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Culture - Opéra-théâtre

Une femme face au destin et au pardon…

Cette nuit-là... d'Amin Maalouf, tiré du livret d'Adriana Mater, commande de l'Opéra de Paris donnée en 2006 à l'Opéra-Bastille en création mondiale sur une musique de Kajia Saariaho.
Sur les planches du théâtre du Casino du Liban, voilà donc le verbe de l'auteur du Rocher de Tanios, Prix Goncourt 1993, dans un texte grave, tendu et dense, renouant, en toute ardente poésie, avec la tragédie antique et le
destin.
Annoncé pour 20h30, le spectacle ne devait commencer que vers 21 heures avec un public clairsemé arrivant toujours par grappes bruyantes et désordonnées.
Dans une scène au décor absolument nu, plongée dans le noir sauf quelques lumignons, émergent brusquement quatre comédiens. Au bout des trois niveaux érigés en plate-forme d'autel, austère et crépusculaire paysage de rituel ou de cérémonial, une violoncelliste à l'archet cédant un chant plaintif et mélancolique, et une femme au chant psalmodique et incantatoire...
Comme dans une tragédie antique, les « actants » se livrent à une libération par le verbe et les mots déclamés, chuchotés, martelés, scandés...
Dans un pays en guerre, sans jamais le nommer ou le situer clairement (les pays des Balkans probablement), l'auteur fait vivre le drame d'Adriana , jeune femme violée qui décide de garder l'enfant qu'elle porte depuis « cette nuit maudite où les portes de l'enfer se sont ouvertes... »
Par petites touches subtiles et en une narration chargée d'une poésie frémissante, Amin Maalouf avance dans cette histoire où le destin, le pardon, la notion de victime-bourreau, les actes de courage-lâcheté, et la spirale de la haine et de la vengeance sont objets d'interrogation, d'analyse et de réflexion... Intrépides explorations de thèmes qui laissent le spectateur sous l'emprise d'une chape de plomb...
Courtisée par le timide et couard Tsargo qu'elle dédaigne, Adriana sera victime de ses désirs et assauts sexuels. Violée par un homme de son propre camp (non, il ne s'agit pas d'un ennemi !) qui se hâte de prendre la fuite, la jeune femme fait part à sa sœur de sa décision de garder l'enfant de cette union non souhaitée...
Droit à la vie, liberté de choisir la maternité, acceptation du fatum, poids des mensonges, honneur jamais lavé, angoisse du mauvais sang, c'est tout ce touffu et foisonnant questionnement universel que les mots de l'auteur de Samarcand forcent le public à affronter...
L'enfant, Jonas (ni Caïn ni Abel), naîtra et saura que son père, frappé de cécité (oui, évidente, l'image d'Œdipe) et diminué de ses forces physiques, est alentour. La confrontation avec le géniteur est violente mais pas mortelle. Les deux hommes se séparent, et le couple enfant et mère se retrouvent pour cautériser les blessures et, en un généreux dépassement de la condition humaine, faire la paix avec leur corps et leur esprit.
Un texte ambitieux et difficile. Difficile à prendre corps sous les feux de la rampe mais que les comédiens (Bertrand Degrémont, Anna Moret, Patrick Raynaud et Caroline Rochefort) de la Compagnie de la porte au trèfle, sous la férule du metteur en scène Grégory Barco, rendent, par une diction impeccable et un sens retenu de l'emphase dramatique, avec « ferveur, émotion et un certain recueillement ». Termes utilisés par l'auteur de Léon l'Africain en s'adressant au metteur en scène Grégory Barco.
Cette nuit-là... d'Amin Maalouf, tiré du livret d'Adriana Mater, commande de l'Opéra de Paris donnée en 2006 à l'Opéra-Bastille en création mondiale sur une musique de Kajia Saariaho.Sur les planches du théâtre du Casino du Liban, voilà donc le verbe de l'auteur du Rocher de Tanios, Prix Goncourt 1993, dans un texte...

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