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Europa Jaratouna: l'action de l'Europe dans 8 pays sud-méditerranéens - Sécurité

Renforcer les capacités du Liban dans le domaine de l’enquête criminelle

Intitulé « Amélioration de l'investigation criminelle à tous les stades de la chaîne pénale au Liban », un projet, en grande partie financé par l'Union européenne, offre diverses formations portant sur la protection de la scène du crime.
À Aramoun, à quelques kilomètres au sud de Beyrouth, un bâtiment vient de voir le jour. Sur les deux étages dont il est composé sont dispensées des formations en matière d'enquête criminelle à l'intention des enquêteurs de la police judiciaire des Forces de sécurité intérieure (FSI), ainsi que des membres de la Croix-Rouge, de la Défense civile et des pompiers.
La mise en œuvre de cette plate-forme de simulation fait partie du projet d'« Amélioration de l'investigation criminelle à tous les stades de la chaîne pénale au Liban ». Ce projet, financé par plusieurs instruments européens dans le cadre de la Politique européenne de voisinage (PEV), vise à aider à la formation des FSI à travers une assistance technique coordonnée par des experts.
Outre l'apport d'une expertise, cette formation requérait également une infrastructure. Le financement de la construction  de la plate-forme de simulation a été pris en charge par les Émirats arabes unis, alors que l'UE a offert l'équipement de la plate-forme. Le coût total du projet, qui a débuté fin 2007 et s'est terminé en mai 2009, est estimé à plus de deux millions d'euros.
« Après les événements qui ont eu lieu en 2005 suite à l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, l'UE a remarqué l'existence de nombreux problèmes concernant la préservation de la scène du crime », explique Duccio Bandini, responsable du projet. « Bien qu'il s'agisse là d'un point très spécifique, la préservation de la scène du crime est à la base des enquêtes dont le bon déroulement est essentiel pour la défense des droits individuels », ajoute-t-il.
Si ce projet s'adresse à l'ensemble des intervenants à tous les stades de la chaîne pénale, les FSI en étaient initialement les principaux bénéficiaires. « La Commission européenne a estimé que ce projet serait un premier pas pour renforcer les capacités des FSI », souligne M. Bandini. Pour le général Salah Gebran, directeur du recrutement des FSI et coordinateur du projet avec l'UE, « le but était d'améliorer le niveau technique des policiers pour une meilleure exécution des lois en vigueur afin d'affronter la menace terroriste et de combattre le crime organisé ». Pratiquement, l'idée était de passer d'une formation essentiellement militaire à une formation plus tournée vers le droit, le respect des libertés publiques et les techniques de l'enquête.

Coopération FSI-juges
Dans un deuxième temps, le ministère libanais de la Justice a été associé au projet. Les experts judiciaires ont été inclus dans certaines activités (médecins légistes et personnels du laboratoire de police technique et scientifique) ainsi que certains éléments de l'armée libanaise, explique, sous le couvert de l'anonymat, l'un des nombreux experts qui ont participé au projet. L'inclusion d'autres acteurs de la chaîne pénale était essentielle car, selon l'expert, « le problème majeur au Liban réside dans le fait qu'il n'existe pas de communication entre les différents acteurs de l'enquête criminelle qui sont les magistrats (instructeurs ou procureurs), la police judiciaire et les experts judiciaires commis dans une enquête ». Les magistrats, par exemple, ne sont pas formés au travail de terrain. Or, en tant que directeurs d'enquête, ils devraient gérer la scène de crime. Dans les faits, cela est rarement le cas. Une situation qui a un impact négatif direct sur la scène du crime, chaque institution travaillant dans son coin sans tenir compte du travail des autres.
« Les policiers n'avaient pas l'habitude de travailler avec les juges, et ces derniers n'utilisaient pas les services des enquêteurs pour les aider. L'une des principales réalisations de ce projet est de montrer la nécessité de la coopération entre les deux parties qui sont aujourd'hui beaucoup plus ouvertes à une collaboration efficace, chacune dans le cadre de ses prérogatives », souligne M. Bandini. « La coordination entre les forces de l'ordre, les enquêteurs et le pouvoir judiciaire était très désordonnée. Ce projet a mis en lumière les défaillances dans ce domaine et a permis d'améliorer la situation, notamment en impliquant le juge d'instruction sur le terrain », confirme le général Gebran.

