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Économie - Liban - Finances

Le déficit budgétaire est structurellement inhérent au système libanais, affirme Bifani

Dans le cadre d'un colloque sur la réforme budgétaire, le directeur général du ministère des Finances a évoqué les problèmes de forme et de fond qui entravent l'amélioration des conditions budgétaires.
L'Institut Bassel Fleyhane a tenu hier la séance finale de son cycle de conférences organisé sous le thème des « défis de la réforme des mécanismes du budget du gouvernement ». Le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, et le secrétaire général de l'Association des banques du Liban (ABL), Makram Sader, se sont exprimés lors de la conférence à laquelle ont assisté un parterre d'académiciens et de responsables officiels.
Dans son intervention, Alain Bifani a passé en revue les principales défaillances et caractéristiques du mécanisme d'élaboration du budget, exposant les grandes lignes de la réforme préparée par son ministère en la matière.

Des carences institutionnelles
Après avoir défini le budget comme étant « une image globale et complète de l'action et projets de l'État pendant un an », Alain Bifani a noté que « la composition du système libanais entrave la prise de décisions majeures ». « Par conséquent, il est très difficile de modifier en profondeur les stipulations du budget ou d'élaborer de nouveaux projets, a-t-il ajouté. De plus, l'État est incapable d'appréhender son action dans sa globalité. Il en résulte que de nombreuses dépenses et recettes sont extrabudgétaires. Enfin, il est pratiquement impossible pour le gouvernement de définir et de respecter des priorités car le budget prévoit des dépenses importantes dont l'efficacité est faible. Satisfaire toutes les parties rend impossible d'honorer les priorités faute de pouvoir définir des plafonds de dépense. »
Pour le directeur général du ministère des Finances, « le déficit budgétaire est organique, structurellement inhérent au système actuel et il est impossible de le rationaliser ».

Un contrôle défaillant
Alain Bifani a en outre expliqué que « le ministère des Finances ne peut être transformé en superministère nanti d'un droit de veto face aux différentes sollicitations engendrant des dépenses supplémentaires ». « Seul le gouvernement peut rejeter aujourd'hui des demandes de ce type, a-t-il poursuivi. Mais comme tous les blocs parlementaires y sont représentés, cela réduit sa marge de manœuvre en la matière. Cela porte également atteinte au pouvoir de surveillance et de contrôle du Parlement. D'ailleurs, la Chambre n'a jamais rejeté un budget gouvernemental depuis la création du Liban. »
« De plus, la Cour des comptes tout comme le Parlement ne procèdent qu'à un contrôle préalable du budget, a-t-il ajouté. Pourtant, un contrôle des résultats, a posteriori, serait bien plus efficace. »
Évoquant les grandes lignes caractéristiques du budget, Alain Bifani s'est penché en premier sur les ressources humaines du secteur public. « L'État a 124 000 fonctionnaires, dont 32 % se trouvent au sein de l'armée, 20 % au sein des forces de l'ordre, le reste se trouvant dans l'éducation nationale et l'administration civile, a-t-il précisé. Le problème de la fonction civile est une question de productivité et non de nombre de salariés, a-t-il ajouté. Les salaires représentent 33 % des dépenses budgétaires en 2009 soit quelque 5 224 milliards de livres. Il est nécessaire de reconsidérer les échelons de salaires pour mettre un terme à certaines disparités qui éloignent le public de la Fonction publique. Il faut également renforcer la surveillance et le contrôle bien que certaines administrations échappent à toute forme d'inspection. »
Quant aux institutions et compagnies publiques, le directeur général du ministère des Finances a souligné que le Liban n'a jamais défini le rôle de son État dans l'économie. « L'État est-il créateur d'emplois, gérant de compagnies, un simple surveillant ? s'est-il interrogé. Est-ce que certaines compagnies publiques sont provisoirement entre les mains de l'État ? Certains services devront-ils continuer à être fournis par des institutions sous contrôle étatique ? »

Redistribution et déficit
Alain Bifani a également souligné que « la croissance devrait ralentir en 2009 pour s'établir à 3,5 % selon les chiffres officiels ». « Les budgets ne peuvent pas ignorer les questions liés à la croissance, a-t-il lancé. Ils doivent prévoir des politiques contracycliques ».
Il a aussi estimé qu'un « déficit budgétaire conséquent empêche une redistribution efficiente des richesses ». « Le service de la dette accapare une grande partie des dépenses et entrave la redistribution, a-t-il ajouté. D'autant plus que les dépenses sociales sont assez conséquentes mais leur efficacité reste faible. »
« Quant aux recettes, elles sont en grande partie fiscales, a-t-il indiqué. Cela veut dire que les attentes du public en terme de prestations étatiques sont énormes et que tout accroissement des recettes nécessite une étude approfondie. »

La réforme
Alain Bifani a par ailleurs affirmé que son ministère a entamé une réforme du budget touchant à la fois à des questions techniques et à des éléments intrinsèques. « Nous tenterons d'établir un lien entre les dépenses courantes et les investissements, a-t-il précisé. Nous œuvrons aussi pour l'élaboration de programmes d'action par ministère pour faciliter l'évaluation des projets. Notre but est que les budgets annuels prennent en considération des projets étalés sur plus d'un an. Nous mesurerons également la productivité des administrations et tenterons de faire respecter les délais. Cela devrait inciter les administrations à élaborer des objectifs clairs, à respecter les délais et à définir des priorités à travers la fixation de plafonds de dépense. Enfin, nous mettrons en place une équipe d'analyse économique qui accompagnera l'exécution du budget. »

Sader
De son côté, Makram Sader a déploré « un système reposant sur une répartition confessionnelle débridée des ressources ». « De nombreuses dépenses étatiques sont paralégales, c'est-à-dire respectant la loi dans l'apparence, mais violant ses dispositions essentielles », a-t-il regretté.
« En tant que secteur privé, nous souhaitons que le gouvernement facilite notre tâche, a-t-il affirmé. Néanmoins, l'État est devenu un obstacle à l'investissement privé qui ne dépasse pas les 19 % du PIB. Cela plombe la croissance et la productivité du pays. »
« L'on ne saurait enregistrer un taux de croissance de 7 % tant que l'investissement privé représente moins de 30 % du PIB. Même les investissements directs étrangers s'orientent vers le secteur financier du fait de l'absence d'une véritable structure productive qui puisse drainer les capitaux », a-t-il conclu.

Ma. H.
L'Institut Bassel Fleyhane a tenu hier la séance finale de son cycle de conférences organisé sous le thème des « défis de la réforme des mécanismes du budget du gouvernement ». Le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, et le secrétaire général de...

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