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Nos Lecteurs ont la Parole

Vivre ensemble

Joya MADI
Cet article ne cherche pas à dénoncer le fanatisme. On l'a déjà fait. Et maintes fois. Tant de fois à vrai dire que la dénonciation du fanatisme est devenue une formalité. Un titre qu'on écrit en grand, un propos qu'on ne tient plus tant il est évident, un étendard inutile que personne ne veut plus porter. Bien sûr que je respecte mon compatriote musulman. N'est-il pas évident qu'on vit, ensemble, dans le même pays, qu'on respire le même air, et qu'un même soleil nous éclaire ? Et qu'elle est belle, la poésie !
Cet article ne cherche pas être beau, il cherche à être vrai. Oui, tu respectes ton frère musulman. Tu le crains parfois. Il te craint aussi. Mais vous savez tous deux que vous devez vivre ensemble. Vous ne voulez plus avoir peur quand vous circulez en voiture dans les rues de Beyrouth-Ouest et il veut être sûr que personne n'agressera ses enfants quand ils passeront par Beyrouth-Est. Mais vous vous respectez. Évidemment. Vous êtes libanais. Tout aussi libanais l'un que l'autre. Vous avez les mêmes droits et les mêmes devoirs aux yeux de l'État auquel vous appartenez. D'où vient la guerre alors ?
- Quelle guerre ? La guerre est finie.
- Je ne 
parle pas de la grande guerre, ni des incidents qui ont eu lieu. Je parle de la guerre dont vous avez parlé à votre voisin ce matin. Je parle de la guerre dont votre coiffeur est convaincu. De la guerre silencieuse. Celle dont les balles sont des mots et le seul cadavre un avenir qu'on ne cesse de mitrailler. Cette même guerre que chacun a déclarée dans le silence de ses pensées.
Je parle de cette conquête qui vous obsède. Ce n'est pas une question de religion. Ce conflit n'est pas une croisade. Il ne se fait au nom de rien ni personne. Ce conflit traite de terrain. C'est une histoire de territoire. Qui va gagner ? À qui ira le Liban ? Qui sera le maître ? Et qui est-ce qui devra obéir ? Musulmans ou chrétiens ?
Chacun s'attache à ce qu'il a. Démarque son terrain. Trace la ligne rouge. Préserve ses privilèges. Jusqu'à quand ? Jusqu'à ce que l'autre craque ? Plie ? Démissionne ? Quelqu'un finira-t-il par quitter le pays ?
À ce train-là, c'est le pays qui quittera. La partie d'échecs s'est trop prolongée. Et seul le pays
 va échouer. Jusqu'à quand tiendront les barricades et les cantons illusoires ? Arrêtez de respecter votre frère musulman, arrêtez de crier votre amour pour votre frère chrétien et commencez par vivre avec lui. Et vivre est une épreuve. C'est reconnaître à l'autre le droit de posséder ce qu'on possède. Vivre avec l'autre, vivre l'autre, c'est démolir les murs qui façonnent nos relations. Arrêtez d'être phénicien, arabe, européen, musulman, druze, chrétien et devenez citoyen. Libanais musulman, es-tu prêt à accepter un Premier ministre chrétien ? Et toi, chrétien, reconnaîtras-tu ton président s'il est musulman ?
Si cette idée vous fait trembler, si le jour où la confession du chef changera, vous penserez à prendre l'avion en direction des États-Unis, si ce jour-là vous vous direz que le Liban n'est plus à vous mais aux autres, arrêtez de dire que vous n'êtes pas fanatique. Soyez-en fier, criez-le sur les toits. Mais criez-le fort. Assez pour qu'on puisse vous sauver. Nous viendrons. Nous vous dirons que vous n'êtes pas seuls. Mais qu'un jour, vous le serez. Le jour viendra où l'idée d'un président musulman ne scandalisera plus personne, où les fissures qui dessinent le pays seront les cicatrices d'un peuple guerrier qui, sur son bouclier, a désormais dessiné la croix et le croissant.

Joya MADI
18 ans
Cet article ne cherche pas à dénoncer le fanatisme. On l'a déjà fait. Et maintes fois. Tant de fois à vrai dire que la dénonciation du fanatisme est devenue une formalité. Un titre qu'on écrit en grand, un propos qu'on ne tient plus tant il est évident, un étendard inutile que personne ne veut plus porter. Bien sûr que je...
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