Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Ces femmes courageuses qui déminent le Liban-Sud Patricia KHODER

En décembre dernier, une convention pour mettre un terme à la fabrication et à l’utilisation de bombes à sous-munitions a été ratifiée à Oslo. Pourtant, plusieurs pays producteurs et utilisateurs de ces petits engins explosifs n’ont pas ratifié ce texte. Il s’agit notamment des États-Unis, de la Chine et d’Israël. Lors de la guerre de juillet 2006, le Liban-Sud a massivement été bombardé de bombes à sous-munitions. Jusqu’à présent, des équipes libanaises et internationales procèdent au nettoyage des terrains. Ces équipes comptent 24 femmes libanaises, toutes originaires des villages du Sud. Tous les matins à 6 heures 30, elles entament leur journée. Elles attendent le bus d’une organisation internationale qui les amènera sur le terrain. Une fois sur place, elles mettent des casques et des gilets et portent un matériel lourd d’une dizaine de kilos. Elles commencent leur travail, restent sur le terrain jusqu’à 14 heures 30. C’est à ce moment-là que leur journée de travail s’achève. Depuis décembre 2007, des dizaines de femmes originaires du Liban-Sud travaillent avec la UN-MACC – le Centre de coordination pour l’action contre les mines relevant des Nations unies. Elles œuvrent au nettoyage des bombes à sous-munitions dans la zone infestée. Dalya Faran responsable presse de la UN-MACC explique que ce projet a été lancé au début de 2007 par une organisation suédoise. En fait, la Swedish Rescue Service Agency, présente au Liban-Sud, a lancé l’idée partant du principe de l’égalité entre les sexes. À ce moment, il n’y avait que des hommes sur le terrain. À part le principe de l’égalité des sexes, il y avait un autre point : les nations et les agences internationales présentes au Liban-Sud aident les habitants en matière de développement durable. Commencer le recrutement de femmes et d’hommes démineurs originaires de la région consiste à former les capacités locales et à aider les locaux à avoir des rentrées financières, ajoute-t-elle. Mais avant d’aller sur le terrain pour rechercher les bombes à sous-munitions, il faut une formation de plusieurs semaines, explique Farran. Après la formation, un concours est organisé et les meilleurs sont retenus et accrédités. Quand le recrutement des femmes démineurs avait été lancé, se souvient Dalya Farran, une trentaine de femmes s’étaient présentées et avaient suivi la session. Uniquement six avaient été retenues. « Tout le monde ne peut pas devenir démineur. Il faut retenir tout le processus et avoir de la concentration par exemple », indique-t-elle. Actuellement, trois organisations travaillent avec des femmes sur le terrain : la Swedish Rescue Service Agency (Suède), la Danish Church Aid (Danemark) et la Norwegian People’s Aid (Norvège). En tout, ces agences ont recruté 24 femmes pour travailler sur le terrain. D’autres femmes ont été retenues comme chauffeurs ou secouristes. Généralement, les femmes démineurs travaillent dans des équipes mixtes. Plus méticuleuses que les hommes Seule l’association norvégienne, Norwegian’s People Aid, a une équipe constituée exclusivement de femmes. Cette équipe travaille actuellement à Tebnine. Gordan Novak, conseiller technique d’origine croate, travaille avec cette équipe depuis le mois de mai dernier. Il indique que jusqu’à présent l’équipe féminine de la Norwegian People’s Aid a nettoyé plusieurs sites à Deir Kanoun el-Nahr, Bourghlié. Il souligne que « généralement les femmes démineurs sont plus lentes au travail, notamment parce que le matériel qu’elles portent est lourd, mais elles sont plus méticuleuses, plus consciencieuses et plus concentrées que les hommes quand elles font leur travail. Elles remplissent leur tâche à fond ». L’équipe féminine de la Norwegian People’s Aid est constituée de dix personnes, dont une chef d’équipe qui a bénéficié en décembre dernier d’un voyage à Oslo, afin qu’elle présente le travail effectué au Liban-Sud en matière de nettoyage de bombes à sous-munitions, en marge de la conférence qui se tient en Norvège. Ces femmes ne le diront pas tout de suite, mais si elles ont choisi de travailler dans le