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Un accord à Copenhague tributaire de la position des États-Unis - Changement climatique

Un accord à Copenhague tributaire de la position des États-Unis

Pour Jeffrey Sachs, plus de la moitié des États américains sont contre toute forme de contrôle des émissions de CO2, contrôle considéré comme une menace économique directe.
Plus que cinq semaines avant la conférence de Copenhague sur le changement climatique. Alors que tous les espoirs sont tournés vers ce sommet jugé désormais comme essentiel pour l'avenir de la planète, le suspense est toujours de vigueur concernant la position des États-Unis.
Or, prenant le contre-pied de l'administration précédente de George W. Bush, le président Barack Obama a fait de la loi sur le climat l'une de ses grandes priorités législatives. Demain, la commission de l'Environnement du Sénat américain doit tenir sa première audition pour examiner le projet de loi visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une autre version de ce texte a déjà franchi l'obstacle de la Chambre des représentants. Or, des responsables gouvernementaux américains ont déjà prévenu que la loi sur le climat ne serait pas votée avant le sommet de Copenhague en décembre, ce qui risque de réduire la portée de cette conférence destinée à mettre sur pied un traité prenant le relais du protocole de Kyoto, qui expire en 2012.
Par ailleurs, les Américains sont de plus en plus nombreux à douter de la réalité du réchauffement climatique, même si ceux qui pensent le contraire restent majoritaires, révèle un sondage publié jeudi dernier. Les Américains considérant le réchauffement de la planète comme un problème très sérieux sont également moins nombreux aujourd'hui avec 35 % contre 44 % en avril 2008 et 45 % en 2007, précise le Pew Research Center, un institut de recherche indépendant de Washington.
Pour Jeffrey Sachs, professeur d'économie et directeur de l'Institut de la Terre de l'Université de Columbia et conseiller spécial auprès du secrétaire général des Nations unies, « la balle est aujourd'hui renvoyée au Sénat américain ». Mais, selon lui, « une atmosphère bizarre règne aujourd'hui aux États-Unis. Il y a en effet des voix qui s'élèvent pour demander pourquoi faire un effort pour le reste du monde ? Qu'ont fait la Chine et l'Inde pour nous » ? Lors d'une conférence organisée du 9 au 11 octobre à Copenhague par Project Syndicate et le gouvernement danois, M. Sachs estime en outre que « le prix Nobel attribué dernièrement à Barack Obama va certainement contribuer à accroître la pression sur le président américain. Il risque même de lui nuire sur le plan interne, sachant qu'il pourrait également le motiver pour faire encore plus, car maintenant il doit prouver qu'il mérite ce prix ».
Les efforts des États-Unis tombent en fait dans un contexte de tensions entre les pays pauvres et les pays riches, ces derniers étant accusés d'être historiquement la cause directe du réchauffement climatique que subit actuellement le reste de la planète et notamment les États en voie de développement, les plus touchés par les conséquences désastreuses du changement climatique.
Pour le philosophe Peter Singer, « nous sommes toujours dans une situation dans laquelle les pays riches non seulement n'aident pas les plus pauvres, mais en fait causent des dégâts au reste du monde. Nous rejetons l'idée d'impérialisme et de colonialisme comme des injustices appartenant au passé, mais quand on regarde aujourd'hui les dommages causés par les pays industrialisés par le biais de leurs contributions au changement climatique, je pense que les pays riches ne comprennent pas vraiment les conséquences de leurs actions ».
Selon le professeur de bioéthique australien, « aux États-Unis, dans l'un des pays les plus développés au monde, je ne vois pas qu'il y a assez de compréhension et une conscience du problème lié au réchauffement climatique. Quand le président ougandais a affirmé il y a quelques années qu'il s'agit d'un "cas d'agression" contre les pays pauvres, les Américains ont été choqués par ses propos ».
Peter Singer propose ainsi un cadre moral entre les pays, un code éthique international pour faire comprendre aux pays riches et surtout aux Américains que ce qu'ils font n'est pas adéquat.
Les participants reviennent ainsi régulièrement au rôle de blocage que joue le Sénat américain, un obstacle de taille pour arriver à une solution équitable entre les pays. Il va falloir donc des pressions sur les sénateurs venant non seulement de l'opinion mondiale, mais également de la population américaine elle-même, pour faire fléchir les durs du Sénat.
Jeffrey Sachs revient sur les difficultés au sein du Sénat à entériner une loi sur le climat. « Il faut savoir que 22 et 50 États américains sont producteurs de charbon. Et c'est dans ces États que se trouve le noyau de l'opposition à toute législation concernant le changement climatique depuis longtemps. Ainsi, plus de la moitié des États sont contre toute forme de contrôle des émissions de CO2, contrôle considéré comme une menace économique directe contre les moyens d'existence du pays. Et même au sien du Parti démocrate du président Obama, il y a des sénateurs venant d'États producteurs de charbon », explique très clairement M. Sachs qui affirme que, dans ces conditions, « le président américain ne peut même pas compter sur son propre parti pour dépasser le blocage actuel au Sénat ».
En outre, M. Sachs affirme que ces États sont en majorité des États relativement à faible densité démographique. « Quand on pense que c'est une minorité qui peut tout bloquer, entravant la volonté de la majorité de la population, on ne peut que se poser des questions sur le fonctionnement du système américain », ajoute-t-il.
Le président Obama affronte un autre problème purement politique : actuellement, la minorité républicaine va s'opposer à tout projet venant du président, juste parce qu'il est au pouvoir, affirme le responsable onusien.
Dans ce contexte, Connie Hedegaard, la ministre danoise de l'Environnement, critiquant implicitement les États-Unis, a averti durant cette conférence que « les économies qui seront hésitantes à prendre des décisions courageuses seront les vraies perdantes ».
Plus que cinq semaines avant la conférence de Copenhague sur le changement climatique. Alors que tous les espoirs sont tournés vers ce sommet jugé désormais comme essentiel pour l'avenir de la planète, le suspense est toujours de vigueur concernant la position des États-Unis. Or, prenant le contre-pied de l'administration précédente de...