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Et si Ubu était agent de la circulation ?... Alain Plisson

Je conduis placidement (c’est bien le mot qui convient !) sur la route dite côtière entre un excité de l’accélérateur, une minette qui conduit une 4x4 comme s’il s’agissait d’un bulldozer, un free-delivery à la rescousse de quelqu’affamé du Darfour, et un adepte des Hell’s Angels sans casque mais lunettes noires obligatoires (alors que ce devrait être l’inverse !) et qui slalome entre les voitures avec autant de panache que s’il avait chaussé des skis sur les pentes de Faraya ou d’ailleurs, le tout accompagné de vrombissements high-tech. Je vous dispense de la bourgeoise scotchée à son portable, une cigarette dans une main et complètement absorbée par sa conversation à propos du dernier scandale extraconjugal, ou du dîner fashionable de la veille. J’en reviens à dire que je conduisais placidement lorsque, cette fois-ci, un agent de la circulation, motorisé, me dépasse en me demandant d’un ton sans appel de me garer sur le côté. J’obéis sans trop savoir ce qui m’arrive. Qu’ai-je donc fait de pire que les autres ? « Vos papiers », me demande l’agent de l’ordre comme dans un polar américain, à cette différence que je ne cache pas de cadavre dans le coffre. Pas à ma connaissance… J’extirpe de ma boîte à gants un papier sur lequel se trouvent consignées les photocopies de tous mes documents. L’agent blêmit. « Qu’est-ce que c’est ça ? Vous vous moquez de moi ? Qui me dit que tous ces documents n’ont pas été falsifiés ? Je vais saisir la voiture et vous allez me suivre au poste de police. » Je décide de rester placide, malgré tout et surtout de me faire aucun commentaire. Je suis… Vingt mètres plus loin, l’agent s’arrête. Moi aussi. « Où sont vos papiers » (les originaux sous-entendu !). « Chez moi. » « Et c’est où, chez vous ? » « À Dbayé. » « Allons-y. Vous allez me les montrer ces papiers ! Cela vous évitera le caracol. Et la saisie de la voiture. » Nous redémarrons, tandis que je me pose la question : « Est-ce que je suis bien Alain Plisson ou un autre ? » Mais nous n’allons pas bien loin. Re-stop, vingt mètres plus loin. « Je n’ai aucune raison d’aller chez vous. Mon boulot est de surveiller uniquement cette route. Vous allez donc me suivre au caracol. » Vais-je finir mes jours à Roumié ? Nous n’allons pas bien loin (vingt mètres encore !). Mais cette fois l’agent me regarde comme s’il ne m’avait pas vu auparavant. « Vieux comme vous l’êtes, il vaut mieux que je vous laisse partir. Et je ne vous dresserai même pas une contravention, tellement vous me faites pitié. Allah ma’ak. » Cela s’est passé il y a quelques semaines. Quelques semaines que je me pose des questions. Qu’ai-je fait ce jour-là sur la route maritime ? J’ai fini par en arriver à cette conclusion : mon tort est d’avoir conduit plus « placidement » que les autres. Et cela, au pays d’Ubu, constitue un crime de lèse-majesté ! Alain Plisson Chauffard ! Article paru le jeudi 18 septembre 2008
Je conduis placidement (c’est bien le mot qui convient !) sur la route dite côtière entre un excité de l’accélérateur, une minette qui conduit une 4x4 comme s’il s’agissait d’un bulldozer, un free-delivery à la rescousse de quelqu’affamé du Darfour, et un adepte des Hell’s Angels sans casque mais lunettes noires obligatoires (alors que ce devrait être l’inverse !) et qui...