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Culture - Rencontre

Vincent Baudriller : Un festival ouvert sur le monde

Le Festival d'Avignon, Vincent Baudriller peut en parler des heures, avec passion et conviction, expliquant les choix, justifiant les programmations, revendiquant les succès, mais assumant aussi les erreurs.
Codirecteur du Festival d'Avignon depuis 2004, il s'occupe plus particulièrement de la programmation artistique, alors qu'Hortense Archambault, son binôme, est en charge de l'administratif. Vincent Baudriller nous a ouvert les portes de son bureau, au 2e étage du magnifique cloître Saint-Louis. Un espace vaste, clair, agréable, dont le calme contraste singulièrement avec l'effervescence qui, à la veille du lancement des festivités, agite le bâtiment qui abrite les bureaux du festival. Comme une ruche bourdonne au printemps.
Moments choisis d'une discussion à bâtons rompus.
Sur la présence, pour la 1re fois au Festival d'Avignon, d'un nombre aussi important d'artistes libanais, Vincent Baudriller rétorque qu'il n'invite pas une nationalité, mais un artiste « qui a un langage fort, singulier, un vrai regard sur le monde ». Et d'ajouter : « La notion de pays est parfois compliquée et nous lui avons préféré celle de territoire. On a demandé aux artistes de raconter leur territoire (où ils travaillent, quels sont leurs territoires d'inspiration...) »
Pourquoi le Festival d'Avignon ouvre-t-il ses portes à Wajdi Mouawad ? « Je trouve qu'il a une écriture extrêmement puissante et riche. C'est quelqu'un qui s'empare de cette notion du récit et de la narration avec une force, une puissance. Il fait partie de ces artistes qui ont un univers très singulier, parce que nourri par une histoire très forte. » Et d'ajouter : « Il est à Avignon parce qu'il regarde le théâtre d'un endroit très particulier, qui nous permettait nous - Hortense et moi - de nous déplacer dans la préparation d'une nouvelle édition. Pour prendre une image de navigation, Hortense et moi avons un cap, nous savons où nous voulons amener le Festival d'Avignon, et tous les ans nous tirons un bord pour aller questionner le théâtre à un endroit et l'année d'après à un autre endroit. Chaque année, les spectateurs auront une expérience différente du festival, une saveur différente, incarnée par l'artiste associé. »
Cette année, c'est le récit qui est à l'honneur. « Qu'est-ce que le théâtre a encore à voir avec cette idée de raconter une histoire ? », se demande Baudriller. « D'un côté, il y a la tradition orientale de philosopher en racontant des histoires, en utilisant des images. Et puis, d'un autre côté, il y a cette tradition nord-américaine de maîtrise du récit. Wajdi est nourri de ces deux pôles-là. C'est ce qui fait que son travail a quelque chose de très
particulier. »
Et qu'apporte la langue - française - au théâtre de Wajdi Mouawad ? « Je ne sais pas ce que la langue française lui apporte. Son français est nourri de différents français (celui appris au Liban, celui parlé en France, puis encore celui pratiqué au Québec). Mais je pense que c'est plutôt la perte de la langue maternelle qui est en filigrane de son théâtre. Il est toujours à la recherche de cette langue maternelle qu'il a perdue à l'âge de 10 ans. » Vincent Baudriller raconte sa surprise, quand il se retrouve au Liban, « avec des artistes libanais, et j'ai vu Wajdi d'un coup se remettre à parler arabe avec ces artistes - pas très bien, mais assez pour se comprendre. J'ai été très surpris ».

Le choix de la programmation
La programmation se fait d'abord par des échanges, une conversation quasi ininterrompue avec l'artiste associé. D'ailleurs un livre de ces conversations/correspondances sera édité et distribué pendant le festival. Puis il y a les voyages, sur les lieux d'inspiration, Liban, Canada, France... « J'ai été une première fois à Beyrouth au festival Home Work. Puis j'y suis retourné avec Hortense et Wajdi. J'y ai rencontré des artistes passionnants. Certains que j'avais connus en France. » Il croise ainsi « de nouveaux fils artistiques à tirer pour construire ce programme ». Un de ces fils est l'approche que tous ces artistes de théâtre avaient de la guerre « une approche diamétralement opposée à celle de Wajdi ». « Ils sont tous de la même génération, ont vécu les mêmes événements, ont une même base de souvenirs et ce même souci de s'exprimer de façon artistique sur cette histoire-là, et pourtant ils ont deux façons totalement différentes de raconter cela. Ce fil de la dualité m'a beaucoup intéressé. » Il est décliné en différents modes : dualité entre fiction et documentaire ; dualité/dialogue entre théâtre et cinéma...
« Dès qu'on parle de narration, on ne peut éluder le cinéma, c'est aujourd'hui le plus puissant art de narration », estime Vincent Baudriller. D'où l'idée de dialogues croisés : des cinéastes qui présentent des créations artistiques non cinématographiques, comme l'installation du couple Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ; des artistes de théâtre qui se sont risqués sur les territoires cinématographiques ; des cinéastes qui présentent simplement leurs films.
Ainsi, une cinéaste libanaise, Dima el-Horr, présente son 1er long-métrage ; Ghassan Salhab et Danielle Arbid, de nouveaux films. « Ce n'est pas un festival libanais, c'est un festival autour d'une problématique avec des questions artistiques bien précises. Les questions posées par le Liban sont au centre du festival, mais dans des champs artistiques précis », insiste Vincent
Baudriller.

Une rétrospective théâtrale
Le Festival d'Avignon, version Hortense et Vincent, ouvre la programmation à de nombreuses nouvelles œuvres. Mais l'originalité de la formule est une rétrospective théâtrale, qui « donne la possibilité aux spectateurs de faire une balade à travers l'œuvre d'un artiste ». Et dans cette rétrospective du théâtre de Wajdi Mouawad, quoi de plus naturel qu'une nuit du conte? Un conte des mille et une nuits qui verra défiler les principales créations de Mouawad - Littoral, Incendie et Forêts -, mises bout à bout, comme Shéhérazade égrenant ses histoires pour tenir à distance la folie meurtrière d'un homme... de tous les hommes. Cependant que la guerre reprend ses droits avec Ciels, le 4e opus de ce quatuor intitulé Le Sang des promesses.
Codirecteur du Festival d'Avignon depuis 2004, il s'occupe plus particulièrement de la programmation artistique, alors qu'Hortense Archambault, son binôme, est en charge de l'administratif. Vincent Baudriller nous a ouvert les portes de son bureau, au 2e étage du magnifique cloître Saint-Louis. Un espace vaste, clair, agréable, dont le calme contraste...
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