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Liban - Analyse

Élire ou ne pas élire…

Remporter la victoire aux élections législatives est, pour tous les protagonistes, un objectif naturel autant qu'important ; nul ne le contestera. Mais pour la société libanaise dans son ensemble, un raffermissement de la démocratie à l'occasion d'un scrutin est une nécessité encore plus essentielle.
On connaît les limites de la démocratie libanaise, les causes structurelles et conjoncturelles qui l'empêchent de s'épanouir. Pour une grande partie des Libanais, quelle que soit la couleur de l'étendard politique qu'ils brandissent, les imperfections, les failles viennent d'en haut : le système ne fonctionne pas, la classe politique n'est pas à la hauteur, la loi électorale est mauvaise, le confessionnalisme pourrit la vie politique, nous sommes gouvernés par des mafias, etc.
N'entend-on pas de nombreuses personnes dire souvent qu'elles ne prendraient pas la peine d'aller voter, puisque, de toutes les manières, cela ne changerait rien ?
Mais est-on vraiment sûr que le rôle de l'électeur se résumera toujours à être le spectateur impuissant de la médiocrité ambiante ? Ou, pour poser la question autrement, son comportement ne contribue-t-il pas, d'une certaine façon, à perpétuer cette médiocrité ?
Vue dans son ensemble, la classe politique est le reflet fidèle de la société. Tous les défauts que l'on reproche aux responsables pullulent dans les rangs de la population. Pour les corriger, il est impératif que le citoyen ordinaire corrige d'abord son propre comportement dans ce qui constitue l'acte fondateur de la vie démocratique, c'est-à-dire le vote.
La loi électorale en vigueur est mauvaise : tout le monde est d'accord là-dessus. Mais en dépit de ce qu'en disent les hommes politiques qui critiquent aujourd'hui cette loi après y avoir souscrit, elle est certainement moins mauvaise que toutes les législations qui l'ont précédée depuis 1992 : le mode de scrutin adopté est resté le même et il pèche par de nombreux défauts, mais le découpage des circonscriptions est incontestablement moins injuste, car plus équilibré, que ceux de 1992, de 1996 et de 2000.
Nabih Berry est l'un de ces hommes politiques mécontents. Après avoir outrageusement bénéficié, comme d'autres, des découpages monstrueux pratiqués précédemment, il s'en prend à la loi actuelle sous prétexte qu'elle souffre d'un caractère trop confessionnel. Et il en conclut qu'à l'ombre de cette loi, le scrutin du 7 juin sera « moins qu'ordinaire ».
L'argument est fallacieux car, dans la mesure où le président de la Chambre ne s'est pas montré aussi contestataire lors des précédents scrutins, il tend à suggérer qu'à ses yeux, un découpage électoral est d'autant plus « confessionnel » qu'il est moins injuste pour les chrétiens.
En réalité, il est clair que les motivations de M. Berry sont ailleurs. À l'instar de son allié Hassan Nasrallah il y a une dizaine de jours, il s'emploie essentiellement à « relativiser » d'ores et déjà l'importance des résultats des élections, et donc à se donner les moyens d'imposer le tiers de blocage au profit du perdant au sein du gouvernement qui en sera issu.
Mais, en dernier ressort, c'est aux électeurs et à eux seuls qu'appartiendra la décision de faire des élections du 7 juin un scrutin « moins qu'ordinaire » ou, au contraire, « extraordinaire » : une participation au vote à 60 % des inscrits façonnerait une démocratie qui n'est pas du tout la même que celle qui serait générée par une participation à 30 %. Car à 60 % on peut corriger dans une certaine mesure les défauts de la pire loi électorale, alors qu'à 30, on dévoierait la meilleure.
Une participation massive des électeurs a aussi un impact sur bien d'autres plans, à commencer par le poids des chrétiens sur la vie politique du pays. A-t-on vraiment le droit de reprocher aux leaderships musulmans de chercher à marginaliser les chrétiens lorsque le taux de participation de ces derniers dans certaines circonscriptions est en deçà de la moitié, voire souvent du quart, non pas des inscrits, mais des résidents en âge de voter ?
L'électeur chrétien pourra se plaindre d'être marginalisé, mais seulement une fois qu'il aura rempli son devoir et placé un bulletin dans l'urne. Qu'il vote pour qui il veut, mais qu'il vote. C'est par là qu'il commencerait à affirmer sa présence.
D'autre part, qui peut douter qu'une participation massive au scrutin de la frange de la population qui n'est pas tributaire d'attaches claniques ou tribales, ou qui l'est dans une moindre mesure, aurait des conséquences bénéfiques sur le fonctionnement de la démocratie ?
Enfin, et c'est peut-être le plus important, par leur participation, les électeurs sont en mesure de corriger quelque peu les turpitudes électorales - nombreuses ces jours-ci - des hommes politiques de tous bords.
On ne le dira jamais assez : l'État libanais ne pourra se construire que par le bas.
Remporter la victoire aux élections législatives est, pour tous les protagonistes, un objectif naturel autant qu'important ; nul ne le contestera. Mais pour la société libanaise dans son ensemble, un raffermissement de la démocratie à l'occasion d'un scrutin est une nécessité encore plus essentielle.On connaît les limites de la...
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