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Culture - Festival al-Bustan

Au diapason baroque

L'auditorium Émile Boustani était accordé ce soir-là au diapason baroque avec les ensembles italiens Voci dell'Arte et Arte dell'Arco dirigés par Frederico Guglielmo.
Le Festival al-Bustan poursuit une programmation variée, originale et de très haute tenue. Le rendez-vous musical de samedi soir a emmené l'assistance dans un voyage tridimensionnel : dans le temps (cinq siècles plus tôt), dans l'espace (Padoue, Venise et Rome) et, last but not least, dans les tréfonds de l'âme humaine tourmentée par ses passions.
Placé sous le thème de « Madrigaux d'amour et de guerre », le programme comportait en grande partie des extraits de l'œuvre éponyme de Claudio Monteverdi, mais aussi des morceaux de compositeurs de la Renaissance italienne comme Giovanni Gabrieli ou Dario Castello, Tarquino Merula et Giovanni Battista Fontana. Un programme qui pioche dans les livres pour madrigaux à cinq voix, théâtraux, complexes, souvent très émouvants et d'une sophistication miraculeuse, tout comme dans ceux pour madrigaux à une ou deux voix, plus lents et purs, et d'une beauté mélancolique hypnotisante. À signaler également un madrigal intéressant, signé Castello, où le compositeur utilise un procédé musical échafaudé par Monteverdi : le « stile concitato » (style agité). Il s'agit, pour les musiciens, de recréer la pyrrhique, qui était la base des danses guerrières de la Grèce antique. Cela exige de la part des chanteurs et des instrumentistes une exécution très rapide des notes ou des accords répétés. Par ce procédé, les fracas des épées, les étincelles qui voltigent ou encore les fanfares militaires sont retranscrits plus vrai que nature.
Il n'en reste pas moins que la soirée étaient incontestablement « Monteverdienne ». Monteverdi est considéré généralement comme le premier compositeur baroque. Né à Crémone, près de Milan, il est certainement celui qui incarne la transition de la Renaissance au baroque. Ses œuvres du début sont en effet des madrigaux de la plus pure tradition Renaissance et ses dernières pièces sont bien de type baroque. Bien qu'il n'ait pas été le premier à composer un opéra, son influence sur l'évolution de l'histoire de l'opéra est si immense qu'on le considère comme le père de cette forme musicale. Monteverdi donne au madrigal ses lettres de noblesse en menant cette forme de musique jusqu'à un point où personne avant lui ne l'avait menée.
C'est en 1638 que Monteverdi a publié son huitième livre de « madrigaux », dédié à certains membres de la famille royale autrichienne et sous-titré Madrigali guerrieri ed amorosi (madrigaux guerriers et amoureux). Ce huitième et avant-dernier livre de « madrigaux » (son dernier livre publié de son vivant, le neuvième étant édité à titre posthume) est considéré comme étant le plus complet, le plus abouti et le plus réussi de la production du maître vénitien. Dans leur totalité, les huit premiers livres de madrigaux montrent l'immense développement de la musique polyphonique de la Renaissance vers le style monodique typique de la musique baroque. Considéré comme l'équivalent profane de la cantate, le madrigal n'est rien d'autre, finalement, qu'un mini-opéra, une saynète, dont les sujets récurrents sont la guerre et l'amour, mise en musique, en chant et en scène. Le madrigal traite souvent de situations dramatiques à plusieurs personnages. Les instrumentistes de l'Arte dell'Arco ont un style « ad hoc » à cette musique : virtuosité, volubilité et folie guerrières se mêlent volontiers à la douceur et tendresse des vers amoureux. D'emblée, l'orchestre séduit par ses belles sonorités. Et conclut, en beauté, par une œuvre aussi puissante que bouleversante : Il combattimento di Tancredi e Clorinda. De forme à la fois épique et « amorosa », elle illustre le combat entre Clorinde, princesse sarrasine habillée en guerrier, et Tancrède, chevalier chrétien, tous deux amoureux. Ce madrigal est dans son essence même la parfaite synthèse entre la guerre et l'amour, la mort étant forcément au rendez-vous, en l'occurrence celle de Clorinde, blessée par Tancrède, qui découvre alors sa véritable identité.
Le Festival al-Bustan poursuit une programmation variée, originale et de très haute tenue. Le rendez-vous musical de samedi soir a emmené l'assistance dans un voyage tridimensionnel : dans le temps (cinq siècles plus tôt), dans l'espace (Padoue, Venise et Rome) et, last but not least, dans les tréfonds de l'âme humaine...

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