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Lifestyle - Hotte d’or

Ma leçon de politique

J'avais mis une (toute) petite robe Alexis Mabille noire, un imperméable blanc Jean-Claude Jitrois, des styletti taupe Roger Vivier et des fausses fesses en mousse Vivienne Westwood. Je n'allais pas aller n'importe comment à la messe en souvenir de mon chenapan adoré qui exigeait toujours que je sois plus. Plus tout. Plus fellinienne surtout. L'église Saint-Roch était somptueuse, la messe pour Yves Saint Laurent hier à 10h30 du matin était sublime, j'ai versé quelques larmes en caressant doucement mon chapelet Sélim Mouzannar pendant ces extraits de la Missa Grande et de la Missa Solemnis de Mozart dirigées par un Alexis Roy à la baguette frémissante. J'ai à peine eu le temps de laper quelques larmes de Veuve Clicquot dans la coupe de Pierre Bergé, mon avion décollait dans une heure. À peine arrivée à l'aéroport international Rafic Hariri, je donne mon baise-en-ville Marc Jacobs à Omar et je me jette épuisée à ses côtés dans la voiture. Son haleine a le goût d'arak. Mon loulou est matinal. Et il est blessé à l'arcade sourcilière. Pourquoi ? Il répond, l'œil torve, avec toute la morve de ses vingt ans à peine : je me suis battu. Pourquoi ? Il se retourne vers moi conduisant d'un demi-œil : tu vis où ma divine ? Les élections, c'est dans trois jours, sors un peu de ta bulle de champagne, khalsina... Le mufle. Mais j'aime sa goujaterie akkariote. Je déteste que l'on se batte pour une idée, mais mon loulou a raison ! J'avais totalement occulté ce petit détail : un scrutin se prépare au Liban. Je comprends un peu mieux maintenant toute l'effervescence de ces dernières semaines ; dans les dîners où je m'arrêtais juste quelques minutes guerlainisée à outrance et ultrabaguée Rosy Abourrousse, on ne parlait que de législatives : je bâillais, pas discrètement, et m'éclipsais pour grignoter quelque tartare et écluser quelques coupes en compagnie de ma copine Corinne Nader à La Centrale. Mais il y a un hic : vis-je vraiment dans un altermonde ou sont-ce mes compatriotes qui deviennent hystériques ? Je n'ai pas le choix. Je fourre une bouteille siglée Ponsardin et un cake à l'écorce de clémentine dans mon Muse YSL, une petite nappe en vichy vert et blanc, des couverts Christofle, et demande à O. de me conduire dans les nouveaux locaux de mon employeur, L'Orient-Le Jour, montrant tout ce que j'ai à cacher derrière d'immenses lunettes fuchsia Selima Optique.
Je cavale dans les couloirs, monroesque avec mes gentils collègues, à la recherche du bureau de mon Abdo chéri que j'ai connu tout sautillant dans son youpala bleu dans son fief metniote. Chéri chéri, tu dois ab-so-lu-ment m'expliquer les élections, je n'ai que toi, je ne comprends rien, m'égosille-je en débarrassant son bureau pour y étaler nappe, cake et champagne. Le Chakhtoura, galant comme un Sicilien, éteint son cigare, m'embrasse neuf fois et me demande : depuis quand tu t'intéresses à la politique, ma divine ? Ecoute, ton père a fait en sorte que tu puisses voter, alors vas-y, mais essaye d'éviter de donner ta voix à celui que tu trouves le plus sexy ou alors en fonction de ta couleur préférée, tous les candidats se valent et ne valent rien. Tu voteras pour un projet, ma divine, pour le Liban que tu aimes et que tu défends. Bon, je n'ai rien compris, mais ce n'est pas bien grave. J'exige qu'il m'accompagne, peut-être pas nécessairement derrière l'isoloir, et qu'il me note sur une feuille pixelisée de mon carnet Rhodia relooké par Paul Smith les noms que je dois glisser dans l'enveloppe. Je suis comme ça moi, quand j'aime, je fais radicalement confiance, miam-miam.
J'avais mis une (toute) petite robe Alexis Mabille noire, un imperméable blanc Jean-Claude Jitrois, des styletti taupe Roger Vivier et des fausses fesses en mousse Vivienne Westwood. Je n'allais pas aller n'importe comment à la messe en souvenir de mon chenapan adoré qui exigeait toujours que je sois plus. Plus tout. Plus fellinienne surtout. L'église...

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