Rechercher
Rechercher

Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle

Chant de vie

Ce qui étonne dans cette campagne des législatives, c'est l'acharnement mis par pratiquement toutes les parties à taper un peu à l'aveuglette sur des cibles qui restent à l'heure actuelle hors de leur portée.
Dans leur ligne de mire, il y a, à tout seigneur tout honneur, la présidence de la République, qu'on tient à n'importe quel prix à faire participer à la bataille.
Il ne faut quand même pas mettre des œillères, ne pas regarder les choses en face ; l'histoire est là pour nous le rappeler. Se peut-il que tous ces gens-là aient la mémoire défaillante ? Si oui, il faut qu'ils se soignent. C'est aberrant, inacceptable.
De Béchara el-Khoury, en passant par Camille Chamoun et Fouad Chéhab, jusqu'à Sleimane Frangié, chaque président avait ses préférences et donnait un coup de pouce à quelques-uns de ses amis, qui une fois élus soutiendraient sa politique.
Lors de la période Hraoui, le dosage fut plus subtil : sur 128 élus, les forces de facto laissaient à bon escient arriver dans l'hémicycle une vingtaine de vrais ou de soi-disant opposants, afin que le folklore perdure, et donner un semblant de démocratie à une Chambre amorphe et téléguidée.
Il faut dire qu'à cette époque, il ne s'agissait pas d'élections, mais de nominations imposées à la hussarde.
2005 sonna le glas de tout cela. Toutefois, la victoire remportée, cette fois contre la présidence de la République, fut galvaudée ; ce fut comme un coup d'épée dans une eau saumâtre qui n'a donné que des relents nauséabonds.
2009 : alea jacta est ! On a tenté de les piper, les dés, en prétendant que la présidence avait ses propres candidats, ce qui somme toute est légitime. Quand on sait ce que la Constitution de Taëf a laissé comme prérogatives au premier magistrat du pays, c'est tout juste s'il a le droit de respirer sans prendre d'autorisation.
Le lexique des élections fut dépoussiéré ; des mots comme centrisme, juste milieu, indépendantisme exhumés et mis au jour par ceux qui veulent tirer à eux la couverture présidentielle, mais qui en fait ne disposent de nulle procuration ou blanc-seing, soutenant mordicus qu'ils étaient dûment mandatés par celui qui, neuf ans durant, fut le commandant en chef de la Grande Muette.
Il est des silences assourdissants que seuls entendent ceux qui ne veulent pas entendre, qu'ils répercutent et meublent effrontément comme bon leur semble, juste pour glaner ce qu'ils n'ont même pas semé. Ce qui me rappelle un terme du temps du chéhabisme : les fromagistes.
Cette appropriation illégitime d'un mandat, pour virtuel qu'il soit, a occasionné une levée de boucliers à l'aveuglette, des tirs de semonce en l'air contre tout ce qui bouge et qui viendrait du côté de Baabda.
Du coup, chacun y est allé de son vide sac, de ses appréhensions, ce qui est certes compréhensible, mais quand on connaît les tenants des thèses du soi-disant centrisme, surtout en période électorale, on se prend à rigoler.
Leurs épaules sont boursouflées pour avoir tant de fois changé leur fusil de côté ; leurs vestes, même si elles paraissent neuves, sont laminées de l'intérieur à force d'avoir été retournées.
Non, je ne crois pas qu'il y ait encore des gens assez dupes pour se faire une fois de plus avoir par des bobards et des histoires à dormir debout. Le président Michel Sleiman n'est redevable à personne d'avoir été élu à ce poste. Personne par ailleurs n'est et ne sera en mesure d'écourter son mandat.
Je l'ai déjà écrit à plus d'une reprise, je ne me ferais pas l'avocat de cette institution dont la vocation essentielle et immédiate est d'être le catalyseur de tous les Libanais. Mais je n'aime pas qu'on y porte atteinte. Elle reste l'un des derniers bastions de notre démocratie qui, au train où vont les choses, risque de ne plus être qu'un souvenir parmi tant d'autres.
Là, en effet, je ne peux que rejoindre l'étonnement de nombre d'observateurs, avertis ou non, engagés ou libres de leurs actes et de leur conscience : tous les ténors d'un seul bord, celui du 14 Mars, ont été reconduits. Même que des strapontins ont été libérés justement pour accueillir en renfort d'autres qui, ma foi, n'ont connu ce jour glorieux qu'à travers les journaux ou les chaînes de télévision.
Par contre, ceux qu'on appelle les valeurs sûres, les forts en gueule, les seuls à avoir le culot de dire à tous et en face du monde la vérité, les vrais indépendants, les pères spirituels du 14 Mars sont passés à la trappe sans ménagement. Peut-être ont-ils eu droit aux honneurs fugaces d'un enterrement de première classe après avoir été pressés jusqu'à la dernière goutte comme une orange.
C'est justement pour faire barrage à l'orange, m'a-t-on expliqué - mais je n'y ai pas compris grand-chose, parfois je suis dur de la feuille -, qu'on les a priés sans ambages de libérer la place au profit de quelques partis chrétiens dont l'étoile prenait quelques pâleurs ou qui avaient tout simplement disparu de la circulation par obsolescence.
Peut-être que le résultat sera à la hauteur de nos espoirs et de nos ambitions. Et là, je ne peux m'empêcher de faire une petite digression comparative, sans toutefois vouloir faire de la publicité. Quand les constructeurs de voiture BMW et Fiat ont ressuscité respectivement la Mini et la 500, le résultat a dépassé toutes les attentes : ces deux voitures font en effet un tabac, les listes d'attente sont longues et, de plus, elles coûtent assez cher.
La nostalgie a donc un coût que nous allons bon gré, mal gré régler ; les jeux sont pratiquement faits. Ceux qu'on a engouffrés dans l'autobus ne risquent pas de choir par la fenêtre : ce serait résolument cocasse et plus encore tragique, car, nous dit-on, c'est l'avenir de toute une patrie qui se joue.
N'en déplaise à beaucoup, l'avenir d'une nation n'est pas un jeu. De même que le mauvais film qu'on nous passe en boucle jusqu'au soir de 7 juin, intitulé Fais-moi peur, est une blague de très mauvais goût.
Certes, il y a deux conceptions qui s'affrontent : l'une que nous connaissons pour en avoir subi chaque début de saison estivale les méfaits et les outrages ; l'autre qui doit, même si elle prend appui sur le passé, les morts tragiques, les assassinats, se tourner résolument vers le futur, les lendemains meilleurs, redonnant à chaque être humain vivant sur notre sol toute sa dignité, avec tout ce que ce mot comporte comme devoirs et obligations.
C'est cette vision de l'avenir, à quelques jours du scrutin, même si beaucoup de candidats ne sont pas convaincants, que d'énormes bourdes ont été commises, qu'il faut savoir véhiculer et communiquer aux électeurs.
À l'heure du choix, la peur est mauvaise conseillère ; elle trouble les sens. Quand on a peur, on ne vote pas, on se calfeutre chez soi, bien à l'abri dans son petit cocon. C'est le défi de la vie qu'il faut aborder, entamer le chant de la liberté, de l'espoir, de la pérennité d'une nation indépendante et souveraine que personne ne peut plus prendre en otage.

Georges TYAN
Conseiller municipal
de Beyrouth
Dans leur ligne de mire, il y a, à tout seigneur tout honneur, la présidence de la République, qu'on tient à n'importe quel prix à faire participer à la bataille.Il ne faut quand même pas mettre des œillères, ne pas regarder les choses en face ; l'histoire est là pour nous le rappeler. Se peut-il que tous ces gens-là...