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Actualités - REPORTAGE

Les Nations unies célèbrent la journée mondiale des Casques bleus La Finul, une mission de paix «?intérimaire?» âgée de trente ans

Les 29 mai de chaque année, les Nations unies célèbrent la journée mondiale des Casques bleus. La journée marque également l’anniversaire de la première mission onusienne de maintien de la paix. Cette mission est toujours en cours. Créée le 29 mai 1948, elle a été déployée aux frontières de la Palestine. Il s’agit de l’Onust, organisme de l’ONU chargé de la surveillance de la trêve en Palestine, qui a toujours des postes d’observation à la frontière entre le Liban et Israël. Depuis le 19 mars 1978, une autre mission est déployée au Liban-Sud?: la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban-Sud) créée après la première invasion israélienne du Liban-Sud et avec l’adoption de la résolution 425 du Conseil de sécurité. Le 11 août 2006, après la guerre entre Israël et le Hezbollah, avec l’adoption de la résolution 1701, le mandat de la Finul a été modifié et le nombre de Casques bleus augmenté. La mission de paix compte actuellement 13?000 soldats. Présent depuis février 1979 au Liban, Timor Goksel est devenu l’expert par excellence de la Finul. Initialement attaché de presse de la mission onusienne au Liban-Sud, il en est devenu, en 1995, le conseiller. Ayant pris sa retraite en 2003, il a élu domicile, depuis, au Liban, où il enseigne dans plusieurs universités les relations internationales et la résolution des conflits. Sans compter sa participation à diverses conférences sur le maintien de la paix au Liban et dans le monde. Même si la Finul actuelle, dont la mission a été modifiée en août 2006, est présentée comme plus «?robuste?», M. Goksel indique qu’elle est «?plus limitée?» que la première Finul. «?Quand la mission est arrivée au Liban en 1978, rien n’existait sur le terrain. Dans le mandat original de 1978, la Finul était livrée à elle-même, l’armée libanaise n’était pas déployée au Liban-Sud et les Casques bleus devaient agir seuls.?» Interrogé sur les nouvelles règles d’engagement de la Finul, il souligne que la résolution 1701 est plus détaillée que la résolution 425 dans ce cadre. «?Le texte de la 425 demandait aux Casques bleus de garder “une zone de paix et de sécurité”. La 1701 est plus détaillée concernant ce qu’il faut ou ne faut pas faire, mais après chaque paragraphe on précise que l’action se fait “en coopération avec l’armée libanaise”.?» L’ancien conseiller de la Finul indique dans ce cadre que «?le droit à l’autodéfense et à l’utilisation des armes a toujours existé. Quand les Casques bleus sont attaqués, ils ont le droit de se défendre. Mais on n’utilise jamais ce droit… parce qu’il faut être réaliste. Tu peux te défendre, mais tu ne peux pas commencer une guerre?». La Finul a certes des munitions et des soldats, mais les contingents doivent attendre les renforts qui viennent de l’étranger et cela n’est pas très facile, par exemple. De plus, la Finul actuelle travaille en coopération avec l’armée libanaise et c’est cette dernière qui prend les décisions. Pour illustrer son idée, M. Goksel raconte un incident datant d’avril 1980. L’Armée du Liban-Sud (ALS) avait bombardé le quartier général de la Finul à Naqoura. L’artillerie du contingent néerlandais pouvait atteindre le canon qui avait ciblé Naqoura. Rien n’avait été fait. La Finul avait les moyens et les raisons valables pour ouvrir le feu, mais elle ne l’a pas fait. Une création de Jimmy Carter «?La Finul n’a jamais entamé une opération au Liban-Sud. Mais parfois, les incidents commençaient aux barrages quand les Casques bleus découvraient des personnes en possession d’armes?», se souvient-il. Interrogé sur l’hostilité à laquelle la Finul renforcée fait face, M. Goksel indique que «?les habitants du Liban-Sud entretenaient des relations amicales avec la Finul, parce qu’elle était la seule force présente sur le terrain et parce qu’ils savaient que les soldats étaient là pour les aider. Si l’attitude des habitants a changé actuellement et s’ils sont parfois hostiles à la Finul, c’est parce que les Nations unies ont commis une erreur en renouvelant le mandat de la mission. Tout le monde s’est posé la même question concernant les nouvelles règles d’engagement de la mission parce que beaucoup ont dit que la Finul renforcée sera plus solide, plus robuste et différente de la première. Mais en fait, en tant que force de paix, on n’est pas là