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Culture - Soirée littéraire

Les archives des sables de Fady Stephan au palais Chéhab

Les archives des sables de Fady Stephan au palais Chéhab

La couverture de l’ouvrage de Fady Stephan, « Archives des sables et du vent ». Photo DR


Le vendredi 10 mai, à 19h, rendez-vous « soirée littéraire » avec Fady Stephan, archéologue, philologue et écrivain libanais, professeur au département d’art et archéologie de l’Université libanaise de 1978 à 2007, autour de son ouvrage Archives des sables et du vent (éditions Érick Bonnier). Après la présentation d’un « PowerPoint » d’une dizaine de minutes, réalisé et présenté par la conservatrice du musée archéologique de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Nadine Panayot, cette causerie, durant une « veillée » (Veladas literarias) à l’ambassade d’Espagne, – dans le vieux palais Chéhab de Hadeth, sera menée par le chef du département de littérature et langue française de l’Université libanaise, la professeure Roula Zoubiane, spécialiste de littérature moderne, traductrice renommée. Elle interrogera Fady Stephan sur la façon dont il a procédé à partir d’archives pour obtenir une histoire cohérente et précise dans son dernier ouvrage, où les qualités historiques vont de pair avec l’écriture la plus fluide qui soit.

La reconstitution de l’histoire

ressemblerait-elle à la recomposition de ces milliers de débris de la collection de verres sidoniens antiques du musée archéologique de l’AUB, récemment endommagée sinon détruite par le souffle de l’explosion du port, que l’équipe du musée a courageusement et impeccablement réussi à reconstruire, tout au moins en partie ?

L’auteur du livre s’était de son côté basé sur des documents appartenant à son grand-père dispersés çà et là, retrouvés parfois grâce au hasard et sauvés de l’anéantissement, comme ce livre datant de la fin du XIXe siècle, Mogreb el-Aqsa, délavé, déchiqueté, écrit par le prétendant au trône d’Écosse son ami Robert Cunningham Graham, et abandonné depuis des lustres (plus de soixante-quatre ans) dans le tiroir d’une vieille banquette. Il fut sauvé miraculeusement in extremis du rigoureux hiver 1983, quand les réfugiés du Chouf eurent besoin de se réchauffer au mois de février dans la maison du grand-père de l’auteur où ils s’étaient réfugiés.

Il est impossible de condenser ce livre aux très riches apports en informations aussi bien événementielles que culturelles. Certains critiques littéraires en avaient trouvé l’histoire et l’écriture tout aussi « envoûtantes ».

Partant du sud de l’Arabie, des villes mythiques dont parle le Coran, pas encore retrouvées avec certitude, « Iram aux colonnes » ou « Ubar », les aïeux de l’auteur, les Ghassanides lors de l’effondrement du barrage de Mareb au Yémen, ont quitté leur pays et remonté la péninsule Arabique pour atteindre les frontières du désert syrien où ils ont rencontré un bon accueil chez les Byzantins, qui leur ont accordé même un généreux asile.

Puis, avec l’effondrement de Byzance, les Ghassanides eurent le choix entre se convertir ou partir. Certains historiens, père Joseph Hajjar, Constantin Bacha, Issa Iskandar Maalouf, nous fournissent des données sur leurs déplacements et transformations. Si certains choisirent la Békaa, Maalouf dit que la tribu Lutaif s’occupa de gérer les biens au Hauran et dans la Damascène des Mardam bey, riches propriétaires terriens.

Bientôt la communauté des melkites grecs-catholiques se constitua autour de Michel (Aftimos) Saifi, que les Ottomans s’acharnèrent à persécuter.

Les Lutaif et une branche des Salem s’établissent à Ferzol, dans la Békaa, y travaillant la ferronnerie. Il est évident que si l’on voit dans le nom de cette cité les mots latins correspondant à « fer » et « sol », on comprendra d’office pourquoi des personnes travaillant le fer pouvaient y exceller.

Certains des Lutaif et des Salem escaladant la montagne du Liban rencontrèrent la communauté des unitaires (dits aussi druzes). Bon accueil là aussi.

Puis l’auteur, qui a retrouvé des dizaines d’actes de propriété sur parchemin, en apprit plus sur sa famille durant cinq à six générations. « C’est exaltant, dit-il, de rencontrer grâce à la seule vertu de l’indélébile encre de Chine sur parchemin d’origine animalière tous ces noms d’hommes et de femmes, mes apparentés, comme « Takla », « Martha », « Nsim », « Farha », « Zhour »... à qui plus jamais personne ne pense mais qui ont effectivement existé et respiré l’air parfumé, enivrant et salubre de ces hautes montagnes. »

Le fil de la grande histoire

L’auteur a beaucoup appris aussi sur les terres que ces descendants des Ghassanides acquirent au Chouf, à partir d’un manuscrit retrouvé de son grand-père qu’il confronte à l’ouï-dire d’une parente, excellente « passeuse de mémoire ». Il explique ainsi pourquoi ses aïeux ont pris comme nom de famille « Stephan » au lieu de « Lutaif » ou « Salem ». Ce texte de huit pages, écrit au crayon mine par son grand-père Hassib, lui sert à retrouver le fil de la grande histoire à laquelle cet ancêtre a assisté en personne. Hassib en effet, tôt orphelin, avait été mis en pension dans un orphelinat arménien de Gaziantep en Anatolie et connaissait parfaitement ces deux langues et avait également des rudiments d’anglais. Si Hassib rentre au Liban bredouille – Gordon a été tué par les mahdistes –, il ne tardera pas à s’enfuir du pays et du Syrian Protestant College (l’actuelle AUB). C’est un moment admirable que nous font revivre Stephan et son grand-père dans cet écrit réalisé à quatre mains. On retiendra le moment où Hassib demande à Daniel Bliss, fondateur de l’institution, l’autorisation de suivre un missionnaire au Maroc. Tout est reconstitué au milieu de ce gigantesque puzzle. Comme dans un film, tous les gestes du pasteur Bliss et de son épouse Abby Wood sont rebâtis, comme lors de cette pause « tea time » de cinq heures au sein du campus de l’université.

La vie à Essaouira, à Marrakech puis à Tanger de Hassib fut particulièrement exaltante.

La suite du récit, passionnante, a été retracée grâce à des lettres, des articles de journaux et des récits vérifiés autant que faire se peut par l’auteur qui s’est également basé sur une belle trouvaille : celle du journal du grand-père qui a servi à reconstituer concrètement la suite et la fin de sa biographie. Vendredi soir, après l’évocation de « la plus importante figure poétique féminine au monde, Emily Dickinson, meilleure amie d’Abby Wood, épouse de Daniel Bliss », dixit Fady Stephan, un débat « à multiples radicelles et rhizomes » suivra. Compte tenu du nombre limité de places, il est préférable de confirmer sa présence par e-mail à emb.beirut.sec@maec.es.

Le vendredi 10 mai, à 19h, rendez-vous « soirée littéraire » avec Fady Stephan, archéologue, philologue et écrivain libanais, professeur au département d’art et archéologie de l’Université libanaise de 1978 à 2007, autour de son ouvrage Archives des sables et du vent (éditions Érick Bonnier). Après la présentation d’un « PowerPoint » d’une dizaine de...
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c'est ouvert au public?

ISSA JAZRA

11 h 13, le 09 mai 2024

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Commentaires (1)

  • c'est ouvert au public?

    ISSA JAZRA

    11 h 13, le 09 mai 2024

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