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« Et je parlerai au vent… » de Mounir Abou Debs Michel HAJJI GEORGIOU

Deux petits lampions d’ermite de part et d’autre d’une scène endeuillée. Une veilleuse qui entonne des cantiques sacrés en syriaque, comme pour transcender, par la pureté de la mélopée, une grande et indicible douleur. Un chœur, revêtu de tuniques sombres et de masques, est figé dans l’espace de la tragédie. Sont-ce des Parques, attendant le moment de trancher le fil de quelque existence maudite et arrachée prématurément à la vie ? Car au fond de cette catacombe, où règne une non-odeur incolore de mort, une jeune âme lumineuse récite sa vie, en quelque temps forts, et cette existence défile au gré des mots et des images, dans une lamentation qui se veut défiant l’espace et le temps. Qui se bat, aussi, contre l’oubli. Pas de doute, nous sommes bien dans le monde chtonien et clos, quasi impénétrable, de Mounir Abou Debs, patriarche du théâtre libanais, et de sa troupe du Festival de Freïké ; aux confins du théâtre de la Grèce antique, du surréalisme et du théâtre de l’Absurde. Un monde bien à part, abolissant toutes les frontières : la scène devient en effet ce centre de l’univers qui communique à la fois avec le monde céleste (à travers les chants de la divine Fadia Tomb el-Hage), le royaume d’Hadès et les contrées de la vie terrestre, que guette, tout au bout, l’inéluctable finitude de l’homme… Mais, pour cette adaptation très libre sur scène mercredi au théâtre Monnot – à l’initiative du comité Rami Azzam du jeune écrivain francophone – du recueil de poèmes posthume de Rami Azzam publié aux éditions de la Revue phénicienne, Désormais, je parlerai au vent, l’espoir, comme la vie elle-même, ne tient qu’à un fil. Des textes du jeune poète disparu tragiquement à 24 printemps d’une crise cardiaque en 2003, Mounir Abou Debs a surtout retenu la tragédie, la condition existentielle, la nostalgie de l’enfance à tout jamais perdue et l’horreur de la guerre libanaise. Seule la voix de la cantatrice, en correspondances invisibles avec l’Infini, rachète le poète, lui permet de trouver son salut et de s’élever par-delà l’Absurde. « Paix ; mon âme », lance-t-il dans une dernière plainte, apaisée, celle de la Délivrance.
Deux petits lampions d’ermite de part et d’autre d’une scène endeuillée. Une veilleuse qui entonne des cantiques sacrés en syriaque, comme pour transcender, par la pureté de la mélopée, une grande et indicible douleur.
Un chœur, revêtu de tuniques sombres et de masques, est figé dans l’espace de la tragédie. Sont-ce des Parques, attendant le moment de trancher le...