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Spécial Beyrouth capitale mondiale du livre 2009

Partitions sur fond de mer…

Langage universel, la musique est aussi un livre. Un livre à l'écriture singulière, aux signes codifiés, aux mesures respectées de tous ceux qui y ont accès. Car une partition est une lecture. Certes une lecture peu commune et peut-être élitiste, mais c'est à travers les lignes et les pages d'une partition, sœur jumelle des livres qui nous sont familiers, que l'on parcourt le fil sinueux d'une mélodie, l'air d'une cavatine, le credo d'une aria, la ferveur d'un Ave Maria ou le martèlement d'une marche...
En devanture du Conservatoire national supérieur de musique, en face du Grand Sérail, à l'occasion de Beyrouth capitale mondiale du livre 2009, pour une meilleure connaissance de tout ce qui s'écrit sur la musique, un présentoir de toutes les publications de la plus haute institution pour cet art au Liban... Dans un pays où, pour certains, déchiffrer de simples lettres est encore une gageure et une épreuve, voilà de quoi s'enorgueillir....
Lire une clef de sol ou une clef de fa (et les deux à la fois, c'est déjà avoir un pied d'adulte dans le monde de la musique) n'est pas l'apanage des seuls musiciens, mais de tous ceux qui s'adonnent au monde des sons, des mélodies, du rythme, des cadences...
Avec son chaos, ses bruits, son vacarme tonitruant, sa stridence, ses rares plages de silence, sa lumière crue ou douce, Beyrouth, immense paquebot immobile amarré face à la mer, a inspiré plus d'une partition, plus d'une lecture du vent, des vagues et de leurs embruns, de la Méditerranée et de toutes les tumultueuses rumeurs ou mélancoliques mélopées de l'arrière pays...
Des simples chansons de variétés (bien sûr, ce n'est pas cela qui relève la barre de notre culture hélas - malgré un succès gonflé comme un ballon de baudruche - de plus en plus en berne avec toute la débâcle d'après-guerre et le mauvais goût populaire plus porté à applaudir la zizique frénétique qu'à flairer les valeurs sûres et exigeantes) jusqu'aux ritournelles les plus charmantes, Beyrouth est au cœur de toutes les fêtes et de tous les deuils...
Des tirades (ces savoureuses «sahbat» de Sabah ou de Wadih el-Safi) aux trilles souvent en chant de rossignol aux symphonies torrentielles où cordes, instruments à vent, cymbales et grande caisse se déchaînent en passant par de subtiles vocalises, une grappe de notes opalescentes sur un clavier, les flamboyants accords d'une guitare ou la plainte d'un oud, l'hommage à Beyrouth est sans conteste évident, omniprésent. Comme une caresse furtive mais toujours tendre, présente...
Beyrouth, ville ouverte sur la mer est aussi ouverte sur les notes bleues... Pas seulement bleues car ces notes peuvent facilement aussi endosser toutes les nuances d'une palette en tonalités douces, vives ou féeriques. Ou tout simplement enflammées comme ces journées et ces nuits d'odieuses batailles entre immeubles habités. C'est quoi d'autre la mitraille du «non» de Zad Moultaka où Yalda Younès a dansé en talons, claquant du flamenco sur un volcan au ventre crachant du feu...
De la voix de Magida el-Roumi à celle de Feyrouz, en passant par la kyrielle de starlettes aux éructations susurrantes et modernes, La Symphonie des Cèdres de Toufic Succar, le lyrisme à la russe de Béchara el-Khoury, les épanchements en opérettes d'Oussama ou le style pseudo hip-hop à l'orientale de Ghassan Rahbani (Tarik al-matar - La route de l'aéroport -, objet de tant de dissenssions, reste une chanson d'anthologie dans son genre), la corde patriotique est toujours vibrante, élégiaque, tendre, nostalgique, passionnée, véhémente.
Pour cerner la liaison de Beyrouth avec la musique, qui mieux que maestro Walid Gholmieh, directeur du Conservatoire national supérieur de musique, chef de l'Orchestre symphonique national libanais (ainsi que de l'orchestre national pour la section arabe) et compositeur, pour parler de ces liens secrets et inspirants que tissent les lieux, l'histoire, les êtres et une ville autour d'une mélodie, d'un refrain, d'une partition?
«La relation de la musique avec Beyrouth, dit le dynamique chef d'orchestre et compositeur, par-delà son aspect d'une ville-loi qui a ouvert le chemin aux premiers livres de droit, passe tout d'abord par trois canaux historiques essentiels. D'abord, il y a l'aspect phénicien où, à travers les mythes d'Adonis, Astarté et du dieu Marcod, le cérémonial du paganisme garde l'influence d'une musique intense. Ensuite, il y a la Méditerranée: c'est la rencontre de plusieurs civilisations et la révélation des premiers instruments de musique... Finalement on ne peut nier la présence de la religion où, à travers psaumes et hymnes (des trois religions monothéistes de la région) la musique a occupé une place prépondérante. Et puis Beyrouth a évolué. Elle est devenue une «wilaya» à l'époque ottomane et l'incursion des traditions européennes s'est élargie par le biais des missionnaires... Avec l'Égypte, le Liban fut l'un des premiers pays arabes à «apprendre» la musique. Et le Conservatoire est le gardien et le dépositaire de cette science, cet art, cette culture de la musique. La musique doit être au cœur des manifestations de Beyrouth, capitale mondiale du livre.
Savez-vous que notre Conservatoire a une maison d'édition - une des trois institutions académiques internationales à en avoir - et a publié jusqu'à aujourd'hui plus de 59 ouvrages?
Il faut se rappeler que Beyrouth a commencé son livre par les instruments de musique et les premières écritures sur argile... Beyrouth est une ville qui englobe une histoire sociale et créative, parce qu'il y a une variété dans les couleurs, les traditions, les langues, les mouvements, l'architecture. Comme en musique, tout est une question de tempo... Ma présence à Beyrouth m'a poussé à aborder des sujets qui ont trait à l'histoire et à l'humanité car notre capitale est profondément humaine. C'est une ville aux ambitions démesurées. Au sein de Beyrouth sont apparues des créations paradoxalement à la fois grandioses et très futiles! C'est une ville qui sait garder tout ce qui a de la valeur et rejeter ce qui n'a pas d'intérêt.
Pour Beyrouth, capitale mondiale du livre 2009, la musique, «ce bruit qui pense», selon les termes de Victor Hugo, demeure un grand livre ouvert sur tout l'insondable vacarme et la mélodie de la vie et du quotidien d'une mégalopole à l'agitation nourricière et virtuose... 
En devanture du Conservatoire national supérieur de musique, en face du Grand Sérail, à l'occasion de Beyrouth capitale mondiale du livre 2009, pour une meilleure connaissance de tout ce qui s'écrit sur la musique, un présentoir de toutes les publications de la plus haute institution pour cet art au Liban... Dans un pays où, pour certains,...