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Actualités - CHRONOLOGIE

Associations Al-Kafa’at risque de réduire son aide aux handicapés Patricia KHODER

La fondation al-Kafa’at va bientôt annoncer qu’elle pourrait commencer à réduire le nombre de ses malades, en majorité des enfants aux besoins spéciaux. C’est que l’ONG ne peut plus assumer le coût des soins accordés aux malades qui devrait être partagé équitablement avec le ministère des Affaires sociales. La Fondation al-Kafa’at, créée il y a 51 ans par Nadim Choueiri, un philanthrope, s’est agrandie au fil des ans. D’une petite école primaire pour filles défavorisées à Salima et d’un modeste atelier de maroquinerie à Karm el-Zeitoun, l’association compte aujourd’hui sept centres recevant 1 500 malades ainsi que des étudiants. La fondation fait travailler 820 employés dont 450 au service des handicapés. Elle compte en tout 4 500 personnes. Depuis le début, l’enjeu de Nadim Choueiri était de montrer que toute personne handicapée pouvait être productive. D’ailleurs, dès les premières années, un slogan écrit sur le mur de l’atelier de Karm el-Zeitoun donne le ton : « Nous utilisons nos mains pour produire, non pour mendier. » Raïf Choueiri, directeur général d’al-Kafa’at, indique que « l’atelier de maroquinerie compte 170 personnes, toutes handicapées et payant leurs taxes à l’État ». Il ajoute également que durant les années soixante-dix, Nadim Choueiri et son épouse Lily ont constitué un fonds de leurs propres deniers afin qu’al-Kafa’at devienne une véritable institution. Aujourd’hui, avec ses sept centres, al-Kafa’at compte toutes sortes d’activités spécialisées pour personnes handicapées (éducation spécialisée, insertion professionnelle, ateliers protégés…). La fondation est le plus important centre accueillant des personnes et des enfants autistes au Liban. Elle dispose aussi du plus grand centre au Moyen-Orient accueillant des polyhandicapés (personnes souffrant d’un handicap cérébral très aigu associé à un problème mental). Au total tous les jours, 1 500 handicapés se trouvent sur les divers sites de Kafa’at. Sur ces 1 500, 1 200 sont des journaliers qui se trouvent dans un centre de la fondation. 600 de ces 1 200 résident en permanence dans ces centres. Dans ce cadre, deux résidences d’accueil ont été construites dans la zone de Hadeth. Et enfin, sur les 1 500, 300 personnes se rendent à Kafa’at d’une façon périodique et pour des soins précis. Les pensionnaires d’al-Kafa’at, qui viennent de toutes les régions du pays et qui appartiennent à toutes les communautés religieuses, sont généralement jeunes ; ils sont accueillis par l’association dès l’âge de quelques mois. « Notre plus jeune pensionnaire a tout juste quelques mois et le plus âgé environ 90 ans, car nous disposons d’un centre de jour qui accueille des personnes du troisième âge », indique le directeur général de la fondation, soulignant que cette dernière activité s’inscrit dans le cadre des services sociaux assurés par al-Kafa’at. Budget et contribution M. Choueiri souligne que « le budget de l’association s’élève à 8 millions et demi de dollars. 50 % viennent du Fonds d’al-Kafa’at, 30 % sont couverts par diverses activités de la fondation ainsi que par des donateurs et 20 % devraient être couverts par les participations des divers ministères. Ces 20 %, versés notamment par le ministère des Affaires sociales, couvrent uniquement les frais des handicapés et non les frais généraux d’al-Kafa’at ». Le pourcentage du ministère des Affaires sociales devrait donc être revu à la hausse si l’on compte uniquement le budget consacré aux personnes handicapées prises en charge par al-Kafa’at. Concernant les 30 % du budget couvert par les activités de la fondation, M. Choueiri donne l’exemple de l’activité menée dans le secteur de l’alimentaire. « L’école hôtelière d’al-Kafa’at qui forme les jeunes socialement défavorisés présente une cuisine collective. Nous avons créé ainsi la société Chef Ramzi qui