pour occuper un territoire ou pour faire la guerre à quiconque?», souligne l’ancien conseiller, ajoutant qu’«?il y a eu certainement un malentendu au début et les soldats déployés étaient nerveux. Actuellement, la situation est devenue plus calme?». «?C’est le malentendu sur le rôle de la Finul qui a provoqué des problèmes?», indique M. Goksel, soulignant que «?la faute n’est pas aux militaires mais à ceux qui ont pris la décision (les politiciens)?». «?Une erreur a été commise au début du changement du mandat de la mission et c’est pour cela que les habitants du Liban-Sud ont traité les Casques bleus d’une manière suspecte. Mais finalement, les habitants ont réalisé que c’était la même Finul?», estime-t-il. M. Goksel se souvient des difficultés rencontrées au début de la mission de la force onusienne. «?À la base, le personnel de l’ONU qui travaille au Moyen-Orient était contre l’établissement de cette mission, mais le Conseil de sécurité a cédé sous la pression américaine. Cette mission est une création de l’ancien président américain Jimmy Carter. Il tenait à sauver les négociations de paix entre Israël et l’Égypte, qui ont débouché sur la signature de l’accord de Camp David le 17 septembre 1978. Or, en mars 1978, au moment du vote de la 425, le Liban était un pays qui vivait des guerres. Pour rassurer les Nations unies, Carter a donné à la force le nom d’intérimaire. Il avait insisté disant que ce sera une mission à court terme… Mais la situation était impossible au Liban. Il n’y avait pas seulement une invasion israélienne du Liban-Sud, mais aussi une guerre civile.?» Rappelant que la Finul a été déployée au Liban à cause des Palestiniens qui opéraient au sud du pays, M. Goksel souligne qu’à l’époque et durant de longues années «?la Finul était une force sandwich entre les Israéliens et leurs alliés, d’une part, et les Palestiniens et d’autres factions libanaises présentes sur le terrain, de l’autre. Une centaine de soldats ont péri dans des incidents et des tirs croisés, notamment des Fidjiens et des Irlandais. Parfois, la Finul était une cible. Dès son arrivée en 1978, elle avait été attaquée. Dans ce cadre, en 1978, une embuscade avait visé le contingent français qui essayait d’entrer à Tyr?». Otages des Israéliens La poche de Tyr et la ville n’étaient pas sous le contrôle de la Finul, mais sous contrôle palestinien. Ce n’est qu’en 1985 que la Finul a pu ouvrir un bureau à Tyr. La zone de sécurité créée par les Israéliens et contrôlée par l’ALS, notamment Bint Jbeil et Marjeyoun, n’était pas non plus contrôlée par les Casques bleus. «?Israël ne nous permettait pas d’aller à la frontière. Nous avions des positions symboliques, notamment à Deir Mimas et à Taibé. Ces positions étaient dangereuses pour les Casques bleus. On était dans une zone contrôlée par l’ALS, donc par les Israéliens. Et s’ils voulaient faire pression sur la Finul, il nous coupait la route du ravitaillement. Nous étions les otages des Israéliens?», indique-t-il. «?Mais à la frontière, de Ibl el-Saki jusqu’à Chebaa et Kfarchouba, la zone était contrôlée par la Finul, notamment par le contingent norvégien qui est resté de 1978 à 1997. Cette zone était complètement coupée de Naqoura?», ajoute-t-il. «?Le quartier général des Casques bleus à Naqoura était également l’otage des Israéliens. Comme les civils de la Finul n’avaient pas accès à Beyrouth, ils vivaient et faisaient leurs courses en Israël. Les Israéliens avaient tout pour eux, notamment l’économie, les informations à travers la Finul, la pression sur la mission onusienne, car ils nous bloquaient la route quand ils le voulaient?», dit-il. D’autres factions étaient présentes sur le terrain, notamment le Mouvement national, le mouvement Amal et le Hezbollah. La Finul avait certes des problèmes avec les Palestiniens, notamment le Fateh. Mais le contact était établi entre les Casques bleus et des officiers de la branche armée de l’OLP, ce qui permettait de résoudre les problèmes. «?Mais parfois, quand des problèmes graves éclataient, ces officiers disparaissaient, j’entrais en contact avec l’ancien chef de l’OLP Yasser Arafat et il me disait?: “Ce sont de petits groupes, des éléments incontrôlables”. Or, c’est bien lui qui les payait…?» «?Quand je rendais visite au Fateh, je savais juger la gravité de la situation, et à quel point ils étaient impliqués, à partir des friandises et des boissons qu’ils m’offraient. Plus la situation était mauvaise, plus ils offraient de bonnes choses, du baklawa par