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Actualités - OPINION

De bonnes nouvelles dans une mauvaise passe Par Jeffrey D. SACHS

À une époque où les unes des journaux n’évoquent que crises financières et violences, il est particulièrement important de reconnaître la créativité dont font preuve de nombreux gouvernements pour combattre la pauvreté, la maladie et la faim. Il ne s’agit pas de nous remonter le moral, mais plutôt de nous mesurer à l’une des plus graves menaces du monde : un pessimisme généralisé qui pousse à croire que les problèmes actuels sont trop graves pour être résolus. L’analyse des succès nous fournit les connaissances et la confiance nécessaires pour intensifier nos efforts communs tendant à résoudre les grands défis mondiaux d’aujourd’hui. Chapeau bas, tout d’abord, au Mexique pour avoir lancé l’idée de « transferts conditionnels en espèces » aux ménages pauvres. Ces transferts encouragent les familles à investir dans la santé, l’alimentation et l’éducation de leurs enfants. Le « Programme opportunités » mexicain, dirigé par le président Felipe Calderón, est aujourd’hui largement imité dans toute l’Amérique latine. Récemment, sous l’égide des chanteurs Shakira et Alejandro Sanz, et d’un mouvement social qu’ils pilotent, tous les dirigeants d’Amérique latine se sont engagés à intensifier leurs programmes pour le développement de la petite enfance, en se basant sur des succès qui ont fait leurs preuves jusqu’à présent. La Norvège, sous l’égide du Premier ministre Jens Stoltenberg, conserve sa tradition de leadership social et environnemental créatif. Le gouvernement a organisé une alliance mondiale pour lutter contre la mort maternelle en couches, et a investi à la fois dans la sécurisation des accouchements et dans la survie des nouveau-nés. Dans le même temps, le pays a lancé un programme innovant de 1 milliard de dollars en association avec le Brésil, incitant les communautés pauvres d’Amazonie à mettre un terme à la déforestation galopante. Très intelligemment, la Norvège n’accorde les fonds au Brésil qu’en échange de preuves que la déforestation a été évitée (et non une somme convenue). L’Espagne, sous la direction de son Premier ministre José Luis Rodríguez Zapatero, a joué un rôle moteur pour aider les pays les plus pauvres à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Elle a créé un nouveau fonds OMD à l’ONU afin de promouvoir la coopération nécessaire pour relever les divers défis des OMD. Le gouvernement espagnol a suggéré de façon très juste que de vraies solutions à la pauvreté demandent des investissements simultanés dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et des infrastructures, puis les Espagnols ont réuni des fonds pour aider à faire de cette vision une réalité. L’Espagne organisera une réunion en janvier 2009 pour lancer une nouvelle lutte contre la faim dans le monde. Une fois de plus, l’Espagne propose des moyens pratiques et novateurs pour passer du dialogue à l’action, plus particulièrement pour aider les fermiers pauvres à obtenir les outils, les semences et les engrais dont ils ont besoin pour augmenter la productivité de leur exploitation, leurs revenus et la sécurité alimentaire. Le Premier ministre australien Kevin Rudd s’est également avancé en première ligne de la résolution des problèmes mondiaux, en proposant un programme d’action audacieux pour le changement climatique ainsi que des moyens nouveaux et pratiques pour atteindre les OMD. L’Australie a mis de l’argent sur la table pour augmenter la production alimentaire, en suivant les propositions de l’Espagne. Elle défend aussi un programme d’action plus développé pour les îles pauvres et aux économies menacées du Pacifique. Ces efforts ont été rejoints par des actions entreprises dans les pays les plus pauvres. Le Malawi, pays pauvre et enclavé, sous l’égide du président Bingu wa Mutharika, a doublé sa production alimentaire depuis 2005 grâce à une initiative innovante d’aide à ses agriculteurs les plus pauvres. Le programme a été si fructueux qu’il est imité dans toute l’Afrique. Le gouvernement du Mali, sous la direction du président Amadou Toumani Touré, a récemment lancé un défi audacieux à la communauté mondiale. Le Mali souhaite augmenter ses investissements dans l’agriculture, la santé, l’éducation et les infrastructures dans ses 166 communautés les plus pauvres. Les projets sont détaillés, réfléchis, crédibles et basés sur des succès avérés déjà réalisés par le gouvernement. Le monde riche a promis d’aider le Mali, et le Mali montre le chemin avec sa créativité. Il y a bien plus d’exemples qu’il n’est possible d’en citer. L’Union européenne a lancé une initiative d’un milliard d’euros pour aider les petits exploitants agricoles. La Gates Foundation, l’Unicef, le Rotary International et de nombreux gouvernements ont réussi à réduire le nombre de décès causés par la polio à un millième de ceux de la génération précédente, poussant cette maladie au bord de l’extinction. Des efforts semblables sont en marche sur de nombreux autres fronts – le contrôle des infections par les vers et la lèpre, et aujourd’hui la tentative d’éliminer presque intégralement les décès causés par le paludisme d’ici à 2015. Tous ces succès, et de nombreux autres, s’inscrivent dans le même style de scénario. Ils s’attaquent à un problème grave et bien défini, par exemple une production alimentaire trop basse ou une maladie particulière, et se basent sur un ensemble de solutions spécifiques, comme l’équipement et les intrants agricoles dont ont besoin les agriculteurs ou des immunisations. Des projets de démonstration à petite échelle montrent comment réussir ; le défi consiste alors à adapter ces solutions à l’échelle d’un pays ou même du monde. Il faut des dirigeants, à l’intérieur des pays dans le besoin comme parmi les pays riches, qui peuvent contribuer à lancer et à financer les solutions. Enfin, de petites sommes d’argent, destinées à résoudre des problèmes pratiques, peuvent faire des différences historiques. Les mauvaises nouvelles peuvent chasser les bonnes, surtout à une époque de grave crise financière et d’agitation politique. Pourtant, les bonnes nouvelles montrent que nous perdrons la bataille contre la pauvreté et la misère seulement si nous baissons les bras et que nous ne tenons pas compte de l’intelligence et de la bonne volonté qui peuvent être mobilisées aujourd’hui. Et peut-être l’année prochaine les États-Unis rejoindront-ils l’effort mondial avec une force nouvelle et remarquable, menés par un président jeune qui a très justement dit aux Américains et au monde : « Yes, we can. » © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Bérengère Viennot.
À une époque où les unes des journaux n’évoquent que crises financières et violences, il est particulièrement important de reconnaître la créativité dont font preuve de nombreux gouvernements pour combattre la pauvreté, la maladie et la faim. Il ne s’agit pas de nous remonter le moral, mais plutôt de nous mesurer à l’une des plus graves menaces du monde : un...