Rechercher
Rechercher

Liban - Analyse

Les temps de la politique

Un vent de panique souffle ces jours-ci sur une partie de l'électorat du 14 Mars. Le maître mot est : démobilisation. Les coupables désignés sont les chefs de file de l'alliance, accusés de regarder chacun de son côté, de se quereller entre eux, de vider la révolution du Cèdre de sa substance, voire dans certains cas de retourner leur veste.
L'impatience de l'opinion est, en politique, une donnée première : il faut en tenir compte et s'efforcer, tant bien que mal, d'en gérer les manifestations, y compris les coups de colère - compréhensibles et parfois salutaires - des gardiens du Temple.
Sauf que la politique ne s'accommode guère d'impatience et encore moins de panique. Tout comme elle se conjugue difficilement avec l'angélisme. Elle fonctionne selon une mécanique infiniment subtile dans laquelle plusieurs paramètres se croisent, s'entrechoquent, s'épousent, s'annulent parfois, jusqu'à déboucher sur un produit fini qui est, forcément, une sorte de compromis.
La politique a ses temps, ses saisons aussi dissemblables que celles de la nature. Un processus électoral passe par diverses phases obéissant, chacune, à une logique propre, ce qui implique à chaque fois une approche différente de la part des acteurs.
Pour un scrutin qui se déroule en juin 2009, un protagoniste politique ne peut pas adopter, dès septembre 2008, une posture tactique et la maintenir inchangée jusqu'à l'échéance. S'il le faisait, il se verrait doubler par tout le monde, alliés comme adversaires, et se retrouverait, le jour venu, Gros-Jean comme devant.
Certes, cet acteur est censé avoir un objectif unique, celui de remporter les élections pour son camp et pour sa cause. Sauf que dans les limites de ce cadre général, il y a une multitude de considérations importantes qu'il devra prendre en compte dans l'intervalle : comment assurer les meilleures conditions pour sa propre formation, quel critère privilégier pour le choix des candidats, quelle attitude prendre envers les indépendants, jusqu'où ne pas aller dans le discours polémique pouvant mettre à mal la sécurité, etc.
Il existe, au sein de l'électorat du 14 Mars, deux catégories d'électeurs : ceux qui sont liés, directement ou indirectement, à une formation, un courant ou un zaïm déterminé, et ceux qui n'ont aucune attache de ce genre et sont simplement restés fidèles aux options politiques de la révolution du Cèdre. Lesquelles - il serait honnête de l'admettre - sont désormais combattues dans les faits par ceux qui ont déserté le 14 Mars.
En gros, on se doute que la première catégorie n'est pas vraiment touchée par la démobilisation. Dans une large mesure, ce sont des électeurs qui suivent le chef un peu partout dans ses pérégrinations et sont prompts à justifier ses états d'humeur, ses surenchères ou, au contraire, son profil bas.
La seconde, en revanche, a naturellement tendance à se sentir bernée dès qu'elle s'aperçoit que les responsables politiques censés défendre sa cause ont l'attention prise par d'autres considérations, qu'elle considère comme triviales. D'où ce sentiment de frustration, de colère et de démobilisation dans ses rangs.
Le problème vient essentiellement des failles du système électoral libanais qui ne tient compte ni du nécessaire calendrier du processus électoral ni de l'opération de filtrage des candidatures.
Au Liban, il n'existe aucun mécanisme prévu qui corresponde à ce qu'on appelle des primaires. Or celles-ci, même lorsqu'elles ne sont pas officialisées, sont un passage obligé dans tout scrutin démocratique. Avant de penser à battre l'adversaire, il est impératif de régler les inévitables rivalités au sein d'un même camp, mais aussi de filtrer les candidats en fonction notamment de leurs sensibilités politiques particulières et, surtout, de leur aptitude à l'emporter.
Dans la plupart des États démocratiques, ce filtrage intervient au sein des partis politiques bien structurés qui accordent leur investiture à des candidats à la suite d'un processus intérieur plus ou moins démocratique. À cela s'ajoutent, dans certains pays, des opérations prévues dans le cadre du système électoral, comme l'organisation d'un premier tour.
Imaginons que l'on dote le Liban du même mode électoral que la France, à savoir la majoritaire uninominale (une circonscription = un siège) à deux tours. Cela permettrait de faire l'économie de la foire d'empoigne à laquelle nous assistons actuellement à l'intérieur du 14 Mars comme au sein du 8 Mars, tout en renforçant la démocratie électorale. Car au lieu que le choix entre deux candidats du même camp qui se disputent un siège ne soit laissé à l'arbitraire d'un chef de file, ce serait alors aux électeurs du premier tour de trancher, sachant ainsi que le second est censé mettre face à face le candidat le plus populaire du camp A et son homologue du camp B.
Un premier tour aurait surtout l'avantage de réduire le champ des manœuvres politiciennes préélectorales qui rendent nos hommes politiques si détestables à nos yeux. Il permettrait aussi au candidat, puis au député de base de se libérer dans une certaine mesure de l'emprise du chef.
Il reste qu'avec ou sans primaires, cela signifie que cette foire d'empoigne a une limite dans le temps. Dès lors que les joueurs ont fini de caser leurs pions, la partie - la vraie - peut commencer. Théoriquement, la semaine du 7 au 14 avril devrait être cette limite, puisqu'il s'agit de la clôture du délai de dépôts des candidatures, puis de celui des retraits. En fait, les manœuvres latérales « démobilisatrices » pourraient encore se poursuivre jusqu'au moment où les listes seront fin prêtes et officiellement annoncées. C'est alors que les deux grands camps en présence se chargeront - assez facilement d'ailleurs - de rappeler les troupes à l'ordre et d'entamer le pugilat de la dernière ligne droite.
Gageons que dès les premiers duels violents, la phase actuelle de coups fourrés latéraux ne sera plus qu'un vague souvenir.
Un vent de panique souffle ces jours-ci sur une partie de l'électorat du 14 Mars. Le maître mot est : démobilisation. Les coupables désignés sont les chefs de file de l'alliance, accusés de regarder chacun de son côté, de se quereller entre eux, de vider la révolution du Cèdre de sa substance, voire dans certains cas de...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut