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Économie - Tribune

Petit mémento économique à l’usage du prochain gouvernement

Par Nohad Baroudi
Par Nohad Baroudi*

Il est tout à fait justifié que l'État emprunte pour investir. Tout investissement public est rentable puisqu'il contribue à plus de production, plus de bien-être économique et social. Même les investissements sociaux finissent par rapporter. Tout cela se traduit, tôt ou tard, par un surplus de revenu national qui servira à rembourser l'emprunt.
Par contre, l'État ne doit pas s'endetter pour payer ses dépenses courantes, comme les déficits chroniques de l'EDL ou les salaires des fonctionnaires. Et pourtant, une bonne part de notre dette publique provient des trous de gestion de l'EDL et de l'hypertrophie de l'administration publique.
Nous avons déjà évoqué dans ces mêmes colonnes le problème de l'EDL et celui de la pléthore de fonctionnaires. Nous nous bornerons aujourd'hui à insister sur la nécessité de dépoussiérer les études, financées par la Banque mondiale et préparées par des consultants européens, visant à la restructuration de l'EDL et sa corporatisation en vue d'une privatisation à terme, qui dorment depuis près d'un an dans les tiroirs de l'EDL et du ministère de l'Énergie et de l'Eau. Il est impératif et urgent que le prochain gouvernement soumette au Parlement le projet de loi congruent.
Quant aux fonctionnaires, un plan dûment réfléchi de réforme et de restructuration de la fonction publique doit être préparé et appliqué sans délai. Ce plan devra également prévoir les besoins de financement nécessaires qui assureront aux fonctionnaires surnuméraires une retraite anticipée confortable. Sachant que les économies réalisées au cours de la prochaine décennie épongeront certainement une bonne partie de la dette, il n'est pas impossible que ce plan intéresse certains bailleurs de fonds internationaux et les incite à fournir l'aide (non remboursable de préférence) requise pour sa bonne exécution. La deuxième étape consistera à évaluer la performance de chacun des fonctionnaires restants en vue d'assainir l'appareil étatique pour le rendre plus efficace et intègre, en mettant « the right man in the right place ». Il faudra prévoir pour mener à bien cette tâche difficile une échelle de salaires révisée à la hausse, proche des rémunérations pratiquées dans le secteur privé, afin d'attirer du sang nouveau avec les compétences nécessaires.
À part ces mesures qui serviront à alléger les dépenses courantes de l'État, il faut également augmenter les recettes courantes. Le secteur de la téléphonie mobile, par exemple, peut être considéré comme la poule aux œufs d'or des finances publiques. Il ne faut pas vendre ce secteur au plus offrant, du moins pas avant d'arriver à un taux de pénétration, une qualité du service et des tarifs comparables à ceux des pays du Golfe. Entre-temps, ce secteur aura assuré à l'État des revenus considérables. Sa privatisation viendra après, et au prix fort.