exemple. Sinon, ils se contentaient de me donner un simple jus?», raconte M. Goksel. Les armes du Hezbollah Les relations entre le mouvement Amal et la Finul étaient bonnes. Ce n’était pas le cas avec le Hezbollah. «?La relation était très négative entre la Finul et le Hezbollah qui est arrivé dans la région en 1983. Il y avait tout le temps des tirs sur les Casques bleus. D’ailleurs, à l’époque, beaucoup de soldats sont tombés sous le feu du Hezbollah. En ces temps-là, les miliciens du Hezbollah étaient originaires de la Békaa, ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi il y avait des Européens au Liban-Sud. Les choses ont changé avec l’arrivée de l’actuel secrétaire général du parti Hassan Nasrallah?», raconte M. Goksel. À la question de savoir si les Casques bleus sont actuellement les otages du Hezbollah, M. Goksel répond par la négative, expliquant que la milice chiite «?fait très attention à la Finul, ne prend pas de risques avec elle. Le Hezbollah a besoin de la Finul qui constitue une sécurité contre Israël. C’est certainement la présence des Casques bleus – avec d’importants pays européens – qui empêche les Israéliens d’avoir la liberté d’agir comme avant?; ainsi, si un seul soldat israélien viole, ne serait-ce que d’un mètre, la ligne bleue, toutes les capitales européennes sont informées?». Mais n’y a-t-il pas aussi des restrictions sur le Hezbollah?? «?Bien sûr qu’il y en a. Mais même avant le déploiement de la Finul renforcée, le Hezbollah ne se montrait jamais avec ses armes. J’étais présent au Liban-Sud quand le Hezbollah est apparu dans la zone. Jusqu’à ma retraite, je n’ai jamais vu des barrages du Hezbollah ou ses miliciens se promener avec des armes apparentes. Ils venaient dans la zone, ils attaquaient leurs cibles puis disparaissaient. Pour eux, le fait d’être vus par les Nations unies est une honte. Nous avons eu des problèmes avec eux. Ils ne nous font pas confiance, nous sommes des étrangers?», indique M. Goksel. «?Avec la Finul renforcée, très peu de choses ont changé pour le Hezbollah. Maintenant, les miliciens ne peuvent plus aller dans la zone contrôlée par la Finul et les forces armées libanaises, et procéder à des constructions, mais ils peuvent toujours transporter des armes, qui les arrêtera???» ajoute-t-il. L’ancien conseiller de la Finul, qui estime que les attentats ayant eu pour cibles les Casques bleus au cours des douze mois écoulés sont le fait de groupes fondamentalistes proches d’el-Qaëda, indique que «?l’armée libanaise et le Hezbollah sont en train d’aider pour que les attaques contre la Finul ne se répètent pas. Le Hezbollah ne veut pas que cela se répète, parce qu’il est accusé d’être à l’origine des attaques?», explique-t-il. M. Goksel rappelle également que la superficie de la zone, qui est actuellement sous le contrôle de la Finul, est de loin plus importante que celle contrôlée par les Casques bleus en 1978. Avec le retrait israélien en mai 2000, la zone est devenue plus importante. Elle s’est également élargie après la guerre de juillet 2006. «?Malgré tous les problèmes qui existent au Liban, le pays reste le plus sûr pour une mission de paix?», souligne enfin l’ancien conseiller de la Finul. Message de Ban Ki-moon à l’occasion du 60e anniversaire des opérations de maintien de la paix À l’occasion de la Journée internationale des Casques bleus, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a rendu public le message?suivant : «?Il y a 60?ans, jour pour jour, le Conseil de sécurité créait notre première mission de maintien de la paix. La plupart du personnel venait d’un petit nombre de pays d’Europe et d’Amérique et comprenait essentiellement des militaires sans arme chargés d’observer et de surveiller les lignes de cessez-le-feu.?» «?Depuis lors, le maintien de la paix est devenu une activité phare de notre organisation. À l’heure actuelle, plus de 110?000 hommes et femmes sont déployés dans des zones de conflit aux quatre coins du monde. Ces défenseurs de la paix proviennent de près de 120 pays, ce qui constitue un record et reflète la confiance que suscitent les opérations de maintien de la paix des Nations unies. Certains sont en uniforme, mais nombre d’entre eux sont des civils dont les activités vont bien au-delà de la surveillance?», a-t-il dit. «?Les Casques bleus sont chargés de former des policiers, de désarmer les ex-combattants, d’appuyer la tenue d’élections et d’aider à édifier les institutions publiques. Ils construisent des ponts, réparent des