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Liban - Éclairage

TSL : un code de procédure fait sur mesure

Comme annoncé, le code de procédure organisant le fonctionnement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) vient d'être publié, dans le strict respect des délais prévus à cette fin. Les juges affectés au tribunal ont vraisemblablement mis les bouchées doubles pour finaliser ce qui sera désormais considéré comme la « bible » du TSL, soit les instruments juridiques nécessaires en base desquels fonctionnera l'instance internationale.
Selon les avis recueillis auprès de spécialistes, le document publié par le président du tribunal est on ne peut plus « pragmatique », « intelligent » et « parfaitement adapté à la situation », voire même « digne d'être donné en exemple en matière de droit international ». Le texte n'a toutefois pas manqué de soulever quelques critiques, suscitées notamment par les paragraphes 4 et 5 figurant dans la déclaration du juge Antonio Cassese.
Certes, il s'agit d'impressions générales moissonnées à l'issue d'une première lecture d'un document qui semble de prime abord se soucier de « l'impartialité », de la « neutralité » et de « l'efficacité » du tribunal, comme le relève le texte à plusieurs endroits.
« Agréablement surpris », comme il dit, le ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, fait remarquer que le code de procédure « tient compte des dernières données acquises en matière de principes directeurs du procès équitable ». Et pour cause, ajoute le ministre : « Il est très soucieux du droit de la défense, tout en étant tourné vers l'efficacité au moindre coût. »
Abondant dans le même sens, Akram Azouri, avocat de l'ancien directeur de la Sûreté, le général Jamil Sayyed, détenu dans le cadre de l'affaire Hariri, rend hommage aux juges du TSL, estimant que le code de procédure du TSL « fait honneur aux Nations unies », car, dit-il, il est de loin « meilleur que les tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda, le Cambodge et l'ex-Yougoslavie ». Selon lui, ce document « a merveilleusement su trouver un compromis entre le politique et le judiciaire, et ce dans l'intérêt de la justice ».
L'avocat justifie ces propos par le fait que dans plusieurs de ces articles, le code « a ménagé les considérations politiques du gouvernement libanais sans porter préjudice au droit de la défense ».
Se disant tout à fait rassuré, l'avocat se réjouit en outre de « la création d'un poste de chef de bureau de défense qui est à égale position avec le procureur » et qui pourra « s'assurer que la défense de tout accusé est effectuée dans les meilleures conditions ».
Le juriste salue au passage l'article 107 qui concerne notamment les quatre officiers détenus, en soulignant que le délai « relativement court » de 14 jours imparti au gouvernement libanais « empêche tout atermoiement à des fins politiques ».
Selon M. Azouri, le procureur devra sans tarder donner au juge de mise en accusation son avis sur la poursuite de la détention ou, au contraire, son feu vert à la relaxe des officiers. « Il reviendra donc au juge de mise en accusation de décider, conformément à l'article 102, des mesures à prendre à l'égard des détenus », précise-t-il.
Mais l'intérêt de ce document inédit ne s'arrête pas là et « l'originalité » de certaines procédures réside notamment au niveau des « mesures alternatives à la détention » et de la « protection des intérêts de la sécurité nationale », prévoyant certaines pondérations adaptées au contexte juridico-politique entourant l'affaire Hariri.
Il s'agit notamment des mesures permettant à un accusé, qui ne s'est pas livré au tribunal, de demeurer en liberté durant toute la durée du procès (article 103). L'article 105 permet par ailleurs à tout accusé, à partir de son lieu de résidence, d'assister et de prendre part à une audience par voie de vidéoconférence sans avoir à se déplacer vers La Haye. Autant d'innovations qui permettent d'éviter les jugements par défaut et « l'exploitation politique de la comparution de n'importe quel accusé alors que le jugement définitif pourrait l'innocenter », précise M. Azouri.
Pour M. Najjar, ces mesures tiennent compte du souci du pays hôte de ne pas s'encombrer de certaines détentions qui pourraient avoir des répercussions lourdes sur le plan sécuritaire. « Le but est d'assurer en quelque sorte un "sanctuaire" pour les accusés, les abritant pour le compte du tribunal. » « Ce sont autant de mesures pragmatiques et intelligentes qui assurent le bon fonctionnement du TSL sans exposer pour autant le pays d'accueil », précise le ministre.
Expert en droit international et enseignant à l'USJ, Hady Rached relève que cette mesure est d'autant plus insolite que « nous nous trouvons devant une juridiction pénale qui admet la comparution d'un accusé à distance. Or, cette mesure s'écarte du code de procédure pénale libanais qui, en matière de crime, exige la comparution de l'accusé ».
Commentant la possibilité pour un accusé de comparaître devant le TSL « muni d'un sauf-conduit », l'avocat précise qu'il s'agit d'une « demi-mesure de justice ».
Et de s'interroger : « Comment fera-t-on par la suite pour rattraper l'accusé si sa culpabilité se confirme ? »
Ce à quoi un observateur répondra : « À l'impossible, nul n'est tenu. » D'où le choix fait par le TSL de « faire avec les moyens de bord », relève cette source.
Il n'y a aucun doute que l'expérience d'un Omar el-Béchir, dont l'arrestation est devenue quasi impossible malgré le mandat d'arrêt international émis contre lui, a sans doute inspiré les juges du TSL dont l'objectif premier est, de toute évidence, « l'efficacité ».
Il n'est point besoin par ailleurs de méditer longuement pour comprendre que « ces mesures alternatives à la détention », tout comme le paragraphe portant sur la « protection des intérêts nationaux », servent à ménager la chèvre et le chou et à trouver une issue réaliste concernant les États tiers et les parties « récalcitrantes ».
Rappelons au passage que la Syrie avait à plusieurs reprises invoqué l'impératif du respect de la souveraineté nationale et annoncé, a priori, qu'il reviendra à Damas de juger d'éventuels accusés syriens.
Ces mesures aménageraient en outre une issue de sortie à certains individus occupant des postes sensibles qui les empêcherait de comparaître devant la juridiction internationale, tels que de hauts officiels au sein du Hezbollah, ou même certains responsables libanais ou autres.
Comme annoncé, le code de procédure organisant le fonctionnement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) vient d'être publié, dans le strict respect des délais prévus à cette fin. Les juges affectés au tribunal ont vraisemblablement mis les bouchées doubles pour finaliser ce qui sera désormais considéré...
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