Accélérer la croissance économique
Ces mesures contribueront certainement à alléger le déficit budgétaire et, partant, la dette publique tout en générant plus de croissance économique. Une étude de la London Business School publiée en 2005 affirme que chaque fois que le taux de pénétration en téléphones mobiles d'un pays augmente de 10 %, le PIB croît de 0,5 %. Aussi, un courant électrique de qualité, assuré à tout le pays 24 heures sur 24, favorisera l'essor de l'activité économique locale ainsi que l'implantation des sociétés étrangères. Enfin, des fonctionnaires efficaces et intègres, appliquant avec diligence des formalités administratives simplifiées, faciliteront la vie des citoyens et des entreprises et ouvriront la voie à plus d'investissement local et étranger.
Bien d'autres mesures peuvent être prises par l'État pour accélérer la croissance. Par exemple, une étude entreprise en 1975 par l'État du Texas, concluait que le PIB de la ville de Dallas avait bondi de 15 % en un an suite à la modernisation de son réseau urbain, comparé à une croissance de 4 % du PIB de Houston, ville de dimension économique similaire, dont le réseau urbain était resté en l'état.
Sur un tout autre plan, il faut signaler que l'État fait souvent obstacle à la croissance économique en retardant l'exécution de certains grands projets. Les exemples abondent. Les prêts consentis pour l'exécution d'un certain nombre de projets de développement et de reconstruction doivent être approuvés par le Parlement. Or celui-ci prend son temps, soit à cause de tiraillements politiques injustifiés, soit parce qu'il a été délibérément fermé. Et même une fois l'approbation obtenue, l'exécution de ces projets bute souvent sur une série d'obstacles (le retard mis dans l'expropriation du site du projet, manifestations populaires politiquement dirigées, non-inscription dans le budget les sommes nécessaires à la « part locale », etc...). Il y a eu des cas où le prêt a été tout simplement annulé, le prêteur se trouvant dans l'obligation d'utiliser les fonds ailleurs plutôt que de les garder gelés.
Mais une fois le projet achevé, d'autres problèmes surgissent, liés à sa gestion. Par exemple, bon nombre d'hôpitaux gouvernementaux nouvellement construits et équipés attendent longtemps la nomination de leur conseil d'administration et de leur personnel médical et administratif. De plus, ils n'arrivent pas à obtenir les fonds nécessaires à l'entretien des équipements médicaux et des locaux, ce qui les rend incapables de fonctionner et les précipitent dans la décrépitude.
Tous ces obstacles sont inadmissibles et doivent être évités à tout prix, par un suivi continu de tout le processus, depuis l'octroi du prêt jusqu'à l'achèvement du projet et son bon fonctionnement.
Un autre point important : les lois-programme. Le budget, bien qu'annuel, prévoit souvent dans une section spéciale des allocations de dépenses s'étalant sur plusieurs années, relatifs à l'exécution de certains grands projets. Or les gouvernements successifs ont pris la mauvaise habitude de revoir à la baisse ou de reporter d'une année sur l'autre les allocations annuelles relatives aux lois-programme, mus tout simplement par le souci d'économie dû au manque de disponibilités financières locales.
Là aussi la manipulation arbitraire des lois-programme d'année en année est à éviter, vu le retard qu'elle cause dans l'exécution des projets, sans parler du manque de crédibilité que cela occasionne auprès du bailleur de fonds en cas de cofinancement étranger.
Enfin, une condition nécessaire à un développement durable et une croissance économique soutenue est que l'État puisse jouir de la confiance du citoyen et de la communauté internationale, à travers la transparence des finances publiques. Or c'est loin d'être le cas aujourd'hui.
D'abord, la présentation du budget au Parlement ne doit souffrir d'aucun retard, quelles qu'en soient les raisons. Ensuite, le budget, dans sa mouture actuelle, ne reflète pas la totalité des dépenses et des recettes du secteur public. La subdivision présente en 4 budgets distincts (gouvernement central, télécoms, betterave sucrière, loterie nationale) est ridicule. Il faudra les intégrer dans un même format. Une fois cette opération achevée, il faudra englober dans le budget le reste du secteur public pour donner une idée précise de l'ensemble de l'activité financière de l'État.
Mais la réforme ne doit pas s'arrêter là. Il faudra, une fois tout ce travail terminé, diviser le budget en deux parties distinctes : le budget courant et le budget d'investissement. Le budget courant comprend les recettes normales (impôts directs, TVA, droits de douane, autres taxes et revenus, transferts courants) et toutes les dépenses de fonctionnement et de gestion. Le budget d'investissement comprend les dépenses en capital (reconstruction, équipements, etc.) et leur financement. Le financement provient de l'excédent du budget courant s'il existe, mais surtout des aides et des prêts consentis par la communauté internationale pour la reconstruction ainsi que des prêts contractés par l'État à des fins d'investissement.
Cette distinction entre les deux budgets est primordiale, car s'il est totalement justifié d'emprunter pour reconstruire et investir, il est absolument injustifié d'emprunter pour payer des salaires ou des loyers ou des factures. Il faudrait donc revoir d'urgence la structure actuelle du budget afin de faire apparaître le déficit du budget courant. Une politique fiscale éclairée se doit d'œuvrer à réduire progressivement le déficit courant en vue de le transformer à terme en un excédent qui servira à financer le budget d'investissement. C'est l'excédent courant qui servira en dernière analyse à réduire la dette publique.

*Ancien secrétaire général du Conseil du développement et de la reconstruction
Par Nohad Baroudi* Il est tout à fait justifié que l'État emprunte pour investir. Tout investissement public est rentable puisqu'il contribue à plus de production, plus de bien-être économique et social. Même les investissements sociaux finissent par rapporter. Tout cela se traduit, tôt ou tard, par un surplus de revenu national qui...

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