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Actualités - OPINION

La Constitution ? Un hymne que seul l’auteur-compositeur est en droit d’interpréter L’approche de Jean ISSA

La Constitution d’un pays composite présente, généralement, trois facettes : – une architecture organique qui structure les différents rouages de l’État. Suivant un modèle prêt-à-porter largement standard. Mais obligatoirement convenu ; – une ossature politique systémique qui définit à la fois la forme de la chose publique, la répartition des charges publiques (séparation des pouvoirs) et quelques impératifs à respecter, dits constantes, ou quelques tabous à ne pas transgresser. Principes évoqués principalement, dans notre cas propre, dans le prologue du texte (appartenance nationale et environnementale, coexistence, rejet de l’implantation des Palestiniens, etc.). Cet ensemble est en large partie conventionnel ; – une Loi fondamentale qui consacre l’État-nation et le droit. Postulat qui, coulant de source, n’a absolument rien de conventionnel. Car un pays existe ou n’existe pas. Et n’est jamais autre chose que ce qu’est sa justice. Il n’est pas tout à fait exact d’avancer que la présente Constitution libanaise est issue de Taëf. D’abord parce qu’elle n’est qu’une mouture modifiée, réformée, qui ne découle que partiellement d’un arrangement politique. Ensuite, et nous y reviendrons, sa projection nationale ne prend en compte que partiellement les préceptes de ce qui était (avant tout et après tout) un traité international ! En réalité, et par définition même, avant, pendant et après, un pacte se négocie, comme tout contrat de mariage. Alors que, par essence même, une Loi fondamentale ne se discute pas. Certes, œuvre de l’homme en sa faillibilité, la Constitution offre parfois (pondération pudique dans notre cas) des défectuosités, des manques, des imprécisions. Pour les corriger, encore faut-il les relever. Donc, comme il s’agit de failles, il faut lire entre les lignes. La logique la plus élémentaire commande que ce devoir soit assumé par l’auteur. Les analystes en droit courent toujours, comme on sait, derrière ce qu’ils appellent l’intention du législateur. Lui seul, en effet, peut éclaircir, en cas de flou, ce qu’il a projeté ou voulu dire. Interpréter la Constitution revient donc à son signataire unique, l’Assemblée nationale, et à elle seule. Le changement de législatures ne pose aucun problème puisqu’il y a principe de continuité. Dans un élan louable de vertu républicaine, constatant avec désolation le marigot, les sables mouvants, de la politique politicienne, des juristes, des moralistes en quête d’air pur, souhaitent confier à des sages le soin de faire chanter cet hymne national qu’est la Constitution. Ils proposent donc que l’Assemblée refile au Conseil constitutionnel le soin d’interpréter la Loi fondamentale. Une tendance d’autant plus facile à comprendre que cette instance a pour tâche, en cas de saisine, de considérer la constitutionnalité des lois pour en juger. Cependant, en ce faisant, elle n’interprète pas la Constitution, mais l’explique. Comme un enseignant explique aux écoliers ce qu’il y a dans leurs livres. Sans se donner le droit de traduire à sa propre guise la pensée des auteurs. D’ailleurs, et de plus, l’avis du Conseil constitutionnel peut faire, en principe, l’objet d’un appel. Et auprès de qui, s’il vous plaît ? Auprès de l’Assemblée nationale. Laquelle Assemblée, parfaitement consciente, en l’occurrence, de ses responsabilités, avait rejeté la recommandation de Taëf l’invitant à confier l’interprétation de la Constitution au Conseil constitutionnel. Répétons-le : la Constitution n’est pas le pur produit d’un pacte. Elle peut, ou non, en suivre les préceptes dans les domaines conventionnels. Mais en tant que Loi fondamentale, elle est à la fois presque sui generis, de droit divin, et suprématique. Il n’y a, en droit, que la loi internationale qui la surclasse. Faut-il rappeler que le pacte de 43 n’avait rien de constitutionnel et n’était dès lors pas écrit ? Taëf a par contre dérivé et fauté juridiquement (tout comme Doha du reste) en établissant par écrit des règles nationales sans passer par les institutions. Et la Constitution. Retour à l’expression susmentionnée en l’occurrence. Car la Chambre a fauté par la suite. Lorsqu’elle a réadoubé Addoum, après l’avoir récusé, sur ordre des Syriens. Et lorsqu’elle a laissé faire ses membres qui ont cru pouvoir déléguer au président Émile Lahoud le droit de désigner un Premier ministre. Or, il ne s’agit pas là d’une prérogative, mais d’une responsabilité, d’une mission. D’un mandat de confiance délivré par les électeurs qui, en aucun cas, ne peut être cédé à autrui par procuration. Idem, et a fortiori, pour l’interprétation de la Loi fondamentale. Dévolue, par excellence, au législateur.
La Constitution d’un pays composite présente, généralement, trois facettes :
– une architecture organique qui structure les différents rouages de l’État. Suivant un modèle prêt-à-porter largement standard. Mais obligatoirement convenu ;
– une ossature politique systémique qui définit à la fois la forme de la chose publique, la répartition des charges publiques...