Absence de protocole
L'un des problèmes centraux découvert au cours des séminaires organisés dans le cadre de ce projet était que « malgré l'existence d'un protocole pour la sauvegarde et la protection des traces et des indices sur les scènes de crime rédigé par les spécialistes du laboratoire de la police technique et scientifique, les mesures contenues dans ces directives n'étaient pas toujours appliquées pour diverses raisons. Des raisons que le projet européen a cherché à effacer », affirme Duccio Bandini. « Au début, nous avons insisté sur le renforcement des laboratoires de la police technique et scientifique. Mais, très vite, nous avons remarqué que ces laboratoires étaient relativement performants. Le problème principal était plutôt l'absence d'un véritable directeur d'enquête chargé de la gestion de la scène du crime, ce qui engendrait des problèmes au niveau de la protection de la scène du crime et de l'acheminent des preuves vers ces laboratoires », renchérit Jussi Närvi, chef de la section Coopération à la Délégation de la Commission européenne à Beyrouth. Sur la scène du crime, explique-t-il, plusieurs intérêts légitimes entrent en conflit : les pompiers doivent éteindre le feu, les secouristes veulent sauver des vies, les journalistes couvrir l'événement, et la police prélever des indices pour résoudre le crime. « Il faut développer une gestion plus efficace de la scène du crime. Ce travail débute avec la façon de prélever les indices, comment les conserver, et la manière dont ils sont acheminés vers les laboratoires et plus tard à la cour de justice. Ces problèmes devraient être largement abordés lors des différentes activités proposées par un nouveau projet intitulé "«Security and Rule of Law»" qui a commencé ses activités en septembre 2009 », indique M. Närvi.

Des experts du monde entier
Dans le cadre du projet, près de 38 activités ont été animées par des experts venus de Scotland Yard, de la Guardia Civil et de la police nationale espagnole, ainsi que de la France, explique le général Gebran. Plusieurs formations ont également été réalisées en Europe. Un large programme donc, mais dont l'efficacité pourrait avoir été entravée par une erreur de gestion du processus de formation. « Nous avons insisté sur la préparation d'une équipe libanaise qui formerait ensuite les forces de sécurité. Mais nous avons eu un problème à ce niveau, puisque aucune équipe n'a bénéficié de la totalité de la formation », déplore le général. « Nous n'avons pas réussi à cibler un nombre réduit de personnes qui auraient eu une formation aussi complète que possible. Mais cette situation a déjà été prise en compte pour le nouveau projet qui vient de démarrer », ajoute M. Närvi.

Un bilan positif
Malgré ce bémol, le général Salah Gebran dresse un bilan plutôt positif du projet.  Les nouveaux locaux, avec leur laboratoire, permettront de dépasser plusieurs problèmes rencontrés par le passé. « Auparavant, pour faire des tests d'ADN, il fallait toute une procédure, surtout qu'un tel test est très cher. Mais avec les nouveaux équipements dont nous disposons, c'est plus facile », explique-t-il Auparavant, il n'existait également aucune technique pour la protection des témoins. Là aussi, le projet a aidé. Par ailleurs, le projet a permis la réalisation d'un DVD sur la protection de la scène du crime. Enfin, une formation de base sur les crimes financiers et le blanchiment d'argent a été dispensée, un domaine dans lequel les FSI avaient des connaissances limitées.
Pour l'un des experts du projet, parlant sous couvert d'anonymat, la réussite de l'entreprise est essentiellement due à « la souplesse dans la programmation des activités, les besoins de chaque institution, les problèmes que traverse le Liban et les lois en vigueur ayant été prises en compte ».
De manière plus globale, ce projet, certes technique, devrait avoir un impact au niveau du renforcement du respect des droits de l'homme. « L'ensemble de ce projet améliore les techniques d'investigation pour que le résultat de l'enquête soit fondé sur des pièces à conviction, sur des preuves, et non pas sur des aveux qui peuvent être douteux, note M. Närvi. En soi, cela renforce la position de l'accusé, et par conséquent, les droits de la défense et de la personne. Les preuves irréfutables sont également une garantie contre toute politisation des procès. La meilleure preuve est la meilleure arme contre les procès politiques. »

*Europa jaratouna est un projet médiatique initié par le consortium, L'Orient-Le Jour, al-Hayat, LBC, et élaboré avec l'aide de l'Union européenne. Il traite des actions de l'UE dans 8 pays du Sud de la Méditerranée. Pour en savoir plus, visitez le site www.eurojar.org. Le contenu de cette  publication relève de la seule responsabilité de L'Orient-Le Jour et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de l'Union européenne.
À Aramoun, à quelques kilomètres au sud de Beyrouth, un bâtiment vient de voir le jour. Sur les deux étages dont il est composé sont dispensées des formations en matière d'enquête criminelle à l'intention des enquêteurs de la police judiciaire des Forces de sécurité intérieure (FSI), ainsi...