écoles, secourent les victimes d’inondations et protègent les femmes de la violence sexuelle. Ils défendent les droits de l’homme et encouragent l’égalité des sexes. Grâce à leurs efforts, une assistance humanitaire peut être assurée pour sauver des vies et le développement économique peut commencer?», a-t-il ajouté. Notant que plus de la moitié des États membres de l’ONU fournissent des militaires et des policiers pour les opérations de maintien de la paix, M. Ban a souligné que le Pakistan, l’Inde, le Bangladesh, le Nigeria et le Népal assurent à eux seuls près de la moitié des Casques bleus de l’ONU. «?Durant ces 60 années, plus de 2?400 hommes et femmes se sont sacrifiés à la cause de la paix. Rien que l’an dernier, nous avons perdu 87 membres de ce valeureux personnel?», a-t-il conclu. Le maintien de la paix, une entreprise de taille • L’Onu est l’organisation multilatérale qui contribue le plus largement à la stabilisation après un conflit dans le monde entier. • Seuls les États-Unis déploient plus de militaires sur le terrain que les Nations unies. • Plus de 104?000 agents servent dans les vingt opérations de maintien de la paix dirigées par le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP). Celles-ci sont réparties sur quatre continents et douze fuseaux horaires. Cela représente une multiplication par sept des Casques bleus depuis 1999. • L’ONU n’a pas de forces militaires propres. Elle compte sur les contributions des États membres. En janvier 2008, 119 pays avaient fourni des contingents militaires et de police pour les opérations de maintien de la paix des Nations unies. • En janvier 2008, plus de 80?000 membres de ces contingents étaient des soldats ou des observateurs militaires et 11?000 environ faisaient partie des forces de police. De plus, il y a près de 6?000 fonctionnaires internationaux, plus de 13?000 civils recrutés localement et quelque 2?300 volontaires des Nations unies provenant de plus de 160 nations différentes. • Les femmes occupent de plus en plus souvent d’importants postes de direction dans les opérations de maintien de la paix?: de février 2007 à janvier 2008, on a vu le nombre de femmes servant dans des opérations de maintien de la paix augmenter de 40 pour cent. À l’heure actuelle, c’est une femme qui dirige les opérations de maintien de la paix en tant que représentante spéciale du secrétaire général et deux autres femmes sont représentantes spéciales adjointes. La responsable du DAM et le chef de cabinet du DOMP sont toutes deux de sexe féminin. En outre, le tout premier contingent exclusivement féminin à servir dans une opération de maintien de la paix, une unité de police constituée de l’Inde, a été déployée en 2007 dans le cadre de l’opération de l’ONU au Liberia. • Rien qu’en 2007, le DOMP a géré ou utilisé?: – 20 hôpitaux militaires et plus de 230 centres sanitaires?; – plus de 18 000 véhicules et 210 appareils aériens?; – 450 stations satellite terrestres, 40?000 ordinateurs de bureau et 2?800 serveurs, avec quelque 3,5 millions de courriels et 2,5 millions de communications téléphoniques par mois (soit environ une par seconde) et une moyenne de 200 vidéoconférences par mois. • Dans le cadre du maintien de la paix de l’ONU, le Service de la lutte antimines organise des opérations de déminage pour permettre aux Casques bleus de se déployer et de remplir leur mandat à Chypre, en RDCongo, en Érythrée/Éthiopie, au Liban, au Soudan et au Sahara occidental. – Des équipes de lutte antimines ont déjà déminé 50 pour cent des voies principales dans le Sud-Soudan afin de permettre aux soldats de la paix et aux convois humanitaires de se déplacer dans la région. – Le centre de lutte antimines pour l’Afghanistan a nettoyé près d’un milliard de mètres carrés de terrain, neutralisant les mines terrestres et les explosifs laissés là par la guerre. – Le Centre de coordination de la lutte antimines du Liban-Sud, attaché à la Finul, a déjà déminé 32,6 millions de mètres carrés sur les 38,7 millions de mètres carrés de terrain contaminés par des bombes à fragmentation pendant le conflit qui s’est déroulé dans la région en 2006. Patricia KHODER
Les 29 mai de chaque année, les Nations unies célèbrent la journée mondiale des Casques bleus. La journée marque également l’anniversaire de la première mission onusienne de maintien de la paix. Cette mission est toujours en cours. Créée le 29 mai 1948, elle a été déployée aux frontières de la Palestine. Il s’agit de l’Onust, organisme de l’ONU chargé de la...