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Nos Lecteurs ont la Parole

Les mythes fondateurs du CPL


Jihad MOURACCADEH
Pardonnez-moi, M. Garaudy, d'avoir paraphrasé le titre d'un de vos ouvrages pour une cause somme toute modeste. M. Nicolas Sehnaoui, usant de son droit de réponse à un article qu'il avait jugé diffamatoire, a trouvé utile de transformer sa réponse en un manifeste politique (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 26 mars 2009). Il a par conséquent ouvert la voie aux nombreuses critiques, auxquelles il s'attendait d'ailleurs. Pour ma part, je m'attacherais à dénoncer les contrevérités contenues dans cette réponse et à relever par extension d'autres mythes qui sont à la base du mouvement aouniste.
La souveraineté d'abord. Croyez-vous sérieusement que c'est le CPL qui a assuré la victoire de la souveraineté ? Il a certes combattu à côté d'autres dans une vaine bataille, mais ceux que vous appelez les retardataires et qui ont rejoint la bataille de la souveraineté ont payé le prix du sang. Et c'est grâce à ce prix et à la résolution 1559, qui a suivi la prorogation du mandat du président Lahoud, en réponse á la brutalité de cette décision imposée, que le régime syrien a été oblige de retirer ses troupes du Liban. Dans ce combat, le rôle du CPL était inexistant. Le général a débarqué le 7 mai 2005 pour cueillir le fruit du combat des autres, qui sont tombés pour la souveraineté, comme Rafic Hariri et Bassel Fleyhane, et ceux qui ont survécu à l'acharnement de violence comme Marwan Hamadé. Les vrais bénéficiaires de l'accord de Taëf, et qui avaient manifesté le 8 mars pour remercier les troupes syriennes, sont vos propres alliés aujourd'hui, auxquels étrangement vous ne reprochez pas leur soutien à la cause que vous combattiez.
Il est inutile de répéter que la Syrie s'est retirée et que la souveraineté a été restaurée. Encore un mythe. Vous savez parfaitement que ce n'est pas le cas du moment que des groupes armés palestiniens, armés et financés par la Syrie, maintiennent des bases a l'extérieur des camps, dans une grave entorse a la souveraineté libanaise. Faut-il ajouter que la Syrie continue à faire fi de la souveraineté en envoyant des armes au Liban et le secrétaire général de l'ONU lui-même a dénoncé, dans de nombreux rapports au Conseil de sécurité, ces entorses à la souveraineté libanaise. Entorses tout aussi graves que le survol des avions israéliens. Cela sans oublier que la Syrie continue de refuser de délimiter les frontières avec le Liban dans la zone de Chebaa qui vous tient à cœur.
Vous dénoncez la volonté hégémonique de vos camarades du 14 Mars. Cela aussi est un mythe. Vous n'êtes pas sans savoir que des négociations ardues ont eu lieu avec le CPL pendant les semaines qui ont précédé les élections. De l'avis de M. Gebran Bassil, cadre du CPL, qui participait à ces négociations, celles-ci ont buté sur le nombre de sièges à octroyer au CPL. C'est du moins ce qu'il avait affirmé à L'Orient-Le Jour en mai 2005. Les partis membres du 14 Mars avaient proposé 12 sièges au CPL. Celui-ci exigeait bien plus, et en particulier de nommer des candidats druzes, ce que Walid Joumblatt refusa. Résultat : le CPL a obtenu 14 sièges. Si vous estimez qu'offrir 12 sièges au CPL constitue une attitude hégémonique, je vous répondrai que l'hégémonie vient de celui dont les exigences ne pouvaient être satisfaites. L'unité de la nation au moment de la libération exigeait un effort d'union de la part du CPL. Refusant l'unité manifestée par l'accord des forces du 14 Mars et du 8 Mars qui l'invitaient à les rejoindre, le CPL préféra fragiliser le Liban au nom de ses ambitions politiques excessives.
Dans le même ordre d'idées, faut-il vous rappeler que, contrairement à ce que vous avancez, le CPL n'a pas été exclu de la négociation sur la formation du gouvernement, au contraire. Dans un souci d'unité et malgré les désaccords électoraux, le Premier ministre désigné, M. Fouad Siniora, a poursuivi en juillet 2005, et durant plusieurs semaines, les négociations avec le CPL. Ce sont les exigences exorbitantes du général Aoun - cinq ministres dans un cabinet de trente - qui ont fait capoter ces négociations. Encore un mythe qui occulte l'intransigeance du général Aoun et passe sous silence les efforts d'ouverture vers le CPL de la part de ceux qui avaient remporté les élections
Passons sur le Conseil constitutionnel dont la nomination des membres avait été retardée une première fois par suite de la crise politique créée par vos alliés d'aujourd'hui quand ils se sont retirés du gouvernement pour protester contre le transfert du dossier de l'assassinat de Gebran Tuéni à la commission d'enquête de l'ONU et une deuxième fois en juillet 2006 quand votre allié, le Hezbollah, procéda à l'enlèvement des soldats israéliens, menant à la guerre avec Israël. Une troisième fois enfin quand votre allié, le président de la Chambre Nabih Berry, ferma les portes du Parlement, empêchant entre autres les nominations au Conseil constitutionnel. Le CPL est par conséquent mal fondé de se plaindre de l'absence de ce Conseil visant à statuer sur ses recours à propos des élections. En l'absence d'un avis ferme du Conseil constitutionnel sur la validité de la requête du CPL, préjuger de la décision du Conseil en déclarant que ces sièges ont été subtilisés comme si c'était une vérité acquise relève aussi du mythe.
