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Liban

Tabbara : La démarche est plus importante que le résultat

Ancien ministre de la Justice, et sans doute l'un des plus actifs, Bahige Tabbara est aujourd'hui un député qui travaille discrètement pour les causes qu'il juge justes. Déposer des plaintes contre Israël pour ses exactions au Liban et en Palestine en fait partie. Mais, en homme réaliste, il ne se laisse pas aller à l'optimisme. Il connaît les limites de l'action collective et surtout d'une mise en cause d'Israël dans les milieux occidentaux. Mais il n'abandonne pas pour autant et c'est lui qui fournit les études juridiques à tous ceux qui souhaitent aller de l'avant.
Le sujet n'est d'ailleurs pas nouveau pour lui. En 2002, le Premier ministre Rafic Hariri lui avait demandé de préparer un dossier sur la base du massacre de Cana en 1996. En 2006, après la guerre de juillet, la question s'est posée de nouveau. Il avait ainsi présenté une nouvelle étude et, en 2009, il a adressé une lettre officielle en ce sens au président de la Chambre.
Bahige Tabbara explique qu'il existe plusieurs portes pour porter plainte contre Israël. Et si aucune n'est à négliger, celle qui ferait le plus mal à l'État hébreu, selon lui, reste la violation de la convention qui condamne le génocide, qui avait d'ailleurs été adoptée pour protéger Israël et les juifs en général.
Tabbara précise ainsi qu'il existe plusieurs instances : la Cour de justice de La Haye qui reçoit les plaintes d'un État contre un autre, le Tribunal pénal international qui traite les plaintes contre les individus et, enfin, les instances judiciaires de pays qui reçoivent les plaintes de leurs propres citoyens.
L'ancien ministre de la Justice explique que la Cour de justice de La Haye est l'instance qui peut faire le plus mal à Israël. Mais pour y avoir recours, il faut avoir signé le traité de sa formation. Or, ni le Liban ni Israël ne l'ont fait. Par contre, ils sont tous deux signataires de la convention condamnant les génocides. Le Liban peut donc présenter sa plainte par ce biais. Mais il devra alors prouver que ce qu'a fait Israël au Liban relève du génocide, ce dernier étant défini par la convention.
En 2006, les autorités libanaises avaient commencé à constituer un dossier. Tabbara avait d'ailleurs reçu une visite du chargé d'affaires de l'ambassade des États-Unis, venu s'informer des intentions libanaises. Les recherches avaient bien avancé et le ministre de la Justice voulait envoyer un magistrat avec les avocats chargés de présenter le dossier. Mais à la dernière minute, il y a renoncé et la démarche a perdu son caractère officiel. Or, c'est un État qui doit présenter la plainte devant la Cour de justice de La Haye.
À cette époque-là, le Liban avait d'ailleurs essayé de prouver le génocide en invoquant le plan israélien de déplacer les chiites du sud du pays, en détruisant des villages entiers et en poussant à l'exode des centaines de milliers d'habitants. Aujourd'hui, à Gaza, Tabbara estime que c'est plus facile, car il y a un historique d'exode forcé des Palestiniens, des scènes de destruction totale... L'intention du génocide est donc plus facile à invoquer et la guerre de Gaza devient, dans ces conditions, le couronnement d'un processus. Mais, selon Tabbara, le problème est que c'est un État qui doit déposer la plainte. Dans le cas des Palestiniens, ce devrait donc l'Autorité palestinienne, ou les pays arabes réunis. Ce qui est loin d'être évident, mais cela ne l'a pas empêché de demander au président de la Chambre Nabih Berry, qui a déjà mobilisé les Parlements arabes, d'essayer de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils agissent à leur tour.
Concernant le TPI, les individus ou les ONG peuvent déposer des plaintes, mais la décision appartient au procureur qui décide ou non de les recevoir. Le comité de suivi des ONG libanaises et palestiniennes a déjà entrepris cette démarche et, selon le Dr Mehanna, le procureur a annoncé qu'il donnera sa réponse dans les trois prochaines semaines.
La troisième voie possible est une action en justice de Libanais et de Palestiniens possédant une double nationalité. Ce fut le cas en 2006, lorsque des Libanais détenant des passeports européens avaient déposé des plaintes individuelles contre Israël devant la justice belge. Mais très vite, la Belgique a amendé sa loi pour limiter la compétence de ses tribunaux et les plaintes n'ont plus eu de suite. Aujourd'hui, des Palestiniens détenteurs de passeports espagnols ont suivi le même procédé. Reste à savoir si la justice espagnole suivra l'exemple de la Belgique...
D'autres recours sont encore possibles, notamment devant l'Assemblée générale des Nations unies, devant les associations des Droits de l'homme relevant de l'ONU ou encore devant le Tribunal de la conscience basé à Bruxelles. Mais toutes ces instances émettent des condamnations morales qui n'ont aucune portée concrète.
Toutefois, aussi bien Bahige Tabbara que Kamel Mehanna pensent que toutes ces possibilités doivent être explorées en parallèle. L'ancien ministre estime qu'il est important de créer un climat hostile à Israël au sein de l'opinion publique internationale et de profiter de la condamnation généralisée qui avait suivi la guerre de Gaza. Il ajoute que parmi les ONG qui se sont mobilisées, certaines sont juives, ce qui enlève un éventuel aspect antisémite et en même temps montre que les droits de l'homme sont une cause qui dépasse les considérations politiques.
Tabbara est ainsi convaincu que, même si l'action est longue et risque de ne pas aboutir, toutes ces démarches ne peuvent que discréditer Israël et pousser l'État hébreu à réfléchir sérieusement avant de rééditer ses attaques... Selon le Dr Mehanna, Israël a déjà mobilisé de nombreuses équipes de juristes pour mettre en échec les plaintes déposées contre lui.
La bataille n'est donc pas facile, mais nombreux sont ceux qui pensent qu'elle mérite d'être menée et poursuivie jusqu'au bout. Mais les Arabes, qui généralement s'essoufflent vite, sauront-ils faire preuve de patience pour une cause qu'ils affirment défendre ?
Ancien ministre de la Justice, et sans doute l'un des plus actifs, Bahige Tabbara est aujourd'hui un député qui travaille discrètement pour les causes qu'il juge justes. Déposer des plaintes contre Israël pour ses exactions au Liban et en Palestine en fait partie. Mais, en homme réaliste, il ne se laisse pas aller à l'optimisme. Il...

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