commercialise des produits alimentaires finis. Une fois les taxes payées, les gains réalisés financent le travail social de la fondation », explique-t-il. Aujourd’hui, al-Kafa’at devrait régler un problème financier. Ce problème ne concerne pas le fonds de l’association ou les activités qu’elle entreprend pour générer de l’argent. Il est relatif à la contribution de l’État, précisément du ministère des Affaires sociales, au budget de la fondation. « L’État libanais n’a pas de centre spécialisé pour la prise en charge des personnes handicapées. Il délègue cette tâche aux associations caritatives », indique le directeur général d’al-Kafa’at, soulignant que « dans ce cadre, l’État signe un contrat avec les ONG et s’engage à payer les deux tiers des frais des malades, alors que l’association assume le tiers et pourvoit le bâtiment, le terrain, les équipements et l’amortissement ». Cette relation date depuis 40 ans. Mais un problème se pose depuis plusieurs années ; depuis 1996, le ministère n’assume plus les dépenses réelles des malades. D’ailleurs, la cotisation actuelle de l’État est conforme à une étude du ministère des Affaires sociales datant de 1996. Pourtant dans ce cadre, deux autres études avaient été effectuées en 2001 et en 2004, souligne M. Choueiri. Pour mieux se faire comprendre, il donne l’exemple d’un enfant polyhandicapé (imc – handicapé moteur cérébral). « Selon l’étude de 2004, les dépenses de cet enfant dans un centre spécialisé sont estimées à 18 000 livres par jour. L’État devrait payer 12 000 livres et l’ONG 6 000 livres ; mais actuellement, adoptant l’étude de 1996, l’État paie 4 500 et le reste de la somme est assuré par l’ONG », indique-il, notant que « sur les 1 500 malades qu’elle accueille, l’association compte 900 personnes en contrat avec le ministère des Affaires sociales ». M. Choueiri tire la sonnette d’alarme : « Nous ne pouvons plus continuer de cette façon, nos malades souffrent de lourds handicaps et leurs parents vivent dans la pauvreté et ne peuvent donc pas payer leur séjour à la fondation. » « Peut-être qu’ils doivent commencer à contribuer en payant à la place de l’État », ajoute-t-il. « La fondation peut aussi, à partir du 1er janvier 2009, commencer à réduire le nombre de ses pensionnaires », ajoute-t-il. Depuis 12 ans, les responsables d’al-Kafa’at se réunissent avec les autorités concernées. En vain. « Le budget du ministère des Affaires sociales est trop réduit pour pouvoir couvrir les frais. C’est qu’au cours de ces trois dernières années, les choses ont empiré, avec la paralysie du gouvernement, la fermeture du Parlement et la vacance durant six mois à la tête de l’État », estime le directeur général d’al-Kafa’at. M. Choueiri indique qu’il croit à l’intégrité du chef de l’État, Michel Sleiman, et l’affaire d’al-Kafa’at, une association qui n’a jamais refusé personne et qui risque de mettre des gens à la porte dans les mois à venir, pourrait l’émouvoir. Une solution rapide devrait être trouvée, si le ministère des Affaires sociales n’intervient pas, des enfants handicapés pourraient être refusés ; le nombre des pensionnaires de la fondation et des services qu’elle offre sera réduit. « Si l’État n’assume pas ses responsabilités, cette réduction sera supportée par les handicapés les plus difficiles, parce qu’ils sont les plus coûteux », explique M. Choueiri. Et si le nombre des malades est réduit, celui du personnel suivra… Si le directeur général d’al-Kafa’at organise une conférence de presse aujourd’hui, c’est qu’il croit toujours au changement, espérant que le gouvernement pourra assumer une part plus importante des dépenses…
La fondation al-Kafa’at va bientôt annoncer qu’elle pourrait commencer à réduire le nombre de ses malades, en majorité des enfants aux besoins spéciaux. C’est que l’ONG ne peut plus assumer le coût des soins accordés aux malades qui devrait être partagé équitablement avec le ministère des Affaires sociales.

La Fondation al-Kafa’at, créée il y a 51 ans par...