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Moyen Orient et Monde - Reportage

Les monuments juifs d’Irak pourraient retrouver une nouvelle jeunesse

La tombe d'Ezéchiel, un mémorial vénéré aussi bien par les juifs que par les musulmans, devrait être rénovée cette année.

Il y a 60 ans, la quasi-totalité de la communauté juive d'Irak quittait ce pays où elle avait vécu 2 500 ans, mais les vestiges religieux qu'elle a laissés sont toujours visités par les musulmans et les chrétiens. À Kifl, au sud de Bagdad, le mausolée d'Ezéchiel, un prophète juif qui suivit son peuple en exil à Babylone au VIe siècle avant J.-C., fut longtemps un exemple de la mosaïque religieuse de cette région. À l'entrée est érigé un minaret de briques du XIVe siècle légèrement incliné, mais à l'intérieur, la mosquée devient une synagogue avec son armoire destinée à contenir les rouleaux de la Torah et une rampe en bois séparant autrefois femmes et hommes durant l'office religieux. Des lettres hébraïques sont gravées sous la coupole de style ottoman ornée de motifs floraux islamiques. Le gouvernement a donné le coup d'envoi à la rénovation de l'édifice, et le secrétariat d'État au Tourisme et aux Antiquités veut réhabiliter d'autres monuments juifs. « Nous tenons à préserver le patrimoine irakien, qu'il soit chrétien, juif ou autre », a indiqué l'AFP le porte-parole du ministère, Abdelzahra al-Talaqani. « Cette année, faute de moyens, la restauration n'inclut pas les synagogues de Bagdad, Bassora, Mossoul ou Falloujah, mais leur réfection fera partie du prochain plan », dit-il.
Les musulmans révèrent les grandes figures du judaïsme et de la chrétienté, dont Ezéchiel - qui s'appelle Dhu al-Kifl (le garant de la colère divine) - dans deux versets coraniques. À al-Azaïr (Sud), le chiite Bachir Zaalan prend soin du tombeau d'Ezra, un scribe juif qui retourna à Jérusalem au Ve siècle avant J.-C. « Nous ne faisons pas de différence entre les prophètes. Ezra était un fils d'Israël, mais les musulmans visitent son mausolée », dit-il.
Dans la ville de Kirkouk (Nord), les juifs devaient grimper vers la citadelle vieille de 4 600 ans pour gagner la tombe de Daniel, devenue un mausolée islamique. « Musulmans, chrétiens et juifs s'y recueillaient le samedi car c'était un prophète juif », explique le chef des antiquités de Kirkouk, Ayad Tariq Hussein, un Turcoman. « Mon père me parlait du moukhtar (chef de quartier) juif Shlomi qui venait chaque semaine avec ses amis faire un don au mausolée. Leur départ nous a laissé un grand vide », assure Ghazi Mohammad Saleh, un pharmacien de 66 ans dont la famille garde la clé de la citadelle depuis 1 400 ans.
« On répète souvent que New York est une ville juive, mais je pense que l'on peut dire la même chose de Bagdad durant la première moitié du XXe siècle », écrit Nissim Rejwan. Dans son livre Les derniers juifs de Bagdad, ce juif irakien, qui a quitté son pays en 1948 à l'âge de 26 ans pour Jérusalem, raconte que les marchés de la capitale fermaient le samedi, jour de repos des Israélites. Avant l'exode, ils représentaient un tiers de la population de Bagdad et jouaient un rôle majeur dans la vie politique, économique et culturelle du pays. Aujourd'hui, il ne reste à Bagdad que six juifs, tous âgés, selon l'Agence juive.
Les départs ont culminé avec la naissance d'Israël en 1948, la première guerre israélo-arabe et l'opération Ezra et Néhemie, un pont aérien en 1951 pour faire partir 120 000 juifs, soit 96 % de cette population, vers Israël. Pour ceux qui sont restés, la vie s'est dégradée au gré des guerres israélo-arabes et de la situation chaotique de l'Irak. Les derniers ont fui les violences interconfessionnelles après l'invasion de 2003.
Le gouvernement réalise aujourd'hui le potentiel touristique de leurs trésors culturels. « S'ils (les juifs) viennent avec l'accord du gouvernement, ils sont les bienvenus, mais à condition que ce soit seulement pour une visite », lance Falah Abdelhadi, chargé de la rénovation du mausolée d'Ezéchiel.

Joseph KRAUSS (AFP)
Il y a 60 ans, la quasi-totalité de la communauté juive d'Irak quittait ce pays où elle avait vécu 2 500 ans, mais les vestiges religieux qu'elle a laissés sont toujours visités par les musulmans et les chrétiens. À Kifl, au sud de Bagdad, le mausolée d'Ezéchiel, un prophète juif qui suivit son peuple en exil...

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