déminage, c’est bien pour des raisons financières. La moitié d’entre elles sont mariées. Elles racontent qu’elles encaissent 850 dollars par mois, plus 6 000 livres par jour pour le transport, elles bénéficient également de la Sécurité sociale et d’une assurance. Il est 11 heures 30 à Tebnine, non loin d’un champ de mines, dans un bâtiment en construction, une dizaine de femmes marquent une pause. C’est le temps du déjeuner. L’ambiance est conviviale. Ces femmes sont originaires de divers villages du Liban-Sud, du caza de Tyr notamment. Certaines sont originaires de camps palestiniens de cette ville côtière. Mariam est de Bourj Chamali, Imane de Jouya, Abir du camp de Bass, Salam de Tyr, Soukeina de Maaraké, Sanaa de Deir Kanoun et Rima Ezzedine de Bourj Rahal. Toutes ont été attirées par le salaire au début et aussi par « la dimension humanitaire du déminage », indiquent-elles. Petit à petit, elles ont commencé à aimer le métier qu’elles font. Des bombes et des tortues Abir, 42 ans, indique qu’elle « aimerait suivre une session, si c’est possible, relative aux mines antipersonnel, ce qui est de loin plus difficile que le fait de trouver des bombes à sous-munitions ». Abir, qui a cinq filles, raconte en plaisantant qu’elle aimerait faire des colliers avec ces bombes à sous-munitions… « Ça peut faire très original », dit-elle. Elle indique qu’en cherchant dans la terre des bombes à sous-munitions, elle trouve surtout des tortues. « Il y a plein de tortues de toutes les dimensions », s’exclame Sanaa. Abir indique qu’elle a une fois rapporté une tortue à la maison, mais ses filles s’étaient disputées sur la garde de la petite bête, ce qui l’a poussée à libérer la tortue quelques jours plus tard… Grâce à son travail dans le déminage, Abir a pu s’acheter de nouveaux meubles et mettre des rideaux aux fenêtres. Toutes confirment que ce travail leur permet de mettre du beurre dans les épinards. « Quand je ne trouve pas de bombes dans le terrain, je retourne frustrée. C’est comme si je n’ai pas fait mon travail comme il faut », indique Imane. Elle n’est pas la seule à être de cet avis. Soukeina a 21 ans. Elle est mariée, elle a une fille et elle est enceinte au huitième mois. Elle porte des jumelles. Tous les jours, elle vient sur le site, mais ne descend pas sur le terrain. Elle reste « stand-by ». « Quand j’ai su que j’étais enceinte, j’ai raconté aux responsables, j’ai voulu quitter le boulot, mais ils n’ont pas accepté. Ils m’ont dit de venir, mais de ne pas travailler, de ne pas aller sur le terrain. Ils ont dit que je resterai avec eux, même si je n’allais pas sur le terrain, tant que mon contrat est en vigueur. Donc je suis là, j’encaisse mon salaire, mais en fait je ne travaille pas vraiment », dit-elle, toute contente. « Grâce à mon salaire, j’ai acheté des meubles pour la chambre des jumelles qui naîtront bientôt… Je me sens plus libre », dit-elle. Salam, 33 ans, fait deux métiers, démineur le matin et le soir, trois fois par semaine, elle est aide-soignante dans un hôpital de la région. C’est elle qui est responsable de sa vieille mère. Elle estime que « travailler dans le déminage du Liban-Sud constitue une autre manière de résister à Israël ». « Je suis contente, car je contribue à effacer les traces de leurs actions », indique-t-elle. Rima Ezzedine, 22 ans, vient d’une famille de 15 enfants. Elle dit qu’elle est contente de faire un métier d’homme. « Pour moi, c’est valorisant. Je prouve qu’une femme est aussi capable qu’un garçon », souligne cette jeune fille voilée. Elle parle spontanément du pouvoir qu’elle a en contribuant, avec une grosse part, à faire bouillir la marmite à la maison. « Parfois, ma mère me dit de quitter ce travail parce que c’est dangereux. Mais quand je lui remets de l’argent, elle ne fait plus de commentaires », s’exclame-t-elle.
En décembre dernier, une convention pour mettre un terme à la fabrication et à l’utilisation de bombes à sous-munitions a été ratifiée à Oslo. Pourtant, plusieurs pays producteurs et utilisateurs de ces petits engins explosifs n’ont pas ratifié ce texte. Il s’agit notamment des États-Unis, de la Chine et d’Israël. Lors de la guerre de juillet 2006, le Liban-Sud a...