Vous déclarez que le CPL a soutenu la communauté chiite dans son ensemble face à une tentative visant à la marginaliser. Pourquoi critiquez-vous alors l'alliance des parties du 14 Mars au moment des élections de 2005 avec Amal et Hezbollah? Le CPL considère-t-il sérieusement que l'alliance avec cette communauté est acceptable uniquement quand il signe un document d'entente avec le Hezbollah, mais ne l'est pas quand les partis du 14 Mars signent avec cette même communauté la déclaration gouvernementale ? Vous oubliez au passage de mentionner que ce sont les représentants de cette communauté au sein du gouvernement qui ont suspendu leur participation au gouvernement en décembre 2005 à la suite de l'assassinat de Gebran Tuéni. Rien à voir avec une tentative de marginalisation de cette communauté. Encore un mythe.
Je note au passage que le soutien opportuniste du CPL à la communauté chiite - le général Aoun aspirant à la présidence - , a permis au Hezbollah, grâce au document d'entente, d'utiliser le Liban comme base pour servir des intérêts régionaux, ce que vous dénoncez par ailleurs dans une autre partie de votre réponse en ce qui concerne la Syrie. Vous refusez que le Liban serve de base contre le régime syrien, mais acceptez qu'il soit utilisé comme base pour promouvoir les intérêts de la Syrie et de l'Iran. Comment le CPL a-t-il pu opérer un virage à 180 degrés en l'espace de dix mois ? Le général Aoun avait alors déclaré à Paris, le 14 mars 2005, que les armes du Hezbollah devraient être rangées maintenant que le Liban a été libéré de toutes les forces d'occupation et qu'il ne saurait y avoir qu'une seule force armée relevant de l'État. Dix mois plus tard, le général Aoun découvrait soudain qu'il y avait des fermes de Chebaa occupées, des prisonniers libanais dans les geôles israéliennes, que le Liban était menacé par Israël et que par conséquent les armes de la Résistance étaient nécessaires pour faire face à cette situation.
Cela pour conclure sur Achrafieh et le mythe que « c'est grâce à notre effort et à notre entêtement qu'elle pourra choisir elle-même, pour la première fois depuis 1972, ses représentants ». Vous savez bien, M. Sehnaoui, que cette information est incorrecte. Le découpage de Beyrouth visant à revenir à la loi de 1960, était déjà discuté en 2005 par le gouvernement Karamé et Rafic Hariri a été assassiné au moment où il en débattait au Parlement. À Doha, le général Aoun a voulu, pour des raisons électorales, rattacher Medawar à Achrafieh pour bénéficier du poids des électeurs du Tachnag, ne pouvant faire élire ses représentants sans cet appui crucial. Il a fallu la dextérité politique de Michel Murr pour faire capoter le projet du général en retirant Medawar et son fort électorat arménien de Beyrouth 1 pour le rajouter à Beyrouth 2. Encore une fois, le CPL, qui propage ces mythes, fait montre d'une mémoire sélective oubliant que ce sont ceux qui soutenaient ses propres allies du 8 Mars qui refusaient a Achrafieh la vraie représentation.
Par ailleurs, comment peut-on honnêtement solliciter les suffrages des électeurs de Beyrouth 1, dont la majorité des électeurs chrétiens sont orthodoxes, et accepter comme colistier orthodoxe un homme écarté à Marjeyoun-Hasbaya pour faire place au candidat d'un parti, le PSNS, qui n'a cessé de combattre ceux-là mêmes dont vous sollicitez les suffrages ? Cela sous le prétexte fallacieux que Beyrouth 1 n'a pas de candidats orthodoxes dignes de la représenter. Croyez-vous sérieusement pouvoir mettre dans la balance l'héritage politique de Gebran Tuéni, un des pères fondateurs du mouvement de libération du 14 Mars, que vous souteniez alors, face à un candidat qui ne pense qu'à accommoder un des piliers du 8 Mars que vous combattiez ? Le général Aoun peut se permettre de nombreuses entorses à la réalité. Il a fondé sa vision politique sur des mythes montés de toutes pièces pour satisfaire ses ambitions personnelles. Comment pouvez-vous entamer votre carrière politique, qui jouit d'un héritage prestigieux à Beyrouth 1, en la fondant sur de telles contradictions ?
On ne peut que respecter les opinions politiques des uns et des autres si elles sont fondées sur la réalité, mais pas quand elles sont fondées sur des mythes. Il se fait, M. Sehnaoui, que les électeurs de Beyrouth 1 sont bien informés.

Jihad MOURACCADEH
Consultant
Pardonnez-moi, M. Garaudy, d'avoir paraphrasé le titre d'un de vos ouvrages pour une cause somme toute modeste. M. Nicolas Sehnaoui, usant de son droit de réponse à un article qu'il avait jugé diffamatoire, a trouvé utile de transformer sa réponse en un manifeste politique (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 26 mars 2009). Il a par...

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