M. Maqdissi, qui a à son actif une cinquantaine d'articles scientifiques publiés dans des revues spécialisées ainsi que cinq ouvrages de synthèse sur l'archéologie syrienne, édités à Paris, Damas et Beyrouth, a émaillé son exposé d'une projection de diapositives et de tableaux de la stratigraphie des sites du nord du Levant, «appelé traditionnellement le Levant Nord».
Selon le conférencier, les observations archéologiques recueillies dans cette zone permettent de considérer le bronze ancien III (2650-2400) comme le début d'un important développement urbain caractérisé par des «nouvelles fondations» ou «refondations» et marqué par une organisation générale des villes et des villages sur les voies de communications reliant les installations portuaires de la côte syro-libanaise aux grands centres de la moyenne vallée de l'Euphrate, d'un côté, et les grands centres de la Syrie du Nord avec ceux de la Syrie centrale, de l'autre.
Situé aux frontières libano-syriennes, le Levant Nord comprend trois plaines qui ont joué «un rôle décisif dans la révolution urbaine du IIIe millénaire avant J.-C.»: la plaine de Jablé ; la trouée de Homs avec le site de Qatna-Mishrfeh, la plaine du Akkar et le site de Arqa.
La plaine de Jablé, où M. Maqdissi a dirigé plusieurs fouilles archéologiques, constitue un lieu «stratégique». Elle est bordée au nord par la plaine de Lattaquié et la métropole cananéenne Ougarit. Au sud, par la plaine du Akkar et le site de Arqa. À l'est, par une chaîne montagneuse. Couvrant une superficie de 20 km2 dans l'axe nord-sud et sept à dix kilomètres dans l'axe est-ouest, elle est connectée à la Syrie intérieure par la plaine de Lattaquié, d'une part, et la plaine d'Alep, de l'autre. Elle est également reliée à deux ports importants : Ougarit, en Méditerranée orientale, et Emar, sur l'Euphrate.
La plaine de Jablé est émaillée de nombreux sites archéologiques, dont deux importants, Tell Sianu (considéré comme le plus grand tell syrien après celui de Ras-Shamra) et Tell Toueini, mais aussi d'installations portuaires comme Tell Sukas, Jbeibat, Tell Darrouk, Arab el-Moulk et Moussaytbeh.
Après avoir exposé en détail la stratigraphie des différentes phases d'occupation des sites, le directeur adjoint des services des Antiquités syriennes a souligné, en substance, que les sondages réalisés et le matériel archéologique mis au jour (quartiers résidentiels et diverses constructions, dont un bâtiment administratif à Tell Sianu, des fosses, des tessons de céramique, des empreintes de sceau et des tablettes) ont révélé une «première révolution urbaine à l'époque chalcolithique (IVe millénaire avant J.-C.)». L'occupation du sol est ensuite interrompue (un niveau d'hiatus) pour reprendre sans discontinuité du bronze ancien III (2650-2400 avant J.-C.) à l'âge du bronze moyen (2000-1600 avant notre ère): c'est la «grande fondation ou re-fondation», deux phénomènes enregistrés également lors des fouilles réalisées dans la plaine du Akkar et la trouée de Homs.
En résumé, «l'aménagement urbain du Levant Nord date de 2650-2400 avant J.-C. et correspond à la deuxième révolution urbaine, qui a démarré dans l'ensemble du Proche-Orient ancien», affirme le conférencier, ajoutant que «les fondations de la plaine de Jablé sont liées à des installations maritimes (...) Des tablettes rédigées en Misru (Égypte) et Alasiya (Chypre) indiquent l'importance du rôle commercial joué par la plaine de Jablé».
Il signale, par ailleurs, que des prospections géologiques ont démontré que les centres urbains étaient connectés, depuis le IIIe millénaire, par des systèmes de communications tous les 20 km. Ce qui correspond à une journée de marche d'une caravane. D'autre part, c'est la forme circulaire qui domine dans les principaux sites, même à Byblos. Elle change radicalement du circulaire au carré au IIe
millénaire.