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Actualités - CHRONOLOGIE

Michel Aoun aujourd’hui à Damas : une visite en deux temps, tout en symboles DAMAS, de Scarlett HADDAD

Les autorités syriennes ont mis au point les derniers préparatifs d’un séjour au cours duquel aucun détail n’est laissé au hasard et où chaque étape se veut un message symbolique. Quelle mouche a donc piqué les Syriens ? Alors que le général Michel Aoun entame aujourd’hui une visite de plusieurs jours en Syrie, les habitants ne parlent que de lui, dès qu’ils aperçoivent un Libanais. Le chef du CPL a même pris du galon, puisqu’ici il est appelé « siyadat el-général ». Depuis deux jours, l’hôtel Sheraton est transformé en fourmilière pour mettre au point les derniers préparatifs de l’accueil réservé à la délégation officielle, et même le chauffeur de taxi, qui, il y a un an, était fier de montrer qu’il avait téléchargé un discours de Hassan Nasrallah sur son téléphone portable, demande aujourd’hui aux Libanais, qu’il emmène pour des courses à travers la ville, s’ils n’ont pas par hasard un discours du général Aoun à lui donner. Celui où il attaque la Syrie peut-être ? Le chauffeur n’est même pas embarrassé. « La vérité, lance-t-il avec assurance, c’est que c’est un homme dans le plein sens du terme. Il a du courage de laisser le passé derrière lui et de tourner la page. » Pour évoquer l’ennemi d’hier, les superlatifs ne manquent pas et l’avant-garde de la délégation formée de responsables du CPL, arrivée la veille par la route, est accueillie avec les honneurs dus à une délégation présidentielle. Le salon d’honneur du poste-frontière de Jdeidet Yabous leur a été ouvert, et des voitures officielles, appartenant au service du protocole de la présidence syrienne, attendent les membres pour les emmener à leur hôtel. Pour la plupart de ces personnes, c’est la première visite à Damas. Sauf bien sûr, pour le général Fouad Achkar, qui avait effectué « un séjour forcé » de 150 jours dans la prison dite de Palestine à Mazzé. Aujourd’hui, il est accueilli en grande pompe, mais le 13 octobre 1990, il avait été emmené dans des voitures confisquées dans la région de Baabda, dont certaines portaient encore des traces de sang, avec quatre autres officiers. En principe, il s’agissait de « boire un café avec des officiers syriens ». En réalité, il a été emprisonné dans une cellule individuelle, après plusieurs escales, à Dahr el-Wahch qui ressemblait à un champ de ruines, Dhour el-Abadiyé, puis Anjar. Fouad Achkar est resté plusieurs années avant de pouvoir évoquer cette terrible expérience. Il avait été contraint à présenter sa démission de l’armée à partir de Mazzé et il a attendu longtemps avant de pouvoir porter plainte et retrouver ses droits militaires. Salué par les officiers syriens, il cache son émotion derrière ses lunettes de soleil. Il confie ensuite être venu la semaine dernière à Damas pour préparer la visite de Michel Aoun. Le premier choc est donc passé. Il ajoute que les officiers syriens ont entre-temps changé et lui ont déclaré en guise d’excuses : « Les voyous en Syrie et au Liban ont fait la guerre et pillé votre pays. Nous nous sommes maintenant débarrassés de nos voyous… » Tout est dit dans ces quelques mots. Mais le général Achkar ajoute : « Depuis 2005, nous avons tellement subi de pressions et essuyé de coups de la part de l’autorité en place, que ce que les Syriens nous ont fait subir est devenu secondaire… » Responsable de certains aspects de la visite du chef du CPL à Damas, le général Achkar va de découverte en découverte. Avec les autorités syriennes, ce n’est certes pas l’amour fou, mais il insiste sur le fait que les relations sont désormais empreintes de respect réciproque et que les Syriens veulent à tout prix montrer qu’ils ont changé. Ils font en tout cas de leur mieux pour que cette visite soit le signe de l’ouverture d’une nouvelle page avec les Libanais en général et les chrétiens en particulier. Aucun détail n’est laissé au hasard, et chaque étape se veut un message symbolique, même si aucun programme détaillé n’a été fourni et si tous les rendez-vous prévus sont sujets à modification de dernière heure, pour des raisons de sécurité. Michel Aoun n’ayant pas demandé un programme particulier, les autorités syriennes ont donc déployé des trésors d’imagination pour lui concocter une visite à tiroirs. Selon ce qui a filtré hier et qui reste officieux, celle-ci se divise en deux parties : la première est politique et comprend un accueil officiel à l’aéroport de Damas puis une rencontre avec le président syrien Bachar el-Assad. Le général Aoun doit aussi prononcer un discours à la faculté de génie à Damas, en présence d’un parterre d’académiciens, d’intellectuels et d’étudiants. Il répondra ensuite aux questions des présents et ce sera son seul discours officiel de toute la visite. Des rencontres avec des ministres et des responsables syriens sont également prévues. La seconde partie de la visite sera consacrée aux chrétiens d’Orient et ressemble à un pèlerinage sur les lieux symboliques du christianisme en Syrie. Des bains de foule sont ainsi prévus à Alep où le chef du CPL devrait visiter les églises, avant d’assister dimanche à une grande messe où fidèles et officiels sont attendus nombreux, ainsi que des chrétiens d’Irak réfugiés en Syrie. Cette deuxième partie de la visite se veut donc un message clair aux chrétiens d’Orient et une manière de montrer que la Syrie reste un foyer d’accueil pour eux. Elle vise aussi à donner une dimension spirituelle au séjour en Syrie de l’ancien Premier ministre, afin de le sortir des considérations politiques pures. Malgré la vive controverse qu’elle provoque à Beyrouth, la visite de Michel Aoun en Syrie constitue un événement aussi bien pour les Libanais que pour les Syriens. Certains en attendent des miracles, d’autres n’y voient qu’une manœuvre politique, mais l’afflux de journalistes venus pour la couvrir montre qu’elle ne laisse personne indifférent.
Les autorités syriennes ont mis au point les derniers préparatifs d’un séjour au cours duquel aucun détail n’est laissé au hasard et où chaque étape se veut un message symbolique.
Quelle mouche a donc piqué les Syriens ? Alors que le général Michel Aoun entame aujourd’hui une visite de plusieurs jours en Syrie, les habitants ne parlent que de lui, dès qu’ils aperçoivent un...