pas des mots grossiers. Je les écris seulement. Rires. Cette attitude doit désamorcer l'agressivité. »

Réactions
 « Positives ou négatives, souvent extrêmes, que le livre a suscitées. Certains y ont vu une publicité amorale pour une forme débridée de sexualité, d'autres une forme de confession. Certains autres y ont vu un essai honnête à la première personne sur des sujets que l'on tait généralement, d'autres y ont vu un étalage impudique, obscène, vulgaire et produit par une personne de faible constitution morale. »

Réponse
« À tous les lecteurs de La Vie sexuelle qui ont cru, malgré le ton neutre du livre, que ma vie était une joyeuse et perpétuelle débauche, que je faisais l'apologie de l'hédonisme et même du prosélytisme. À ceux-là je dis que d'avoir et d'assumer une sexualité très libre n'empêche pas de tomber dans le piège effrayant de la jalousie et ne prémunit pas contre la douleur qui l'accompagne. »

Succès
« Absolument pas attendue à avoir le succès qu'il a eu. J'imaginais, au mieux, toucher le public lettré de la collection « Fiction & Cie ». La vérité est que je n'ai pensé ni au succès ni à son contraire : la censure, qui aurait pu frapper ce texte volontairement cru. »

Traduction
« Je fais confiance à Joumana (NDRL Haddad, directrice des éditions al-Jasad) pour la traduction en arabe. Elle m'a dit qu'elle était très bien. Et que la traductrice a souhaité apposer son nom sur la couverture, en assumant complètement sa version et son audace. »

Vie
« Y'a-t-il une vie après La Vie sexuelle de Catherine M. ? Je travaille au troisième roman autobiographique. Le plus introspectif, sans doute. Celui dans lequel j'essaie de remonter aux sources de ma liberté sexuelle. Celle qui a pris possession de moi depuis mon enfance. »
Se regarder le nombril, en quelque sorte. Après avoir raconté ce qui s'est passé tout autour.
Critique d'art, commissaire d'exposition et écrivain française, fondatrice de la revue Art Press (en 1972) et directrice de la rédaction de ce magazine faisant référence dans le monde de l'art contemporain, Catherine Millet a aujourd'hui la soixantaine. Tailleur strict, chemise à fleurs, pendentif en forme de croix, cheveux coupés au carré,...
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