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Culture - Festival de Beiteddine

Dans le royaume de l’Emir, c’est le fou qui est roi

Dans le genre punk balkanique déjanté, c'est en effet le chanteur Nelle Karajlic qui remporte la palme du Meilleur animateur de concert complètement siphonné. Le bipalmé d'or à Cannes, alias Emir Kusturica, rafle, lui, le prix du Bassiste le plus nonchalant.

Pas étonnant puisque le réalisateur (pourtant prolifique au cinéma) prétend que la paresse est son principal trait de caractère. Mais qu'on se rassure, la désinvolture d'Emir Kusturica - plus occupé à draguer une mystérieuse jeune fille en jupe gitane qu'à communiquer avec le public - n'a pas entaché le concert. Ce dernier restera inscrit - à l'encre rouge ! - dans les annales beiteddinoises sous la catégorie : spectacle loufoque réussi.
Le No Smoking Orchestra a en effet offert au public bigarré, mais à majorité jeune, un mélange explosif, une prestation débordante d'énergie et de caractère.
21h. Les éternels festivaliers retardataires n'en finissent pas de remplir les gradins (lesquels méritent également une mention d'excellence pour leur disposition en demi-cercle). À l'arrière de la scène, les huit membres du NSO entament quelques étirements musculaires qui éviteront les courbatures du lendemain. Puis ils déboulent, sans crier gare, dans un tintamarre qui ferait sursauter un artificier d'artillerie lourde. Kusturica est à la guitare, le chanteur, Nelle Karajlic, vêtu d'une improbable combinaison bleue de superhéros entre Batman et Spiderman, vole littéralement d'un bout à l'autre de la scène.
Emmené par son chanteur agité, le groupe, formé d'excellents musiciens, dégaine une musique métissée emplie d'influences diverses et de respirations ethniques. Détonant mélange de punk rock, de folklore Balkan, de jazz manouche ou de musique gitane et même de musette.
Les différentes biographies du groupe qui pullulent sur Internet indiquent que le No Smoking Orchestra est né en 1980 sous l'impulsion de Nelle, avec un profond esprit de contestation. Parti sur une idée de groupe punk anarchiste, le combo prône aussi, bizarrement, une musique qui puise aux racines et aux traditions locales. Ses membres recherchent leurs inspirations dans les racines profondes des Balkans, les vieux airs tziganes, les marches turques mais aussi les sons indiens, les inspirations classiques (Strauss, Verdi...).
Sur scène, les titres se succèdent à un rythme très rapide sur fond de musique polyglotte (anglais, allemand, bosniaque) et de rythmique rock. Le chanteur, brillant animateur de club de vacances, sautille dans tous les sens, harangue les foules, brandit son micro, interpelle le public souvent de manière directe et personnelle, invite les jeunes gens à danser sur scène. Noyé dans cette multitude colorée et dépenaillée (le groupe, sur scène, ressemble à de pauvres hères quasi vagabonds, l'un déguisé en Dracula, l'autre en capitaine ou encore en abaya !) et coiffé de son chapeau blanc se tient le guitariste Emir Kusturica. Celui-là même que l'on connaît surtout pour son talent de cinéaste ; ce réalisateur allumé à qui l'on doit Le Temps des Gitans, ou Chat Noir, Chat Blanc (le No Smoking en a réalisé la bande son, comme par hasard !), Underground  ou encore Arizona Dream.
Une musique généreuse portée par des musiciens confirmés qui trouvent leur puissance de frappe sur scène avec des concerts décoiffants et marathoniens, tout cela dans une joyeuse anarchie faussement incohérente.
L'humour est omniprésent dans le spectacle, même si les paroles nous échappent. Cependant, certaines ne mentent pas et on se souviendra longtemps des « Are you ready ? F... you MTV ! ». Le tuba, l'accordéon, le violon racontent les histoires, la guitare, la basse et la batterie les font vivre et le public les danse. Après une dernière performance pendant laquelle Dejan Sparavalo, le violoniste et Kusturica se livrent à un duel extravagant sur un archet géant porté à bout de bras par deux jeunes filles du public, la scène se vide sous les vivats étourdissants d'une foule conquise et partie très loin cette nuit dans l'espace et le temps... La musique est un miracle.
Pas étonnant puisque le réalisateur (pourtant prolifique au cinéma) prétend que la paresse est son principal trait de caractère. Mais qu'on se rassure, la désinvolture d'Emir Kusturica - plus occupé à draguer une mystérieuse jeune fille en jupe gitane qu'à communiquer avec le public - n'a pas entaché le...

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